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géant de bronze nommé Talos, qui, trois fois par jour, ou par année, parcourait la Crète, et étouffait entre ses bras brûlants les étrangers qui abordaient sur la côte. Il voit là une allusion à la statue de Saturne, qui, chez les Israélites et à Carthage, recevait dans ses bras, rougis par un feu ardent, les malheureuses victimes que lui offrait la superstition. Il peut y avoir, dans ce rapprochement, quelque chose d'ingénieux. Je ferai seulement observer que la tradition qui attribue à Moloch une tête de bœuf, que celle qui atteste que les enfants offerts en sacrifice étaient placés dans les bras échauffés de l'idole, ne reposent sur aucun témoignage contemporain, et n'ont pour appui que l'assertion des commentateurs juifs, qui vivaient à une époque bien postérieure à celle dont ils ont entrepris d'exposer les faits. Si l'on en croit M. Movers, les trois frères, Rhadamante, Minos, Sarpédon, portent des noms qui rappellent des divinités phéniciennes. Le premier nom représente les mots (le dominateur de la mort); le nom du dernier doit s'expliquer par 12, sar-paddan (le chef de la plaine); et enfin, Minos nous représente les motsou, c'est-à-dire «le maître de l'habitation (céleste). » De pareilles étymologies peuvent laisser quelque prise au doute. M. Movers fait observer que l'Egypte, qui se vantait d'avoir donné aux autres peuples ses idées religieuses, avait, dès les plus anciennes époques, adopté les divinités des peuples sémitiques, et, en particulier, des Phéniciens; que, dans l'espace qui s'étend entre les années 2000 et 1600 avant Jésus-Christ, des Phéniciens, partis de la contrée des Philistins, s'étaient établis dans la basse Égypte, où ils avaient fondé les dynasties des Hyksos ou pasteurs; que ce peuple, après de longues guerres avec les habitants de cette contrée, fut enfin chassé par eux, et alla chercher un refuge sur la côte nord de l'Afrique, sur les côtes de la mer Méditerranée et en Grèce. Suivant lui, ces pasteurs étaient des Philistins; il discute cette opinion avec de grands détails. Je ne m'arrêterai pas sur cette matière, attendu que je l'ai traitée moi-même dans mes articles sur l'Histoire des Philistins.

M. Movers attribue aux Philistins de longues expéditions maritimes. Il parle des établissements formés par ces peuples dans l'île de Cythère, à Paphos, en Crète, à Jalysus dans l'île de Rhodes. Je ferai observer. à cette occasion, que, dans le récit d'Hérodote1, ce ne sont pas précisément les Philistins qui sont indiqués comme les fondateurs du temple de Cythère, mais les Phéniciens, originaires de la Syrie.

1

M. Movers attribue à l'invasion des Philistins en Égypte une grande

1 Lib. I,

cap. cv.

influence sur la religion des Égyptiens, et l'introduction de divinités dont le culte était particulier aux nations de race sémitique. Mais, si je ne me trompe, M. Movers s'exagère beaucoup l'influence que purent exercer les Hyksos ou pasteurs sur l'Egypte, durant le temps que ce pays fut soumis à leur sceptre de fer. D'abord, les Égyptiens, ce peuple si tenace, si ennemi du progrès, si attaché à ses usages, à ses institutions, devait se montrer peu enclin à accueillir des changements qui ne tendaient à rien moins qu'à dénaturer sa religion; surtout quand ces prétendues améliorations lui étaient imposées, le fer et la flamme à la main, par une nation d'étrangers, qui s'étaient montrés pour lui des conquérants barbares et impitoyables. En supposant que les Égyptiens, par suite de leur timidité naturelle, eussent courbé la tête sous le joug, et reçu, sans murmurer, la loi de leurs maîtres, il est probable que, dans le moment où une lutte courageuse et désespérée les affranchit pour toujours d'un joug odieux, ils auraient rejeté avec indignation ces atteintes portées à leur culte primitif, et qui n'offraient plus pour eux qu'un monument de leur servitude. En outre, il est fort douteux que les Hyksos, lors de la conquête de l'Égypte, aient eu une civilisation assez avancée pour qu'ils tentassent de faire prévaloir, chez le peuple vaincu, leurs institutions religieuses. Il est plus probable qu'ils se seraient plutôt trouvés dans la position où a toujours été un peuple conquérant, qui soumet par la force de ses armes une nation beaucoup plus éclairée que lui. Bien loin de prétendre implanter chez les vaincus des institutions qu'il ne possède que d'une manière trèsimparfaite, il rougit bientôt de se voir si en arrière sous le rapport de la civilisation. Il n'a alors d'autre ressource que de s'amalgamer avec ses nouveaux sujets, et de leur demander des institutions politiques, scientifiques et religieuses, à l'aide desquelles il puisse réparer le vice de son éducation primitive, et se placer sur la ligne des peuples véritablement civilisés. On peut donc croire que ces pasteurs auraient plutôt admis les idées religieuses des Égyptiens, qu'ils ne leur eussent imposé des dogmes étrangers. Enfin, est-il vrai, comme le suppose M. Movers, que les pasteurs fussent réellement d'origine phénicienne ou philistine? J'ose ne pas le croire, et je prends la liberté de renvoyer, sur cet article, mes lecteurs à ce que je viens d'écrire en rendant compte du livre de M. Hitzig.

QUATREMÈRE.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. L'Académie des inscriptions et belles-lettres a tenu, le vendredi 21 août, sa séance publique annuelle sous la présidence de M. Naudet. Après l'annonce des prix décernés et des sujets de prix proposés, M. Lenormant a lu un rapport sur les mémoires envoyés au concours, relatifs aux antiquités de la France. Le reste de la séance a été rempli par la lecture d'une notice historique sur la vie et les ouvrages de M. Mionnet, par M. Walckenaer, secrétaire perpétuel, et de deux fragments de mémoires, l'un, de M. Raoul-Rochette, sur l'Hercule assyrien et phénicien, considéré dans ses rapports avec l'Hercule grec, principalement à l'aide des monuments de l'antiquité figurée; l'autre, de M. Reinaud, sur l'Inde antérieurement au milieu du X1° siècle, d'après les écrivains arabes, persans et chinois. L'heure avancée n'a pas permis d'entendre la lecture d'une notice sur Guillaume Guiart, par M. de Wailly.

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PRIX DÉCERNÉS.

PRIX ORDINAIRES. - L'Académie, dans sa séance publique de 1845, avait prorogé jusqu'au 1 avril 1846 le concours ouvert en 1842, sur la question suivante: Tracer l'histoire des guerres qui, depuis l'empereur Gordien jusqu'à l'invasion des Arabes, eurent lieu entre les Romains et les rois de Perse de la dynastie des Sassanides, et dont fut le théatre le bassin de l'Euphrate et du Tigre, depuis l'Oronte jusqu'en Médie, entre Erzeroum au nord, Ctesiphon et Pétra au sud. L'Académie a accordé le prix à M. Henri Kiepert, docteur en philosophie, géographe de l'institut industriel à Weymar.

L'Académie avait proposé pour sujet de prix à décerner en 1845, et remis au concours de 1846, la question suivante: Examen critique des historiens de Constantin le Grand, comparés aux derniers monuments de son règne. Ce prix a été accordé à M. Nicard.

L'Académie a proposé, dans sa séance de 1844, pour sujet de prix à décerner en 1846, la question suivante : Examen critique de la succession des dynasties égyptiennes d'après les textes historiques et les monuments nationaux. L'Académie a accordé le prix au mémoire qui a pour auteur M. Lesueur, architecte, et une mention très-honorable à celui de M. Brunet de Presle.

PRIX DE NUMISMATIQUE. L'Académie décerne le prix de numismatique fonde par M. Allier de Hauteroche à M. Duchalais, pour son ouvrage intitulé : Description des médailles gauloises faisant partie des collections de la Bibliothèque royale. Il a été décerné une mention très-honorable à M. Giulio de San-Quentino, pour l'ouvrage intitulé: Delle monete dell' imperatore Giustiniano.

ANTIQUITÉS DE LA FRANCE. L'Académie a décerné la première médaille à M. Long, pour ses Recherches sur les antiquités romaines du pays des Vocontiens, manuscrit; la seconde médaille à M. Leynouvie, pour son Histoire du Limousin, la Bourgeoisie, 2 vol. in-8°. Elle partage la troisième médaille ex æquo entre M. Cartier, pour ses Recherches sur les monnaies au type chartrain, 1 vol. in-8°, et M. Girardot, pour son

Histoire du chapitre de Saint-Étienne de Bourges, manuscrit. L'Académie a exprimé le
regret qu'il n'y eût pas une quatrième médaille à partager entre M. Vaudoyer pour
son ouvrage intitulé: Ancien Orléanais.— Architecture privée, manuscrit, et M. Le-
roux de Lincy, pour son Histoire de l'hôtel de ville de Paris, 1 vol. in-4°. Elle a
accordé, en outre, dix mentions très-honorables et huit mentions honorables à
divers ouvrages sur les antiquités de la France.

PRIX EXTRAORDINAIRES FONDÉS PAR M. LE BARON GOBERT, pour le travail le plus sa-
vant et le plus profond sur l'histoire de France et les études qui s'y rattachent.-L'Aca-
démie a décerné le premier de ces prix à M. Aurélien de Courson, pour son His-
toire des peuples bretons dans la Gaule et dans les îles britanniques, langue, coutumes,
mœurs et institutions, 2 vol. in-8°; et elle a décidé que M. Monteil serait maintenu
dans la possession du second prix qui lui a été décerné en 1840.

PRIX PROPOSÉS.

PRIX ORDINAIRES. L'Académie rappelle qu'elle a proposé, pour sujet du prix or-
dinaire à décerner en 1847, l'Histoire de l'étude de la langue grecque dans l'occident
de l'Europe, depuis la fin du x' siècle jusqu'à celle du x1v'.

L'Académie propose pour sujet du prix ordinaire à décerner en 1848: « Éclaircir
les annales et retracer l'état de la France pendant la seconde moitié du x' siècle, d'après
les documents publiés ou inédits. »

-

PRIX DE NUMISMATIQUE. Le prix annuel pour lequel M. Allier de Hauteroche a
légue à l'Académie une rente de quatre cents francs sera décerné, en 1847, au
meilleur ouvrage numismatique qui aura été publié depuis le 1 avril 1846. Les
membres de l'Institut sont seuls exceptés de ce concours.

Antiquités de FranNCE.-Trois médailles de la valeur de cinq cents francs chacune
seront décernées, en 1847, aux meilleurs ouvrages sur les antiquités de la France,
qui auront été déposés au secrétariat de l'Institut avant le 1 avril 1847.

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er

PRIX EXTRAORDINAIRES FONDÉS PAR M. LE BARON GOBERT. Au 1 avril 1847,
l'Académie s'occupera de l'examen des ouvrages qui auront paru depuis le 1" avril
1846, et qui pourront concourir aux prix annuels fondés par M. le baron Gobert.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

M. le baron de Damoiseau, membre de l'Académie des sciences, section d'astro-
nomie, est mort à Issy, près Paris.

TABLE.

Theatre français au moyen âge, publié d'après les manuscrits de la bibliothèque
du Roi, par MM. L.-G. Monmerqué et Francisque Michel (3 article de
M. Magnin)....

Hutcheson, fondateur de l'école écossaise (1 article de M. Cousin)

Page 450

465

1. Place de l'Égypte dans l'histoire du monde, par Ch. C. J. Bunsen; 2. Choix
des documents les plus importants de l'antiquité égyptienne, par le D' R. Lep-
sius (4° article de M. Raoul-Rochette)....

479

Die Phonizier, von Movers (Les Phéniciens, par M. Movers, professeur à l'uni-
versité de Breslau) (1 article de M. Quatremère.)... . . .
Nouvelles littéraires...

497

511

FIN DE LA TABLE.

JOURNAL

DES SAVANTS.

SEPTEMBRE 1846.

RELATION des Voyages faits par les Arabes et les Persans dans l'Inde et à la Chine, dans le 1xe siècle de l'ère chrétienne. Texte arabe, imprimé en 1811, par les soins de feu Langlès, publié, avec des corrections et additions, et accompagné d'une traduction française et d'éclaircissements, par M. Reinaud, membre de l'Institut. Paris, Imprimerie royale, 1845, 2 vol. in-18.

PREMIER ARTICLE.

Un savant, profondément versé dans la connaissance des langues et de l'histoire de l'Orient, qui a rendu à la religion d'importants services, que Boileau, en lui adressant sa xII° épître, saluait, avec toute raison, du titre de docte abbé, Renaudot, publia, l'an 1718, un volume qui porte pour titre : Anciennes relations des Indes et de la Chine, de deux voyageurs mahometans qui y allèrent dans le 1x siècle, traduites d'arabe, avec des remarques sur les principaux endroits de ces relations, in-8°. Le traducteur n'avait point songé à publier le texte; il n'avait pas même indiqué, d'une manière assez précise, le manuscrit dont il avait tiré ces récits; en sorte que l'on avait été jusqu'à soupçonner la bonne foi du savant écrivain, jusqu'au moment où M. de Guignes retrouva le volume sur lequel Renaudot avait fait son travail. Dans les premières années du xix siècle, M. Langlès forma le dessein de publier le texte de cet ouvrage, et de l'accompagner d'une nouvelle version française. Il choisit le format in-18, parce que ce livre était destiné à faire partie de sa collection portative de voyages, collection dont cinq volumes seulement

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