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finiment étendu, composé de particules distinctes, séparées par une force de répulsion mutuelle dont l'énergie est supposée croître arbitrairement à mesure que la distance devient moindre; ce qui est la seule notion certaine que nous puissions nous former de la constitution des gaz. Même, dans les cas particuliers que les géomètres ont jusqu'à présent abordés, les calculs ne sont devenus praticables qu'en y introduisant des hypothèses physiques particulières, dont les conséquences de détail pourraient s'éloigner en beaucoup de points de celles qui résulteraient de la constitution réelle des milieux, considérée dans sa généralité. C'est pourquoi, à défaut de ces résultats définitifs que l'on n'a point encore, je me suis borné à reproduire de mon mieux la manière dont Newton a envisagé ce problème; et je rapporte ici en note ses propres paroles, pour que l'on puisse voir si j'en ai bien saisi le sens. Cette limitation de nos formules mathématiques actuelles est

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Philosophiæ naturalis principia mathematica, lib. II, prop. XLIII, theor. XXXIV. Partes corporis tremuli, vicibus alternis eundo et redeundo, itu suo urgebunt et propellent partes medii sibi proximas; et urgendo compriment easdem et condensabunt; dein, reditu suo, sinent partes compressas recedere, et sese expandere. «Igitur partes medii, corpori tremulo proximæ, ibunt et redibunt per vices, ad instar partium corporis illius tremuli: et, qua ratione partes corporis hujus agitabant hasce medii partes, hæ, similibus tremoribus agitatæ, agitabunt partes sibi proxi«mas; eæque similiter agitatæ agitabunt ulteriores, et sic deinceps in infinitum. Et, quemadmodum medii partes primæ eundo condensantur et redeundo relaxantur, «sic, partes reliquæ, quoties eunt, condensantur, et, quoties redeunt, sese expandent. Et propterea, non omnes ibunt et simul redibunt (sic enim determinatas ab in« vicem distantias servando, non rarefierent et condensarentur per vices); sed acce«dendo ad invicem ubi condensantur, et recedendo ubi rarefiunt, aliquæ earum «ibunt, dum aliæ redeunt, idque vicibus alternis in infinitum. Partes autem euntes, « et eundo condensatæ, ob motum suum progressivum, quo ferunt obstacula, sunt pulsus; et propterea pulsus successivi, a corpore omni tremulo in directum propagabuntur; idque æqualibus circiter ab invicem distantiis, ob æqualia temporis intervalla quibus corpus, tremoribus suis singulis, singulos pulsus excitat. Et quanquam corporis tremuli partes eant et redeant secundum plagam aliquam, tamen pulsus inde per medium propagati sese dilatabunt ad latera per propositionem præceden«tem (cette proposition établit la propagation de la pression dans tous les sens); et a corpore illo tremulo, tanquam centro communi, secundum superficies propemodum sphæricas et concentricas, undique propagabuntur. »Poisson a traité le cas des ébranlements communiqués à une ligne physique d'air par les vibrations continues d'un corps rigide dans un Mémoire inséré au tome II de la collection de l'Académie des sciences, page 305, et il arrive aux mêmes résultats que Newton. Ce que j'ai dit de Lagrange peut se voir dans son deuxième mémoire sur le son, Mélanges de Turin pour les années 1760 et 1761, page 16. Il n'avait probablement pas assez remarqué que Newton suppose le corps excitateur en vibration soutenue pendant un temps indéfini, ce qui établit nécessairement la même continuité entre les intervalles des pulsations propagées, et les étend à toute la masse du milieu.

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très-essentielle à remarquer pour apprécier sainement ce qu'il y a de certain et d'incertain dans les caractères que l'on peut attribuer aux ondes lumineuses, en y transportant par analogie ceux des ondes sonores, qui ne sont qu'incomplétement démontrés. Le passage du livre des Principes où Newton a établi la théorie de la propagation du son est un des plus abstraits de cet admirable ouvrage. D'Alembert déclarait n'en pas trouver de plus difficile; Jean Bernouilli avouait ne pouvoir le comprendre; et Lagrange commença ses belles recherches sur la propagation du son en essayant de combattre la démonstration que Newton en avait donnée. Il reconnut plus tard qu'elle était exacte, en retrouvant par une voie plus générale le même résultat. Mais l'abstraction analytique de son esprit l'empêcha peut-être de sentir assez ce qu'il y avait d'important et de réel dans cet état ondulatoire permanent et général, que Newton fait prendre à un fluide élastique d'une étendue indéfinie, sous l'influence d'un corps mis en vibration continue. Cette conception, ingénieusement suivie dans ses détails les plus intimes, et transportée à l'éther lumineux, a été le premier principe de toutes les découvertes de Fresnel: c'est pourquoi j'y ai tant insisté.

Je crois maintenant pouvoir dire pourquoi Newton ne voulut jamais représenter la lumière par la transmission immédiate d'un mouvement ondulatoire excité par les vibrations des corps lumineux dans l'éther élastique dont il admettait l'existence. Deux motifs mécaniques lui paraissaient repousser péremptoirement cette idée.

Tout le monde sait que les ondulations sonores se propagent dans l'air, non-seulement en ligne droite, mais aussi latéralement. Elles se dévient à la rencontre des obstacles matériels, tournent autour d'eux, et vont se répandre sphériquement au delà. C'est ainsi que des explo

sions d'artillerie se font entendre dans tous les détours d'une ville, et que les sons d'un instrument de musique arrivent du dehors, par les fenêtres ouvertes, dans tout l'intérieur d'un appartement. Cette propagation en tout sens résulte des pressions latérales que les portions condensées ou dilatées des ondes aériennes exercent sur les particules d'air environnantes, ou reçoivent d'elles. La lumière, au contraire, se propage en ligne droite dans les milieux diaphanes de constitution uniforme; elle est arrêtée immédiatement par les corps opaques; et, si elle s'infléchit quelque peu en passant près de leurs bords, ce que Newton n'ignorait pas, elle ne se replie point sphériquement au delà, comme le son, en s'y répandant de nouveau à peu près avec uniformité. Par exemple, des ondulations propagées à la manière des ondes sonores sembleraient ne pas pouvoir produire l'obscurité complète qui s'observe

dans les éclipses totales de soleil. Telle est l'objection que Newton oppose comme décisive contre l'idée de la propagation immédiate de la lumière par des pulsations imprimées à un milieu élastique, et je rapporte ici en note ses paroles expresses, tirées du livre des Principes1. Il la reproduit dans la xxvII question de l'optique. Les géomètres postérieurs ne sont pas encore parvenus à lever cette difficulté; mais elle doit nous paraître aujourd'hui beaucoup moins forte qu'elle ne l'était pour lui. Nous savons maintenant par des expériences certaines que l'égalité de pression en tous sens, qui est une condition nécessaire de l'équilibre des fluides, peut n'avoir plus lieu dans leurs mouvements, surtout s'ils sont très-rapides. Si les géomètres n'ont pas encore pu démontrer la possibilité d'un mouvement propagé rigoureusement en ligne droite, dans un fluide élastique, sans communication latérale sensible, il ne serait pas invraisemblable, comme l'a remarqué Fresnel, que cela tînt à l'imperfection et à la limitation des hypothèses physiques, par lesquelles ils définissent la constitution de ces milieux, pour l'introduire dans leurs calculs analytiques. Reconnaissons donc, pour rester dans le vrai, que la difficulté de la transmission rectiligne, qui arrêtait Newton, n'est pas complétement résolue, mais qu'elle ne paraît pas insoluble. Poisson, aux derniers moments de sa vie, croyait être parvenu à la lever. Mais, s'il l'a fait, il a emporté son secret dans le tombeau.

Newton élevait une autre objection encore plus grave. Dans les idées que nous pouvons nous former sur les mouvements périodiques communiqués à un fluide élastique, et propagés continuement à travers sa masse, la longueur de chaque ondulation, considérée individuellement, est égale à l'espace que les ébranlements propagés parcourent.dans le fluide pendant la durée de la double vibration qui l'a excitée. S'il se produit des séries d'ondes de longueurs diverses, dans le même milieu, elles doivent résulter de vibrations excitantes d'inégales durées. Mais la vitesse de leur propagation, dépendant du fluide seul, est la même pour toutes. Donc, lorsque plusieurs séries d'ondulations, de longueurs distinctes, après avoir marché simultanément dans un même fluide, passent de celui-là dans un autre de même nature, différant seulement par le rapport de l'élasticité à la densité, elles devraient s'y allonger, ou s'y raccourcir, proportionnellement à la nouvelle vitesse de transmission. Mais cette vitesse devrait rester commune à toutes; et ainsi elles ne

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'Philosophiæ naturalis principia mathematica, lib. II, prop. XLIII, theor. XXXIV, coroll. Hallucinantur igitur qui credunt agitationem flammæ, ad pressionem per ⚫ medium ambiens, secundum lineas rectas propagandam, conducere. Debebit ejusmodi pressio, non ab agitatione sola partium flammæ, sed a totius dilatatione derivari. »

devraient pas se séparer suivant différentes directions, en prenant des vitesses différentes. Or c'est précisément ce phénomène de dispersion qu'on observe, quand un filet de lumière blanche est simultanément réfracté par un prisme; et, selon l'observation encore, chaque ondulation, ou chaque double intervalle d'accès, se contracte ou s'allonge proportionnellement à la nouvelle vitesse de transmission qui lui est devenue propre. Cette diversité de vitesses produites sous une incidence commune, et succédant à leur identité, est un fait jusqu'à présent inexpliqué dans l'hypothèse ondulatoire simple; et je ne sache pas que l'on ait imaginé encore de conjecture plausible par laquelle on pût espérer de l'y rattacher mécaniquement. Fresnel l'a tenté plusieurs fois, et plus habilement que personne. Il annonce même une note sur ce sujet, à la fin de son mémoire sur la double réfraction. Mais il ne l'y a pas annexée; soit qu'en approfondissant la question il y ait trouvé des difficultés qu'il ne pouvait pas encore vaincre; soit qu'il ait cru nécessaire de la traiter à fond, dans un mémoire spécial que la mort l'aura empêché d'écrire. On peut dire justement de lui ce que Newton disait de Côtes, enlevé de même jeune et plein de génie : «S'il avait vécu, nous saurions quelque chose!»>

Pourtant je proposerai encore un dernier doute. Lorsqu'un corps solide, mis en vibration, exécute plusieurs milliers d'oscillations dans une seconde de temps, et communique à l'air qui l'environne des séries d'ondulations de même période, se suivant avec une parfaite continuité, cette persistance et cette régularité d'effets sont des conséquences trèsconcevables de la rigidité de sa contexture qui maintient toutes les parties de sa masse dans une dépendance mutuelle, et tend à les ramener toujours régulièrement.vers leurs positions d'équilibre stable, quand on les en a écartés forcément. De plus, la multiplicité des subdivisions qui peuvent s'établir dans chaque partie vibrante, comme dans les cordes tendues, fait très-bien concevoir la diversité des sons et des ondes aériennes, qui peuvent être simultanément excités par un même corps. Sans doute, des subdivisions analogues, opérées dans les parties vibrantes des corps en ignition, pourraient produire pareillement des ondulations de longueurs diverses dans l'éther lumineux; mais il semble bien plus difficile de concevoir une régularité persistante et une connexion durable de mouvements vibratoires dans des milieux aussi agités, aussi disjoints, que paraissent l'être les substances enflammées. Or, me trompé-je en supposant que l'exacte continuité de ces vibrations, et celle des ondes lumineuses qui en résulte, est une condition indispensable dans l'hypothèse ondulatoire simple, telle qu'on

l'emploie aujourd'hui, tandis qu'elle n'est point du tout nécessaire dans l'hypothèse de l'émission?

Ayant montré ainsi ce grand problème physique de la constitution de la lumière sous les diverses faces par lesquelles il a pu être envisagé, j'exposerai avec plus de facilité, et, j'espère, avec plus d'intérêt, les découvertes qu'on a faites de nos jours sur ce sujet mystérieux. Chose singulière! aucune étude physique n'a été plus féconde; et cela, sur un être, un principe, un agent, car je ne sais comment le nommer, dont on ignore quel il est, comment il se développe, se propage, nous arrive, nous fait voir l'univers, puis se perd dans nos yeux! Pourtant on a pu le conduire, le diriger, le plier, le concentrer, le décomposer, et lui imprimer des modifications, des affections, des propriétés, qu'il n'avait pas ou qu'il ne manifestait point dans sa constitution naturelle! M'excuserai-je d'avoir pensé qu'un si beau sujet pourrait être présenté aux lecteurs du Journal des Savants, sans avoir besoin d'en déguiser la sévérité ? Au reste, je n'ai plus maintenant que des faits à décrire. Car les artifices philosophiques par lesquels on les enchaîne ne seront que des applications évidentes des modes divers sous lesquels la lumière peut se concevoir.

J.-B. BIOT.

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EGYPTENS STELLE IN DER WELTGESCHICHTE. Geschichtliche Untersuchung in fünf Büchern, von Ch. C. J. Bunsen; Ies, Iles und IIIes Buch, 8°, Hambourg, 1845.

1. PLACE DE L'ÉGYPte dans l'histoireE DU MONDE; recherche historique en cinq livres, par Ch, C. J. Bunsen, Ier, II et III livres, 8°, Hambourg, 1845.

AUSWAHL DER WICHTIGSTEN URKUNDEN DES EGYPTISCHEN ALTERTHUMS, herausgegeben und erläutert von Dr R. Lepsius Tafeln, Leipzig, 1842, fol.

2. CHOIX DES DOCUMENTS LES PLUS IMPORTANTS DE L'ANTIQUITÉ ÉGYPTIENNE, publiés et expliqués par le D' R. Lepsius; planches, Leipzig, 1842, fol.

DEUXIÈME ARTICLE 1.

L'auteur continue, dans une dernière section de son premier chapitre, l'examen des sources de la chronologie égyptienne en tant qu'elles 1 Voir, pour le 1 article, le cahier de mars, page 129.

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