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avec toute certitude physique; au lieu que la faculté colorifique qui lui est associée, bien qu'également spéciale, n'offre pas ces avantages, parce que l'œil en a un sentiment trop peu précis, et occasionnellement trop infidèle, pour qu'on puisse l'employer seule comme indice d'individualité.

La spécification des rayons simples, par la mesure de leur réfrangibilité propre, s'obtient au moyen d'expériences de précision, que je vais rapporter. Il est, en effet, indispensable de les bien connaître pour apprécier la valeur de ce caractère physique, et pour en faire de justes applications.

La suite au prochain cahier.)

J.-B. BIOT.

WÖRTERBUCH Der Griechischen Eigennamen, etc., Dictionnaire des noms propres grecs, avec un coup d'œil sur leur formation, par le docteur W. Pape. Braunschw, 1842.

TROISIÈME ARTICLE1.

A la fin du précédent article, j'ai annoncé que je terminerais mon compte rendu de cet ouvrage, en donnant un fragment tiré d'un Mémoire inédit sur l'histoire d'une des nombreuses familles de noms pro pres composés grecs.

Cette famille est celle des noms dont la finale est depos, et le fragment ne concerne qu'une partie seule des deux classes que comprend cette famille. On pourra juger par là de quelle fécondité peut être l'étude complète d'un sujet, en apparence si restreint et si circonscrit. Ce sera un échantillon des résultats inattendus qui peuvent sortir d'une étude, en quelque sorte microscopique, de faits qu'on peut dire infiniment petits. Il pourra servir de réponse, je pense, à ceux qui prétendent que l'étude de l'antiquité grecque est depuis longtemps épuisée.

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Dans l'article précédent (décembre 1845, p. 731), en parlant d'une inscription grecque copiée à Athènes, où se trouve le nom de Phanomachus, et qu'un savant

Les noms propres composés dont la finale est Sapos peuvent se diviser en deux classes.

1o Ceux que précède un nom ou une épithète de dieu ou de héros, comme Διόδωρος, Πυθόδωρος, Κηφισόδωρος.

2° Ceux qui sont précédés d'autres mots: un verbe, Diλódwpos, un adjectif, Ioxúdapos, une préposition, Augidwpos, un adverbe, Éúdwpos. Πολύδωρος, Αμφίδωρος, Εύδωρος. C'est de la première classe seule que traite le fragment que je vais transcrire. Elle se subdivise en trois genres, selon la nature du premier des deux termes qui les composent.

PREMIER GENRE.

NOMS PROPRES EN dwpos, PRÉCÉDÉs de celui d'une divinité.

La composition de ces noms propres annonce que l'individu qui les portait était considéré comme ayant été donné à ses parents par l'intervention de telle ou telle divinité, et, en conséquence, qu'il se trouvait placé sous sa protection spéciale.

La finale Sapos semble donc avoir ici le sens de Supov. Aussi le nom qui la précède était considéré comme au génitif, ainsi qu'on le voit dans Ζηνόδωρος, Μηνόδωρος, Τριφιό-δωρος, Αἰαυτό-δωρος, dont le sens doit être présent de Jupiter, de Mên, de Triphis, d'Ajax.

Cette formation, évidente en beaucoup de cas, paraît être douteuse et même fausse en quelques autres.

L'étude détaillée de ces noms doit avoir pour résultat de les ramener à la même origine, et de découvrir l'étymologie de ceux qui s'y refusent décidément.

athénien prétendait n'avoir jamais existé, j'ai dit que non-seulement je ne voyais aucun motif d'en révoquer en doute l'authenticité, mais même que je ne comprenais pas dans quel intérêt quelqu'un aurait pu la fabriquer. Cependant, en présence de la dénégation formelle d'un habitant d'Athènes, je n'avais pas osé affirmer qu'elle fût vraie. Sur ce point je ne puis plus conserver de doute, depuis que le savant éditeur de cette inscription m'a donné l'assurance qu'il l'a copiée lui-même, non d'après une autre copie, mais sur l'original même, encore encastré dans un mur byzantin, derrière le Parthenon. Les détails qu'il m'a donnés à ce sujet expliquent comment elle a pu, jusqu'ici, échapper à l'œil des voyageurs.-Même page. M. de Witte m'a dit qu'il croit être sûr que OEOIOTOΣ est écrit sur le vase, comme je le pense, au lieu de ОEO=OTOŻ. Même page, 1. 2. Zannoni a lu réellement ΚΙΤΤΟΣ non ΚΙΣΣΟΣ. - P. 735. La lecture du nom AAAION, sur une pierre gravée, est confirmée par le nom de Dalion, que portait un médecin grec cité par Pline comme ayant remonté le Nil jusqu'à Méroé.— P. 738. M. Lebas m'a dit avoir déjà eu l'idée de lire, comme je propose de le faire, ea Mã, dans l'inscription de Galata. S'il y a quelque mérite dans cette leçon, il est juste que mon savant confrère en ait sa part, puisqu'il y était aussi parvenu de son côté.

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Déjà, dans ce journal, et dans mon premier volume des Inscriptions grecques de l'Égypte, conduit par cette même idée, j'ai trouvé la vraie étymologie du nom du poëte Triphiodore (don de Triphis), divinité égyptienne, que les inscriptions grecques seules nous font connaître. Ce résultat heureux du principe de composition que je viens d'indiquer va nous conduire à d'autres résultats semblables et non moins curieux.

Je n'ai point à m'arrêter en particulier sur la plupart de ces noms, tels que Αθηνόδωρος, Απολλόδωρος, Διόδωρος, Αρτεμίδωρος, Ασκληπιόδωρος, Διονυσόδωρος, etc., qui, se rapportant aux grandes divinités de la Grèce, sont très-fréquents, se rencontrent en tous lieux, et ne pré sentent d'ailleurs aucune difficulté. Plus bas je ferai quelques observations générales sur l'histoire de plusieurs de ces noms. Ici je me borne à trois noms excessivement rares, puisqu'il n'y a que deux exemples de l'un, et que les deux autres sont, quant à présent, des алağ λɛyóμeva, c'est-à-dire qui ne se sont rencontrés qu'une fois. Cette rareté annonce déjà qu'ils doivent se rapporter à quelque culte local, comme l'unique Triphiodore, déjà cité, qui atteste l'existence, en Égypte, d'une divinité dont nul auteur ancien n'a parlé.

Le premier est Bevdidwpos, nom d'homme, et Bevdidapa, nom de femme, connus, l'un, par une inscription de Byzance 2, l'autre, par une inscription d'Athènes 3. On reconnaît tout de suite, dans tous les deux, la déesse Bévdis, qui était l'Artémis des Thraces. Il est donc naturel de trouver l'un d'eux à Byzance, et l'autre à Athènes, puisque le culte de la déesse Bendis y fut amené, et s'y établit de bonne heure, ainsi que les fêtes dites Bendideia", dont parle déjà Platon. Ce culte local a dû s'y introduire à l'époque des colonies athéniennes en Thrace. Ainsi Beypos, dans ce pays, comme dans l'Attique, était un synonyme d'Aprepidopos, l'un, dérivé d'un culte local, le deuxième, d'un culte commun à tout le monde grec.

Si l'étymologie de ce Bevdidapos n'est ni douteuse, ni difficile à trouver, il n'en est pas ainsi des deux autres.

Le premier, Avdpavódwpos, désigne, dans Polybe' et Tite-Live, un personnage sicilien éminent. C'était le gendre d'Hiéron, et le tuteur du jeune Hiéronyme.

Mais que peut signifier son nom Andranodorus (Avspavódwpos)? Que faire de Andrano, qui échappe à toute analogie? La difficulté disparaît

2

Corp. inscr. n° 2034.

3

Id. n° 496.

Ruhnken. ad Tim.

'T. I, p. 233. Lexic. p. 62.Böckh, ad Corp. inscr. p. 251, 252.- Polyb. VII, 11, 5. — Tit..

Liv. XXIV, IV et XXI-XXIV.

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quand on sait qu'Adranos était un dieu vénéré dans toute la Sicile (Ocós τις τιμώμενος διαφερόντως ἐν ὅλῃ Σικελία, dit Plutarque 1). On le regardait comme le père des Paliques, autres divinités du pays. Il avait un temple célèbre au pied du mont Etna, tout près, ou peut-être autour duquel Denys l'Ancien avait fait bâtir une ville, à laquelle il avait donné le nom d'Adranos (act. Adrano), d'après celui de la divinité du temple 2. On possède une médaille de cette ville (Àdpaviτ☎v), dont Silius Italicus et Etienne de Byzance mettent le nom au neutre Hadranum et Åspavóv. Une autre ville de Sicile, appelée au neutre rò Пaλixò, avait également pris son nom du culte des Paliques, fils du dieu Adranos. Si l'on peut être surpris d'une chose, c'est qu'un nom tiré d'une divinité dont le culte fut si répandu en Sicile ne se trouve appliqué qu'à un seul individu et ne paraisse ni sur les inscriptions ni sur les médailles de Sicile. Il faut que ce culte ait été absorbé d'assez bonne heure.

Évidemment au lieu d'Andranodorus, qui ne signifie rien, il faut lire, dans tous les passages de Tite-Live et de Polybe, Adranodorus. Les copistes auront ici, comme toujours, changé un nom local, dont ils ignoraient l'étymologie, contre un autre dont l'origine, quoique fausse, paraissait naturelle (de avnp, dvdpés). C'est par la même raison que les copistes des manuscrits de Triphiodore avaient écrit Τρυφιόδωρος au lieu de Τριψιό Supos, à cause de pun, qu'ils connaissaient, tandis que la déesse TpíQis leur était parfaitement inconnue. L'erreur a été répétée par les copistes de Tite-Live et de Polybe toutes les fois que ces historiens ont prononcé ce nom. On peut corriger leur texte en toute assurance; car, en présence du fait que je viens d'indiquer, l'autorité des manuscrits

est nulle 5.

Le deuxième nom est encore un añаž λeyóμevov qui va nous révéler l'existence d'une autre divinité locale, plus cachée encore que l'Adranos de Sicile, puisqu'il n'en est fait mention nulle part, et qu'elle n'existe plus pour nous que dans les noms propres.

Ce nom est Μανδρόδωρος, qui ne se lit que dans un passage d'Arrien, où il désigne le père de Thoas, un des officiers d'Alexandre. Mavspo, si on le faisait venir de pávdpa, qui signifie étable, grange, enclos, n'aurait vraiment aucun sens devant Sapos. Il est déjà bien présumable, d'après la composition seule du nom, que ce dissyllabe, comme To1010

1 In Timoleone, c. XII.

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-'Diod. Sic. XIV, XXXVII, ibique Wessel. Ælian. Hist. anim. XI, xx, ibique Jacobs. 3 Sil. Ital. XIV, 251. — G. Hermann Opusc. VII, 321.* M. Keil (Specim. onom. gr. p. 26) et M. Wladimir Brunet (Hist. des villes grecques de la Sicile, p. 354) ont fait de leur côté la même observation. Anab. VI, 23, 2.

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et Αδρανο, dans les noms Τριφιόδωρος et Αδρανόδωρος, nous cache encore ici celui de quelque divinité locale appelée Μάνδρος οι Μάνδρα, ce qu'il est impossible de décider, car on sait que la désinence du féminin, en composition, est ordinairement la même que celle du masculin, comme on le voit par les noms Αθηνόδωρος, Ηρόδωρος, Ηρόδοτος, Ηρόφιλος, ΕσιόSapos, etc. Ainsi la première partie du nom Mavspódapos ne nous apprend pas s'il s'agit d'un dieu ou d'une déesse; mais qu'il y eut réellement une divinité appelée Μάνδρος ou Μάνδρα, le fait résulterait du seul nom Mavspólapos, quand il n'y en aurait pas d'autres; mais il acquiert toute la certitude désirable d'après les rapprochements qui suivent.

J'ai remarqué que, parmi la multitude des noms grecs composés, il n'en est qu'un petit nombre dans la composition desquels entre celui d'une divinité. Eh bien, le dissyllabe mandro ne se trouve que dans des noms de ce genre, et toujours à la place qu'y occupent ceux des autres divinités. On en a la preuve si l'on passe en revue tous les noms où entre ce dissyllabe; à savoir:

Mardρoxins, qui, dans Hérodote, désigne l'ingénieur ou l'architecte ionien du pont de Darius sur le Bosphore '; et, dans Cornelius Nepos, un Magnésien à qui Datames remit le commandement 2.

Or, dans Mardpoxλns, le premier nom convient parfaitement à une divinité; témoin les noms analogues : Αθηνοκλής, Διοκλῆς, Διονυσοκλῆς, Εκατοκλῆς, Ερμοκλῆς, Μητροκλῆς, Πυθοκλῆς.

Ce nom lui-même de Μανδροκλῆς revient à Κλεόμανδρος ου Κλεύ uavdpos qu'on trouve dans une inscription d'Amorgos 3. C'est le même nom retourné “.

Mavdpoyévns est le nom d'un bouffon, dans Athénée, d'un Magnésien, père de Mæandros, un des officiers qui faisaient partie de l'expédition de Néarque ; c'est encore celui d'un magistrat d'Aphrodisias en Carie; Mavspo y tient la même place que le nom des divinités dans Αθηνογένης, Διογένης, Ερμογένης, Ζηνογένης, et tant d'autres.

IV, XXXVII, XXXVIII. — ·2 In Datam. v. —3 Rhein. Mus. 1841, p. 208. Keil, Anal. epigr. et onom. p. 168.-L'inscription en vers du tableau peint par Mandroclès, représentant cet événement, a été rapportée par Hérodote (IV, LXXXVIII), et reproduite dans l'Anthologie, d'après le manuscrit du Vatican. Mais le nom de Mavdρoxans y est altéré en Μανδοκρέων; déjà Brunck avait rétabli Μανδροκλέης, ainsi que M. Jacobs, dans la première édition (Adespot. 154). Je ne sais pourquoi, dans la deuxième, il a remis Μανδοκρέων, (au moins faudrait-il Μανδροκρέων ου Μανδροκλέων). Jen fais la remarque parce que ce faux Mavdoxpéwv a passé dans le lexique de M. Pape. Athen. XIV, 614 D. Arrian. Indic. XVIII, 17. 'Mionnet a lu ce nom ΜΥΩΝΔΡΟ. ΓΕΝΗΣ (Tables, p. 53). Je presume qu'il y a Μανδρογένης, à moins que ce ne soit Μαιανδρογένης.

p.

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