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brabançonne, Enrique de Egas, maître des œuvres de la cathédrale de Tolède, dont Hanequin de Egas, le père, identifié par feu notre confrère Alph. Wauters avec le Bruxellois Jean Vander Eycken, traça les plans. Il eut pour collaborateur un autre Bruxellois, Jean Was, devenu en Espagne Juan Guas. D'autres Belges, non encore identifiés, concoururent à la décoration de l'édifice, notamment le sculpteur Juan Aleman. C'est de ce dernier que procèdent les statues de la Puerta de Alegria, morceau de style si nettement flamand que M. Justi le désigne comme apporté d'une pièce de nos provinces.

Aussi bien, la cathédrale de Tolède porte tout entière l'empreinte des influences néerlandaises. Qui, en la voyant, n'a songé à notre église du Sablon, à son portail oriental surtout, de si frappante analogie avec la fameuse Porte des lions?

De même que Giotto en Italie, Egas, en Espagne, semble avoir porté en vingt endroits les principes du style qu'il représente avec autorité. M. Justi relève ses traces à Grenade, à Séville, à Malaga, à Santiago, à Sarragosse, à Ségovie. Il fut le maître le plus fécond de la péninsule.

Le collège de Santa-Cruz à Valladolid, la première des fondations du cardinal Mendoza, fut aussi la première œuvre de l'architecte flamand. Elle date de 1480. L'hôpital de Santa-Cruz, à Tolède (Mendoza était né le jour de la fête de l'Invention de la Croix, et cardinal au titre de Sainte-Croix de Jérusalem), le superbe hôpital de Tolède, appartient aux premières années du XVIe siècle. Il ne fut même érigé qu'après la mort du fondateur.

Le portail, de prodigieuse efflorescence ornementale, est caractéristique de la Renaissance, laquelle n'allait

point tarder à se manifester en Espagne par le style plateresque, dont le promoteur fut Alonzo de Covarrubias, gendre même d'Enrique de Egas.

Le collège de Valladolid, aujourd'hui le musée, est incontestablement une œuvre de très grand style. Le souvenir, comme l'observe avec raison M. Justi, en persiste dans la mémoire de quiconque a arpenté ses longues galeries peuplées de sculptures, certainement les plus contorsionnées de la statuaire espagnole, rendues plus saisissantes encore par la polychromie qui souligne la violence de ces divers morceaux.

La galerie des tableaux, médiocrement riche, offre, pour sa part, ceci d'intéressant qu'elle expose comme de Rubens, les vastes toiles connues sous le nom de <«< las Fuenstaldañas ». Il s'agit, en l'espèce, d'une immense Assomption et de deux figures de saints. Avec M. Bredius, dans un récent opuscule sur l'art espagnol, à propos de l'Exposition organisée à Londres, M. Justi se prononce pour le bien fondé de l'attribution à Rubens. L'Assomption de Valladolid deviendrait ainsi la première en date des nombreuses versions du sujet issues du pinceau de l'illustre Flamand.

Pour haute et légitime que soit l'autorité de MM. Bredius et Justi, j'hésite à revenir sur mon appréciation première. Passe encore pour les figures de saints, de saint François notamment, que Rubens aurait pu, à la rigueur, créer dans sa jeunesse. Pour ce qui est de l'Assomption, œuvre à coup sûr très intéressante, une étude attentive ne m'y a révélé ni la conception ni la main de Rubens. M. Rooses attribue aux trois peintures une origine flamande, mais, pas plus que moi, ne les assigne au maître dont l'étude a été, de sa part, l'objet d'un si patient labeur.

Certes, Rubens n'était pas, au temps de son premier séjour en Espagne, le puissant créateur que nous admirons dans les pages nombreuses des musées de Belgique, d'Allemagne et d'Espagne même.

Il fit un séjour contraint de plusieurs semaines à Valladolid et nous savons qu'il y produisit des travaux. Mais, pour l'apprécier à cette époque de sa vie, n'avons-nous pas les peintures de Rome, de Mantoue, de Nancy, d'Anvers?

On ne pourrait songer à contester leur origine ni le moment de leur production. Combien peu leur ressemblent les toiles de Valladolid! L'Assomption demeure une page grandiose, caractérisée par beaucoup d'élan, mais énigmatique. Le style n'en est sûrement pas rubénien. Je ne me charge pas, du reste, de lui trouver un auteur.

Le cardinal Mendoza, pour en revenir à lui, s'il songea à procurer des asiles à la science et à la douleur, se préoccupa aussi d'assurer sa propre mémoire par un souvenir imposant. Ce fut lui-même qui projeta le splendide mausolée qu'on voit dans la cathédrale de Tolède, où il encombre un peu le chœur.

M. Justi, dans l'analyse qu'il fait de ce superbe morceau de sculpture, aboutit à la conclusion qu'il ne saurait être ni flamand ni espagnol. C'est, affirme-t-il, l'œuvre d'un Italien, d'un Italien non moindre que Sansovino même.

Sansovino fut-il donc en Espagne? Pourquoi pas, dit l'auteur, puisqu'il fut, à Lisbonne, au service du roi Emmanuel de Portugal, lequel prince devint l'époux de l'infante Isabelle, fille de la reine de ce nom. Sansovino aurait, dès lors, suivi son maître à Valladolid.

On voit, par cette brève analyse, l'intérêt qui s'attache

à la nouvelle étude issue de la plume magistrale qui, déjà, nous a donné tant de précieuses contributions à l'histoire de l'art en Espagne. Avec moi vous ferez des vœux pour qu'elle soit suivie de bien d'autres encore.

H. HYMANS.

Collection d'anciennes étoffes réunies et décrites par Bruxelles, Librairie Falk fils,

Mme Isabelle Errera.

1901, 1 vol. in-4°.

Le superbe recueil dont j'ai le plaisir de faire hommage à la Classe, au nom de son auteur, se range parmi les mieux ordonnés du genre. A une description, d'ordinaire confuse et forcément incomplète, il substitue la reproduction intégrale d'au delà de quatre cents pièces formant la collection réunie par ses soins. En regard, donc, de chaque numéro, se trouve figuré l'échantillon correspondant.

C'est là le nec plus ultra de ce qu'on peut attendre d'un catalogue, alors surtout qu'il a pour objet de nous renseigner sur un art où le principe ornemental se confond souvent avec un symbolisme fait pour donner au moindre détail une importance à peine aperçue tout d'abord.

Mais l'intérêt du livre va très au delà de son objectivité. Un tissu nous intéresse par la disposition ingénieuse du dessin, nous charme par l'harmonie de ses teintes; cela, c'est pour l'artiste. Le savant l'envisage à d'autres points de vue.

Durant des siècles, nul ne l'ignore, l'Europe fut tribu

taire de l'Orient, de l'Arabie et de la Perse, surtout, pour les admirables étoffes que leur richesse désignait au choix des hautes classes, pour leurs vêtements de cérémonie. Le moyen âge en fit l'objet d'un commerce considérable, et je n'ai pas besoin de rappeler les splendides échantillons que multiplient les précieuses peintures de nos maîtres primitifs.

Quand l'Occident, à son tour, entreprit de fabriquer les somptueux tissus que nos ateliers modernes n'ont point cessé de prendre pour modèles, ce fut une nouvelle source de splendeurs dont l'Italie, particulièrement, fut la grande productrice. Variées de dessins et de nuances, non pas uniquement selon le goût des temps et des pays, mais aussi selon les éléments mêmes qui entraient dans leur fabrication, ces étoffes anciennes ont donné matière à des études fort attentives. En déterminer la date et la provenance, les rapprocher des textes et des œuvres qui nous les montrent dans leur emploi régulier, aux diverses époques, c'est là une science véritable et nullement aisée à acquérir. Mme Errera s'y est appliquée avec une ardeur et un succès dont le riche ensemble des spécimens de toute provenance, qu'elle est parvenue à former, porte témoignage.

Si le goût raffiné d'une femme artiste a présidé au choix des échantillons que le catalogue renseigne et dont, par une libéralité vraiment princière, l'État devient l'enviable possesseur, le recueil qui nous occupe en forme le guide indispensable et en double l'intérêt.

Voir et apprécier par soi-même, tel semble avoir été le programme de l'auteur. Les musées n'ont point de secret pour lui; vingt fois, à l'appui de ses déterminations, il signale la présence, dans les grands dépôts de l'Europe,

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