Page images
PDF
EPUB

EXPÉRIENCES

ET OBSERVATIONS NOUVELLES

Sur la vertu magnétique ;

Par M. DE LA FOLLIE.

Mémoire lu à la Séance publique de l'Académie des Sciences de Rouen, le 4 Août 1773;

PLUSIEURS Artiftes voyant que la couleur rouge du colcotar étoit volatile fur les émaux, parce que l'acide vitriolique, en s'évaporant, paroiffoit l'enlever avec lui, penferent qu'il étoit à propos de priver le colcotar de cet acide. Je me fuis affuré par des expériences réitérées, combien il eft effentiel au contraire de conferver cet acide, fans lequel la couleur rouge n'exifteroit pas ; mais j'ai vu qu'il étoit néceffaire de le combiner avec des bafes terreufes, fufceptibles de le retenir au feu le plus violent. Et en effet telle eft, je crois, la marche de la nature, lorfqu'elle forme différentes ochres dans lefquelles l'acide eft engagé, & dont la couleur elt très-fixe au feu des émaux.

Mon projet actuel n'eft point de m'étendre fur la variété des couleurs réfultantes de ces combinaisons : quelques obfervations beaucoup plus intéreffantes m'ont paru mériter l'attention des Phyfiologiftes; je m'y

arrête.

Ayant calciné du vitriol de Mars, je pris deux gros du colcotar réfultant de cette calcination, que je mêlangeai avec un gros de chaux éteinte à l'air & en poudre. J'enfermai cette mixtion dans un creufet recouvert d'un autre creufet renverfé & luté avec l'argille. Je foumis ces creufets à un feu de fufion très-violent pendant l'efpace d'un quart-d'heure; & les ayant enfuite callés, je trouvai une malle très-noire & affez dure. Je penfai que cette malle n'étoit pas entiérement paffée à l'état de vitrification, puifque l'on y diftinguoit en quelques endroits le brillant métallique du fer. J'en jettai de petits morceaux dans les acides nitreux & vitrioliques; mais je vis que ce compofé de deux-fubftances, qui plongées féparément dans ces acides, occafionnent des explofions fi confidérables, y demeuroient fans y faire la moindre effervefcence; & que brillant métallique n'en étoit nullement obfcurci.

le

L'apparence affez conforme de ce minéral factice avec la pierre d'aimant, me conduifit à faire l'expérience fuivante :

J'avois en vain préfenté la limaille de fer à ce compofé, il n'en enlevoit aucunes parties; mais, fachant que l'on trouve quelquefois de foi

Nij

bles pierres d'aimant qui n'étant point armées, peuvent à peine foutenir la limaille de fer, je me fervis de la méthode décifive pour découvrir lá plus légere vertu magnétique.

Je mis florter fur l'eau une aiguille aimantée; je lui préfentai monminéral; je reconnus auffi-tôt les deux poles qui caractérisent la véritable pierre d'aimant. L'un attiroit l'aiguille fenfiblement, & l'autre la repouffoit avec la même force. Alors je demeurai convaincu que ce compofé étoit en effet une pierre d'aimant que j'avois formée. D'après cette obfervation j'ofe avancer que l'acide eft un des principes conftituans du magnétifme, ce qui m'a paru démontré par l'expérience fuivante.

tient

J'enfermai dans un creufet deux gros de limaille de fer, & un gros de chaux en poudre. (Tout le monde fait que la limaille de fer ne conpas l'acide que contient le colcotar ). Je pouffai au feu de fufion, comme dans l'expérience précédente ; & je vis que les morceaux de la maffe qui réfultoit de cette opération, n'avoient pas les deux poles nord & fud, & qu'ils attiroient l'aiguille en tout fens. L'acide eft donc un des principes conftituans du magnétifme.

Tous les Chymiftes connoiffent l'affinité confidérable des acides avec le fer, & que ces acides, quoique noyés dans une grande quantité d'eau, agiffent toujours vivement fur ce métal.

J'ai démontré par des expériences fur les couleurs, que le fer diffous dans l'acide s'éleve avec cet acide dans la diftillation (1). Il n'eft aucun. métal fufceptible d'une divifion auffi facile & auffi confidérable. Il eft conftant que non-feulement le fer exifte dans tous les corps de la nature, & eft la bafe de toutes les couleurs des plantes, mais qu'il circule fans ceffe dans l'athmofphere.

Pour fe convaincre de cette grande divifibilité qui pourroit paroître incroyable à quelques perfonnes, il n'y a qu'à feulement réfléchir fur le principe odorant du vitriol de fer, & l'on fera convaincu qu'il fe volatilife de ce minéral beaucoup de parties ferrugineufes avec l'acide qui leur eft uni; car la volatilisation de l'acide vitriolique feul n'excite point cette fenfation métallique qui affecte l'odorat à l'approche du vitriol martial.

Il est donc certain que l'on ne brûle aucuns végétaux, fans que les maffes des vapeurs acidulées, exhalées des corps que l'on brûle, n'entraînent avec elles des portions ferrugineufes qui fe difféminent dans l'athmosphere, & y reftent ambiantes, parce qu'elles font affez divifées pour former, pefanteur fpécifique avec l'air le plus raréfié.

On peut donc préfumer, que dans les pays où l'air eft moins ratéfié les molécules ferrugineufes font plus rapprochées l'une de l'autre ; ce qui arrive conféquemment dans les pays froids, puifque l'air y eft plus denfe.

(1) Dans un Mémoire lu à l'Académie des Sciences de Paris, où il eft expliqué pas des expériences fenfibles, pourquoi l'eau-forte teint en jaune les parties animales,

J'ai démontré par plufieurs expériences, que pendant l'hyver il y a beaucoup plus d'acide dans l'air que pendant l'été; & ces démonftrations fe trouvent encore confirmées par la quantité des degrés de froid que produit un acide que l'on jette dans la neige, capable, comme on le fait, de faire geler le mercure. Par conféquent, les vapeurs de l'athmofphere du Nord étant chargées d'une plus grande quantité d'acide que celle des pays chauds, ne peut-on pas en induire qu'elles contiennent une plus grande quantité de fer?

D'après cette connoiffance, & celle que l'on a fur les affinités des corps qui, en raifon des pefanteurs fpécifiques tendent à fe réunir fur - tout lorsque les maffes & les formes de leurs parties intégrantes font homogènes, il n'eft pas étonnant que les molécules ferrugineufes, agitées par le fluide qui circule fans ceffe autour d'elle, aient une direction dominante vers le Nord, où ces molécules font plus abondantes; car, malgré les diftances, il faut confidérer que tous les corps de la nature font contigus. Il faut confidérer que la variété qui fe trouve dans la direction d'une aiguille aimantée, doit sûrement fon origine à une caufe mobile. Or, quoi de plus mobile que des grouppes de vapeurs, tantôt plus, tantôt moins abondantes dans telle partie du Nord, que dans telle autre. Il faut confidérer encore que fi la vertu magnétique eft une combinaifon d'acide, de molécules ferrugineufes & de phlogistique, comme il y a tout lieu de le préfumer, d'après les expériences ci-dessus, il n'eft pas étonnant que le phlogistique qui dilate extraordinairement tous les corps & les pénetre, y donne accès à la matiere magnétique dont il eft lui-même une partie compofante, & la faffe conféquemment agir au travers des corps.

Au refte, je ne prétends pas créer un fyftême à cet égard. Mon unique but eft de préfenter quelques probabilités nouvelles, que je foumers à F'examen des Phyficiens éclairés. Je paffe à une autre obfervation.

Quand on préfente verticalement ou obliquement un barreau de fer non aimanté au pole nord d'une aiguille aimantée, l'on fait que le bout le plus élevé de ce barreau attire l'aiguille. L'on fait aufli que ce même bout chaffe promptement cette aiguille auffi-tôt que l'on éleve le bout inférieur au-deffus de lui, & que les deux bouts du barreau de for produifent exactement les mêmes effets.

D'après cette expérience conftante, l'on eft donc affuré que les effers de l'attraction & de la répulfion qui en réfultent, dépendent de la feule pofition du barreau. Or, cette répulfion fubite de l'aiguille par le même bout du barreau qui l'avoit attirée, ne proviendroit-elle pas de la différence des angles que parcourt la matiere magnétique, réfléchie différemment par le barreau de fer changé de pofition, eu égard à la direction. elliptique du courant magnétique? Enfin, pourquoi la matiere maguétique ne feroit-elle pas fujette aux loix des réflections, puifque la

lumiere elle-même n'en eft pas exempte; & ces loix ne feroient-elles point les caufes effentielles de la répulsion ?

On cefferoit alors d'être étonné de ce que deux morceaux de fer aimantés changent de poles par le fimple toucher, parce qu'on réfléchiroit que le frottement change les furfaces de tous les corps, quoique ce changement ne foit pas fenfible à nos yeux; & que par conféquent ce frottement doit changer les réflections de la matiere magnétique fur le corps même qu'elle parcourt, & qu'elle ne pénetre pas.

Enfin, pour concevoir comment un barreau d'acier non aimanté, frotté dans la direction du courant magnétique fur des barreaux de fer non aimantés, acquiert une grande vertu magnétique, l'on réfléchiroit que l'air qui fe trouve dans l'intervalle des deux corps frottés, devenant plus rare, la matiere magnétique qui circule dans l'athmosphere, doit y affluer davantage, étant affervie, comme les autres corps, à paffer avec affluence d'un milieu plus denfe, dans un milieu plus rare.

L'aimant le plus vigoureux étant promené fous une plaque de fer fur laquelle on a pofé une petite aiguille, ne l'agite en aucune forte, & ne lui donne aucune adhérence avec la plaque de fer; la matiere magnétique ne pénetre donc point le fer, comme elle pénetre les autres corps; nous pourrions examiner fi cet effet ne provient pas de ce que le fer eft dans une déperdition; ou, pour me fervir du terme, dans une tranfpiration continuelle de molécules homogenes à celles de la matiere magnétique. Quoi qu'il en foit, il eft certain que la matiere magnétique, en ne pénétrant pas le fer, éprouve néceffairement des réflections, puifqu'elle est toujours en action. Or, il eft aifé de concevoir pourquoi un barreau d'acier que l'on aimante en le pofant fur du fer, acquiert bien plus de vertu magnétique que s'il étoit pofé fur le cuivre ou autre corps, au travers defquels la matiere magnétique s'échappe librement, fans éprouver aucune réflection.

Au refte, je le répete; je ne prétends pas donner à des idées vagues un caractere de principes, & je ne les étendrai pas davantage.

L'on fait qu'un corps porté fur des fpheres mobiles est sujet à se mouvoir au moindre choc il eft donc fenfible qu'un corps arrondi, qui flotte fur l'eau, doit éprouver encore moins de frottement, puifque la furface de l'eau, outre qu'elle est très-mobile, eft extrêmement liffe, & ne forme par conféquent aucun engrainage avec la furface du corps flottant. Les obfervations fuivantes démontrent jufqu'à quel point l'action des corps l'un fur l'autre y devient fenfible.

J'avois remis en fufion avec le borax une partie de mon compofé magnétique. Je caffai de la maffe qui en réfultoit un petit morceau pefant trois ou quatre grains; je le préfentai à un bon aimant artificiel, portant neuf livres de poids; & cet aimant vigoureux non-feulement n'enleva point ce petit morceau, mais ne lui communiqua pas le moin

are mouvement. Je préfentai ce même morceau à l'aiguille aimantée flottante fur l'eau ; & je vis qu'il l'attiroit & la repouffoit fenfiblement.

Cette efpece de phénomene provient donc certainement de la grande mobilité de l'aiguille qui n'éprouve point dans fa courfe les frottemens qu'elle éprouveroit fur un corps folide.

J'ai mis flotter dans un verre d'eau deux petites aiguilles de cuivre ; elles fe font rapprochées l'une de l'autre ; mais elles fe font rapprochées par un mouvement gradué, c'eft-à-dire accéléré par gradation, au point qu'étant à deux lignes de diftance, elles fe font précipitées l'une fur l'autre avec la plus grande vivacité, & fe font unies de fuite en ligne parallele. Cette petite expérience réuffit autant de fois qu'on la recommence (1). Voilà donc une attraction fenfible de deux corps, qui cependant fur des furfaces folides, paroiffent n'avoir aucune action l'un fur l'autre, & que le peu de frottement rend très-fenfible dans cette expérience; mais que fignifie l'attraction? L'on dit tous les jours: ces deux corps s'uniffent; c'est par la vertu de l'attraction; autant vaudroit-il dire ces deux corps s'attirent, parce qu'ils ont la vertu de s'attirer; & il faut avouer que cette façon de réfoudre un problème, n'eft pas très-philofophique. Ne pourrions nous pas, d'après l'application des principes qui nous font connus, avoir des idées nettes & fatisfaifantes fur le méchanifme de cette attraction?

Nous favons que l'air, en raifon de fa fluidité, eft dans une agitation continuelle. Nous favons auffi que l'air répercuté par l'air répercuté par les corps, corps, devient alors plus échauffé & plus raréfié, eu égard aux mouvemens multipliés qu'il éprouve.

Or, dans cette expérience que je viens de citer, l'air qui fe trouve entre les deux aiguilles qui flottent fur l'eau, eft donc néceffairement plus répercuté, & par conféquent plus raréfié que dans tous les autres endroits de la furface de l'eau. La preffion de l'athmosphere doit donc alors porter les aiguilles l'une vers l'autre, en raifon de la moindre réfiftance de l'air raréfié qui fe trouve entr'elles.

Plus les aiguilles fe rapprochent, plus les répercuffions de l'air qui fe trouve entr'elles, deviennent accélérées ; & cet air devenant encore plus raréfié, la courfe des aiguilles l'une vers l'autre augmente proportionnellement de vîteffe, en raifon de la moindre réfiftance qu'elles éprouvent.

Voilà, je crois, en peu de mots le méchanifme de l'attraction.

Préfentement, en réfléchiffant bien fur les effets de la raréfaction de l'air, on conçoit aifément que fi deux corps unis enfemble éprouvent à leurs extrêmités oppofées une raréfaction plus confidérable que celle

(1) Deux aiguilles de tout autre métal, & tous autres corps produifent les mêmes cffets.

« PreviousContinue »