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J'avertis encore une fois que ces expériences ont été faites fur un Roflignol tenu en cage, parce que ceux que nous entendons au printems fe plaifent tant à chanter, que leur ramage confifte prefque toujours en éclats de voix très-courts & très-élevés, de forte que leur chant ne peut être comparé à celui des Roffignols tenus en cage, mais à un inftrument qui outre tous les fons. Je dois encore ajouter que mon petit prifonnier étoit fupérieur dans fon efpece, & que dans le nombre on en trouve dont le gofier eft fi inférieur, qu'ils ne valent pas la nourriture qu'on leur donne. Ce n'eft pas feulement dans les tons & dans leur variété, mais par le goût & par l'agrément, que le Roffignol l'emporte fur les autres oifeaux. J'ai fouvent obfervé que, femblables à ceux qui parlent en public, ils ménageoient leur refpiration pour faire retentir enfuite avec plus de force certains fons particuliers; ce qui produifoit des effets enchanteurs & au-deffus de toute expreffion. J'ai remarqué qu'il étoit poffible de réduire plufieurs de leurs paffages aux intervalles de notre mufique; cependant c'eft un foible moyen de fe former une idée de quelques notes dont il fait ufage, & il eft impoffible d'en tracer la durée par les notes de notre mufique, quoique tout l'effet de la mélodie de leur chant doive en dépendre. J'ai fait exécuter par un très-habile Joueur de flûte les notes que Kirker a fait graver d'après la Mufurgia; lorfque ce Muficien n'en pouvoit faifir la durée, il étoit impoffible de reconnoître dans fon exécution les moindres traces du chant du Roffignol.

Il s'agit à préfent d'examiner fi le Roffignol n'a pas un rival redoutable dans l'oifeau moqueur d'Amérique (1). Les Voyageurs conviennent en général que le concert que les oifeaux forment dans les bois de l'Europe, eft fupérieur à celui qu'on entend dans les autres parties du monde. Ne m'en rapportant qu'à moi-même, j'ai voulu en juger. A cet effet, j'ai écouté avec beaucoup d'attention un grand nombre d'oifeaux d'Alie, d'Afrique & d'Amérique, ou feuls ou raffemblés, & je puis affirmer que leur ramage eft à tous égards inférieur à celui des oifeaux d'Europe. C'eft ainfi que penfe le célebre Thompson, dont le fentiment eft d'un fi grand poids en fait d'hiftoire naturelle. On conviendra cependant que les oifeaux étrangers tranfportés en Europe fe font entendre à leur défavantage, puifqu'ils font ordinairement fi privés, qu'on les y a portés à la main; or, nous avons déjà vu par expérience quelles font les fuites de cette pratique mal entendue; en outre, il est très-difficile de tranfporter les oifeaux du genre de ceux qui ont le

(1) Turdus Polyglotos. LIN. SYST. NAT. 293. Turdus Americanus minor Canorus. RAY. SYN. On a appellé cet oiseau Moqueur par la grande facilité qu'il a d'imiter le chant des autres oiseaux.

bec tendre & allongé, parce que pour les nourrir, on eft obligé de leur donner de la viande fraîche, tandis que dans les champs ils ne fe nourriffent que d'infectes. Cependant j'ai entendu un oifeau moqueur des plus parfaits dans fon efpece qui, dans l'efpace d'une minute, contrefit le chant de l'Alouette des bois, du Pinçon, du Merle, de la Grive & du Moineau. On m'a affuré qu'il aboyoit comme un chien. Il paroît que cet oiseau n'eft pas plus attaché à une imitation qu'à une autre, & je trouve que ces fons approchent beaucoup de ceux de notre Roffignol. Quant à ce qui concerne fes notes primitives, nous ne les connoiffons pas encore; il n'y a que ceux qui ont fait une étude du chant des autres oifeaux de l'Amérique qui puiffent en juger. Kalm, qui a parlé de l'excellence de fon chant, n'a pas fait un féjour affez long dans le pays pour que fon autorité faffe loi, & je doute encore que cet oifeau chante auffi parfaitement que notre Roffignol, par la feule raifon qu'il prête également fon attention pour les fons flatteurs comme pour les fons défagréables; ainfi les uns font gâtés par le mêlange des autres.

ap

Nous avons en Angleterre un oifeau qu'on pourroit appeller moqueur, c'est l'Alouette des champs. D'après la différence des obfervations que j'ai faites fur les autres oifeaux dont j'ai parlé en général, celui-ci prend le ramage des oifeaux près defquels on l'a tenu, & ne les oublie plus; auffi les Oifeleurs placent une jeune Alouette des champs auprès de celle qui eft enfermée depuis longtems, afin, difent-ils, de la rendre honnête. Si celles qui vivent en liberté ne contrefont pas les autres oiseaux, c'est qu'elles ne quittent pas ordinairement celles de leur efpeces, & qu'elles s'habituent au même chant.

Il feroit certainement curieux de favoir quelles ont été les caufes de la diverfité des ramages des oifeaux. Cette queftion feroit aufli difficile à déterminer que celle de l'origine des différentes langues des hommes. Malgré cela, je vais hazarder quelques conjectures. La perte du pere de l'oifeau dans le tems critique de fon éducation pourroit bien avoir produit ces variations. Dans ces circonftances, le nouveau né prête for attention au chant de quelqu'autre oifeau, ou bien il invente lui-même de nouvelles notes qui fe perpétuent enfuite de générations en géné rations, & jufqu'au moment où femblables accidens produiront de nouvelles altérations. Il peut encore arriver que les organes de certains oifeaux, naturellement ou accidentellement défectueux, ne leur permettent pas de rendre les mêmes notes qu'ils entendent; ils peuvent en cela reffembler à des hommes qui n'articulent jamais certains mots Or, ces défauts & le réfultat de ces difficultés peuvent fe perpétuer de races en races. Enfin il est sûr qu'il eft très-difficile de trouver deux oifeaux de la même efpece qui chantent exactement l'un comme l'autre ; c'est ainfi que la plupart de ceux qui ne font pas exercé à comparer, n'apper

çoivent aucune différence dans un troupeau de moutons dont le Berge cependant en fait diftinguer chaque individu.

Ces Expériences & ces Obfervations nous apprennent qu'il n'y a pas de meilleur moyen de connoître les facultés de l'homme que de les comparer avec celles des animaux. Nous voyons par exemple que malgré la délicateffe du chant de plufieurs oifeaux, on ne peut cependant pas la comparer à celle de la voix de l'homme ni à la perfection de nos inftrumens de mufique. On n'y remarque ni ces effets frappans d'harmonie, ni l'exception de notre fimple mélodie, d'où dépend toute la force de la mufique. Avouons cependant que le Roffignol pourroit former une exception à cette Obfervation générale.

Les Naturaliftes négligent trop, dans leurs Defcriptions, le chant des oifeaux; par exemple, fi M. Adanfon nous avoit appris que les Hirondelles de l'Europe, qu'il croit avoir vu pendant l'hyver au Séné gal, chantoient comme celles de l'Europe, c'eût été une preuve de plus en faveur des faits fur lefquels il fe fonde comme beaucoup d'autres. L'expérience que j'ai faite fur le Linot élevé par la Vengolina démontre qu'en élevant nos oifeaux avec ceux d'Afie & d'Afrique nous parviendrions à introduire dans nos bois les ramages des oifeaux étrangers i nous donnions la liberté aux nôtres quand ils feroient une fois inftruits.

On voit encore qu'en prenant la peine d'élever les Alouettes des bois & celles des champs fous un Roffignol, on s'éviteroit les frais & l'embarras de nourrir des Roffignols, dont on pourroit fe paffer dans la fuite; car un Roffignol ne vit gueres plus de deux à trois ans en cage, & ne chante que trois ou quatre mois de l'année; tandis qu'une Alouette vit de la forte plus longtems & ne ceffe de chanter pendant

neuf mois de l'année.

PRÉCIS

D'un Mémoire lu à l'Académie Royale des Sciences ;

Par M. DE MACHY, Démonftrateur de Chymie à Paris, fur certaines modifications de l'Air.

QUELQUE

UELQUE répugnance que je fente à me livrer à des difcuffions littéraires, quel que foit même le plaifir que je goûte à voir les efprits se tourmenter pour donner une certaine confiftance à ce qu'ils annoncent, Lans que je fourniffe des armes avouées à ceux qui fe préfentent dans

la

la lice; je ne fais quelle tendreffe paternelle me réveille aujourd'hui en faveur d'une de mes productions un peu ancienne à la vérité puisqu'elle remonte à l'époque des années 1766 & 1767.

Il y a déjà quelque tems que, marchant fur les traces de Boyle & de Hales, les Phyficiens & les Chymiftes Anglois, tels par exemple que MM. Black & Pringle, parlerent d'un certain air fixe qui faifoit nonfeulement partie, mais encore la très-considérable partie de certains corps. Un autre Anglois, M. Macbride, publia un Ouvrage rempli d'expériences peu embarraffantes dans leur appareil.

J'avoue qu'un penchant naturel pour cette fimplicité me porta à les vérifier; enfin, d'effais en effais, je me trouvai avoir fait fur cet objet une fomme d'expériences que je préfumai devoir être agréables à l'Académie des Sciences.

Je la lui préfentai à l'époque que je viens de citer. MM. l'Abbé Nollet & Macquer jugerent que mon travail devoit être rendu public, & conclurent à fon impreffion.

Depuis cette époque, l'air fixe a joué dans le monde chymique & phyfique un rôle affez intéreffant & fans que j'en prenne aucun ombrage; mon Ouvrage vu par l'Académie, jugé par fes Commiffaires, est refté dans une forte d'oubli de la part même de ceux qui ont annoncé dans l'expofition & l'examen de cette nouvelle doctrine la plus grande impartialité. Je crois qu'il eft tems de communiquer au moins un Précis de l'unique Piece que je connoiffe combattre la nouvelle opinion, en attendant un nouveau Recueil de Differtations Phyfico Chymiques que je me propofe de publier.

Après avoir répété les expériences connues & rapportées par M Macbride, qui confiftent à faire paffer à l'aide d'un fiphon l'air qu'on dégage d'une bouteille, dans l'eau chaude ou dans l'efprit volatil ammoniac préparé par la chaux, afin de donner à ces deux liqueurs des propriétés qu'elles n'auroient pas, & qu'on a attribuées à ce nouvel air redevenu élaftique, & dont elles étoient privées.

J'obfervai d'abord que l'eau de chaux louchiffoit feulement à fa furface; enfuite qu'un acide très-délayé, & qu'un alkali fixe pareillement très-étendu, chacun verfé immédiatement fur l'eau de chaux, offroient & le même phénomene & de la même maniere.

Eft-ce l'air pur qui produit ces phénomenes? Mais les acides & les alkalis délavés les procurent fans qu'on introduife aucun air dans l'eau

de chaux.

J'ai placé à l'extrémité d'un fiphon une veffie affouplie dont le fond étoit percé & tenoit à un tube pareil à celui d'un thermometre; le tube bien ficelé & bien bouché, j'excitai l'effervefcence en mêlant de l'efprit de vitriol avec de l'alkali fixe; la veffie fe ballonna, & je fixai par un fil la partie ballonnée. Pour m'affurer que je l'avois privée de toute Tome III, Part. VI. 1774 Ggg

communication, je foufflai la partie flafque de cette veffie, & la preffai de tous côtés. J'introduifis alors dans un flacon rempli d'alkali volatil fluor le tube de thermometre de maniere qu'il y plongeoit; je le débouchai, à l'aide d'un petit cachet; l'air de la veffie paffa dans l'alkali volatil, mais il ne lui fit pas changer de propriété; c'est-à-dire qu'il refta tout auffi peu fufceptible d'effervefcence avec les acides.

A cette expérience j'en fubftituai une autre fous un récipient de machine pneumatique qui me donna les mêmes réfultats; l'eau de chaux ne fut pas troublée, l'alkali fluor ne fut pas rendu effervefcible. Ce n'est donc pas l'air pur, l'air fixe retiré des corps où on le fuppofe qui produit ces variétés. J'ai diverfifié mes expériences en employant foit les trois acides, foit les autres substances capables de faire avec eux quelque effervefcence, & j'ai eu toujours les réfultats de M. Macbride lorfque l'air de ces effervefcences palloit immédiatement fur les corps prétendus privés d'air : mais je ne les ai jamais obtenus lorfque cet air développé n'y paroiffoit qu'après avoir dépofé en chemin ce qu'il entraînoit avec lui. On a depuis donné à cet air des noms particuliers à raifon de l'efpece de fubftance qu'il entraîne avec lui dans les effervefcences; air nitreux, air alkalin. Mais que diroit-on des Phyficiens qui attribueroient à l'eau chargée d'acide nitreux ou d'alkali, les effets de ces deux fubftances? Eh! depuis quand le véhicule doit-il être confondu avec ce qu'il entraîne.

Quelle eft la nature de la fubftance étrangere qui fe développe avec l'air dans le moment de l'effervefcence? Deux moyens fort fimples me l'ont appris. Dans un vafte alambic de verre, & d'une feule piece, j'ai mis une once d'huile de tartre ; j'ai faturé cette liqueur avec de l'efprit de vitriol, de l'acide nitreux, de l'acide marin, du vinaigre, tous trèsaffoiblis. Le peu de vapeurs qui s'eft rencontré dans le chapiteau, a coulé dans le récipient, & j'ai conftamment trouvé 1°. que ces vapeurs étoient acidules; 2°. qu'elles avoient la même faveur, quel que fût l'acide employé ; 3°. qu'en les mêlant immédiatement avec l'eau de chaux, elles la rendoient laiteufe ; à l'alkali fluor, elles le rendoient effervefcible; aux chairs putréfiées elles leur reftituoient la fraicheur. Les vapeurs qui s'exhalent pendant la fermentation du vin, de la bierre, des pommes, & pareillement recueillies, ont toutes les mêmes propriétés.

Le fecond moyen d'éprouver ces vapeurs, eft plus fimple encore : il fuffit de fubftituer au fiphon de M. Macbride un fiphon plus contourné. Voyez Planche II, Figure I. Ces vapeurs fe réuniffent dans le milieu de la courbure, & peuvent y être recueillies. Non-feulement ce n'eft pas à l'air fixe dégagé des corps qu'on doit atttibuer les phénomenes dont on vient de parler; mais encore il n'eft pas néceffaire qu'il penetre les corps qu'on dit en être privés, pour les faire naître. Il fuffit du mêlange immédiat d'une liqueur acidule qui eft la même dans toutes les circonf

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