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l'une après l'autre s'élevoient fort vîte, en fuivant une direction verticale. Je ne doute point que celles-ci ne représentaffent ces taches noirâtres qu'on voit en pleine lumiere s'élever le long des côtés de la bulle, & qui par conféquent doivent être difpofées à réfléchir la lumiere, dumoins en quelques fens, puifqu'autrement elles ne fe peindroient pas de cette façon fur le carton.

XV. Les phénomenes dont je viens de rendre compte, méritent l'attention des Phyficiens par l'éclat des couleurs, & par la vivacité dự mouvement dont les petites images font agitées, & peut-être encore à d'autres regards, car la ténuité de la lame d'eau qui met les particules oléagineufes, falines & terreufes qui y font incorporées, plus en prife à l'action de l'air, paroît contribuer autant que la différence de leurs péfanteurs fpécifiques à hâter fi fort leur féparation. D'ailleurs, il doit paroître affez étonnant que ces bulles puiffent fubfifter un certain temps, malgré l'extrême agitation de tant de petites maffes hétérogênes qui a lieu dans des lames auffi minces & aufsi frêles.

Ce n'eft pas le lien ici de m'arrêter à ce dernier objet, il me fuffic d'avoir produit des obfervations qui établiffent que ce n'eft nullement au plus ou moins d'épaiffeur des diverfes portions de la bulle d'eau de favon que font dues les taches noires, où peut-être plutôt violettes qui s'y manifeftent; & que dès lors, les conféquences que M. Newton avoit cru pouvoir tirer de cette fuppofition, contre la réflection de la lumiere par les parties propres des corps, font deftituées de leur fon

dement.

XVI. En fixieme lieu, M. Newton a voulu auffi fur ce point tirer parti de l'hypothefe qu'il avoit faite d'après fes obfervations fur les anneaux colorés produits avec des lames de glaces réunies, à favoir que fr les rayons rouges ou les bleus qui ont été féparés par un prifme, tombent fucceffivement fur une lame plate, de quelque matiere transparente que ce foit, dont l'épaiffeur augmente en proportion arithmétique continue, telle qu'une lame d'air entre deux verres, dont l'un foit plan, & l'autre un peu convexe, la même lame réfléchira dans la même partie tous les rayons d'une même couleur, & donnera paffage à tous ceux d'une couleur différente; mais elle réfléchira dans fes différentes parties les rayons d'une feule & même couleur à une épaiffeur, & leur donnera paffage à une autre, & ainfi alternativement à l'infini. Or, on n'imaginera jamais, ajoute-t-il, que dans un endroit, les rayons qui font voir, par exemple, une couleur bleue rencontrant fortuitement les partiesfolides, & ceux qui font voir le rouge, rencontrant les pores, & que dans un autre endroit, où le corps eft un peu plus mince, ou un peu plus épais, les rayons bleus frappent les pores, & les rouges les parties folides.

XVII. C'eft donc encore ici uniquement d'une hypothese qui lui eft propre que dérive la difficulté qu'il oppofe. Ces fuppofitions brillantes, il eft vrai, & afforties à fon grand génie, ont cependant le défavantage de fubftituer pour rendre raifon de la décompofition de la lumiere dans un cas particulier, une caufe particuliere aux belles loix de la réfraction & de la réfrangilité faites pour embraffer dans leur généralité tous les cas où la lumiere eft décompofée. Je crois avoir montré dans mon premier Mémoire, qu'on peut facilement les appliquer ici, & que l'explication à laquelle M. Newton a recours, peut être cenfée, du moins fuperflue. J'ai par-là éludé d'avance cette difficulté, dont la folution en revanche lui eft due.

XVIII. La derniere roule fur l'impoffibilité qu'il y a de donner à fa furface des corps un poli parfait. Quoique l'œil en foit fatisfait, cette furface eft cependant, quelque peine qu'on fe donne, toujours réellement inégale & raboteufe. Elle ne peut donc, felon M. Newton, qu'éparpiller irrégulièrement la lumiere. Mais je demanderai ici ce que c'est qu'une furface polie avec quelque foin? N'eft-ce pas un affemblage de plufieurs petits plans féparés par des finuofités ou cavités; ou fi l'on veut, d'un grand nombre de points isolés, dont les faces coincident dans un même plan. J'accorderai que beaucoup de cavités interrompent la continuité des petits plans qui, au fommet des efpeces de montagnes, dont cette furface eft encore hériffée, forment chacune un petit plateau uni. C'est de ces petits plateaux que font renvoyés enfemble régulièrement & dans une même direction les rayons qui y tombent fous le même degré d'incidence; tandis que ceux qui abordent fur les pentes de ces montagnes & fur les finuofités qui les féparent, font répercutés & difperfés irrégulièrement en tous fens ; & l'obfervation confirme ce que je dis du différent fort qu'éprouvent ces rayons. Qu'un trait de lumiere dans une chambre obfcure foit dirigé fur une lame plate d'émail, une partie du rayon réfléchi se rendra à l'endroit où l'exige l'obliquité de forr incidence; & en même temps on diftinguera de tous les autres points de la chambre l'image du trait de lumiere fur la lame d'émail. Qui eft-ce qui le vient tracer par-tout dans nos yeux, fi ce ne font les rayons répercutés irréguliérement en tous fens par les portions raboteufes de la furface de l'émail, comme l'image éclatante qui n'eft reçue que dans une feule direction, eft formée par le concours des rayons réfléchis fur les plateaux unis qui coincident dans un même plan fur la furface de certe lame d'émail ?

XIX. Tels font les phénomenes qui ont empêché M. Newton d'adwettre que la lumiere fût réfléchie par les parties propres des corps. It's devoient en effet l'empêcher de l'admettre dès qu'il ne penfoir pas

qu'elle dût éprouver de la résistance dans les pores ou interftices des corps. Nous avons vu qu'au moyen d'une réfiftance qui lui eft oppofće dans ces interstices par un fluide qui les occupe, & qui eft capable de la réfracter & de la réfléchir, il eft aifé de rendre raifon de ces phénomenes, fans être réduit à refufer aux parties propres des corps la fonction de réfléchir la lumiere. Il en résulte dès-lors un furcroît de preuve pour l'existence de ce fluide refringent; car n'eft-il pas plus naturel, plus fimple, plus fatisfaifant d'avoir recours ici à un agent déterminé, tel que ce fluide, qu'à une caufe vague, telle que la propriété répandue fur les furfaces des corps, par laquelle on fuppofe qu'elles agiffent fur la lumiere fans aucun contact immédiat ?

QUESTIONS

QUELL

PHYSIQUES

Relatives à la Ville de Beaune.

I.

UELLE eft la cause physique qui fait découvrir de la ville de Beaune, la veille, ou tout au plutôt, la furveille du jour où il doit pleuvoir, nonfeulement les montagnes de la Franche-Comté, mais même quelquesunes limitrophes de la Suiffe & de la Savoie, entr'autres, le petit SaintBernard & le Mont du Chat (1)?

La ville de Beaune eft fituée à quarante-fept degrés deux minutes de latitude, à quatre lieues à l'oueft de la Saone, en plaine, au pied des riches côteaux fi connus par l'excellent vin de Bourgogne, & qui donnant iffue à beaucoup de fources abondantes, forment des ruiffeaux & des petites rivieres, qui vont fe rendre dans la Saone. Comme cette fituation eft la même pour Dijon, Nuits, Châlons, &c. ces Villes, ainfi que tous les Bourgs & Villages, dans la même fituation, éprouvent le même phénomene phyfique, à quelques petites différences près.

Les côteaux de Bourgogne forment une chaîne qui s'étend à peu-près du Sud-Sud-Ouest au Nord-Nord-Oueft. Elle termine à l'Occident la belle plaine arrofée dans le milieu par la Saone, dont le cours eft parallele à ces montagnes; & une autre chaîne correfpondante & à l'Orient, limite cette plaine dans la Franche-Comté.

(1) Voyez tome I, in-4° page 107 dans lequel nous avons propofé un pareil preblême, relativement à la ville de Lyon. Ce point de Phyfique eft affez intéreffanr pour fixer l'attention des Phyficiens. Nous espérons qu'ils s'occuperont à en donner la folution,

J

Pour l'ordinaire à Beaune, dans les temps fereins, la vue diftincte ne s'étend point au-delà de cette belle plaine. Quand on découvre les montagnes au-delà, mais d'une maniere confufe, c'eft un pronoftic affez incertain, du changement de temps en mauvais. Mais quand les montagnes reculées font dégagées de toutes vapeurs, & qu'on les voit très-nettement, on eft sûr d'avoir de la pluie pour le lendemain, non pas feulement une pluie d'orage, mais une pluie qui continue pendant un certain temps, comme douze, dix huit, vingt-quatre heures, & même plufieurs jours.

Ce changement dans l'athmosphere arrive fans que les girouettes l'annoncent. Les barometres commencent quelquefois à l'indiquer; fouvent ils ne l'indiquent point; mais la pluie furvient par le vent de Sud-SudOueft, Sud-Ouest, ou par celui d'Ouest. Ordinairement c'est par le Sud Oueft, avant que la pluie tombe, & lorfque l'athmosphere eft affez préparée, alors les girouettes tournent, & le mercure a baiffé.

Quand le temps eft décidé au mauvais par les vents qu'on vient de nommer, ils foufflent quelquefois pendant plufieurs jours, même pendant plufieurs femaines, fans qu'on découvre les montagnes. On éprouve alors un temps nébuleux fort incertain, & varié par des pluies plus ou moins abondantes. Si les montagnes viennent à être vifibles, c'eft un figne certain que le mauvais temps augmentera. Quand on les découvre, on voit non feulement leur maffe, mais même leur forme en détail affez développé, comme fi on n'étoit éloigné que de quatre ou fix lieues. Elles font cependant diftantes de près de cinquante lieues; & le rayon vifuel traverfe la partie méridionale de la Franche-Comté, le Pays de Gex & paffe à peu-près par-deffus Geneve.

Telles font les circonftances qui accompagnent ordinairement le phénomene phyfique dont il eft queftion. Il m'a paru que ce ne pouvoit être que cette réunion d'accidens qui pouvoit conduire à en découvrir la caufe. Voici une feconde question.

I I.

Il y a à un quart de lieue de Beaune, au Nord Oueft une fource intermittente, qu'on nomme Genet. Elle eft peu éloignée du pied du côteau, & fituée vis-à-vis une petite finuofité de la montagne (1). Cette fource ne donne jamais d'eau qu'après des pluies de longue durée. Elle fort toutà-coup du bas d'une vigne, entre les ceps: elle forme, prefque tout de fuite, un torrent confidérable d'une eau très claire filtrée, à travers une couche de très-gros gravier qui s'étend le long du pied du côteau. Cette fource ne donne pas toujours la même quantité d'eau; mais, quand elle

(1) Les noyaux de toutes les montagnes de la côte de Bourgogne font des masses de roches calcaires depuis le pied le plus profond jufqu'aux fommers.

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commence à couler, c'est un figne très-certain de la ceffation de la pluie. Le mauvais temps peut continuer encore pendant environ huit à dix jours. Le beau temps fuccede, la fontaine donne toujours de l'eau, mais le volume diminue enfuite, & elle difparoît tout-à-fait. Quelle eft la caufe phyfique de ce phénomene, & de fa liaison avec le beau temps?

OBSERVATION

Sur des Taches rouges, empreintes fur la neige;

Par un Gentilhomme du Haut-Vivarais.

LE flambeau de la Phyfique a fait difparoître la fausse lueur de la su

perftition. On veut aujourd'hui tout voir, tout examiner, tout connoître: l'expérience fert de guide, & deffille les yeux les plus prévenus. Dans un fiecle moins éclairé que celui-ci, la terreur & la confternation fe feroient emparé des efprits; & la fottife, malgré fes cent yeux, auroit vu un prodige dans l'objet le plus fimple & le plus naturel.

J'avois obfervé dans le mois de Décembre dernier, me promenant dans les allées de mon jardin, des taches de fang difperfées çà & là, & principalement pendant les jours que la terre étoit plus humide. Ce fang me frappa peu dans le moment, & il étoit naturel de l'attribuer à une infinité de caufes ordinaires; mais le 7 Janvier 1774, mon jardin étant entiérement couvert de neige depuis quelques jours, j'y vis un trèsgrand nombre de taches femblables fur la neige, & toutes d'un rouge très-beau & très-vif. Ces taches étoient fur la furface de la neige, & la pénétroient à plufieurs lignes au-deffous; leur forme reffembloit parfaitement à celle qu'auroient affectées des gouttes de fang qui y feroient

tombées.

Je me rappellai à l'inftant' ce que les Phyficiens avoient obfervé sur ces prétendues pluies de fang, & que les Naturaliftes modernes ont trèsbien expliqué par l'effufion d'une liqueur rouge que jettent_certains infectes, en quittant la forme de nymphe ou de chryfalide. La saison ne favorifant pas la métamorphofe de ces infectes, il fallut recourir à une aurre caufe. Alors je cherchai fur la neige, fi je ne trouverois pas des empreintes d'hommes ou d'animaux, & ce fut inutilement. Mon Jardinier me dit avoir vu ce même jour de femblables taches dans la garenne où il étoit allé. Je préfumai que ces taches pourroient n'être autre chofe que des excrémens de petits oifeaux; je levai légérement avec la pointe d'un couteau la neige rougie, & j'apperçus en-deffous de la tache un petit excrément. Je répétai la même opération fur une quantité de ces taches, & toutes repréfenterent le même fair,

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