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fable, un tourbillon de vapeurs blanches. Je m'approchai pour voir ce phénomene; & ayant porté mes regards jufques dans la phiole même, je vis que le fel refté au fond, étoit en liqueur (c'eft le nitre quadrangulaire) il bouillonnoit avec beaucoup d'impétuofité, & il s'enflammoit de temps en temps. Mais, à peine eus-je fait cette remarque, que les autres phioles offrirent le même phénomene: alors, voyant que mon fublimé fe perdoit, puifque la phiole du milieu s'étoit déjà éclaircie, je me hafardai d'en enlever quelques-unes, & de les porter hors du bain de fable, pour fauver ce qu'il y avoit de fublimé formé; mais j'eus lieu de me repentir de ma témérité. L'athmosphere du laboratoire étant remplie de vapeurs de ce fublimé, je gagnai la porte bien promptement, à demifuffoqué. Je fus refpirer de l'alkali volatil, & même en avaler car il eft bon d'obferver qu'en pareille occafion il n'y a rien de mieux. L'alkali volatil, fe portant par la refpiration dans la poitrine, fe joint au fublimé corrofif, l'empêche d'agir en attendant que la refpiration ou l'expectoration le rechaffe hors de la poitrine. C'est-là l'effet qu'il me produifit; car, en très-peu de temps je me trouvai en état d'aller voir fi mon laboratoire étoit devenu foutenable, & en quel état étoient les phioles que j'avois laiffées dans le bain de fable. Je les trouvai très-claires, & ne contenant pas la moindre partie de fublimé. Le feu ayant diminué, je trouvai le nitre quadrangulaire concret & très-folide dans ces phioles. J'obtins le fublimé corrofif des phioles que j'avois enlevées, il étoit très-beau, mais un peu friable, parce qu'il n'avoit pas eu le temps de prendre la confiftance, qui dépend de la concentration & du refferrement des parties les unes vers les autres.

Il eft clair que tous ces accidens ne font arrivés que parce que le nitre quadrangulaire eft entré en fufion, & que fon eau de cryftallifation, qui eft très confidérable, chaffée par l'action du feu, a mis le fublimé corrofif en vapeur, & l'a emporté avec lui. Mais, la chofe la plus digne de remarque, c'eft de voir que ce fel s'enflamme & détonne de luimême dans cette occafion.

Inftruit à mes propres dépens des inconvéniens qu'il y avoit à craindre dans cette opération, je réfléchis fur les moyens que je pourrois employer pour les éviter, & pour obtenir le fublimé fans danger. Je ne crus pouvoir mieux faire que de mêlanger du fable avec ma matiere faline, afin qu'en écartant les parties falines, il les empêchât de fe liquifier fi promptement, & je crus devoir employer un moindre degré de chaleur, ou la conduire plus lentement dans le commencement, pour que l'humidité pût s'évaporer doucement. En conféquence, je pris l'autre partie de ma matiere faline, je la mêlai avec partie égale d'un fable fin. Je diftribuai ce mêlange dans des phioles, commé je l'ai dit cidevant; & par un feu très-modéré j'obtins mon fublimé fans accident. Il est vrai qu'étendant encore ma matiere avec un intermede, qui l'étoit

déjà trop par la grande quantité de nitre quadrangulaire, chaque phiole ne pouvoit donner qu'une très-petite quantité de fublimé.

La fuite me montra que ce n'étoit en effet qu'un enduit très-mince; ce qui me donna occafion de remarquer, qu'en pareils cas il valoit mieux fe fervir, en place de toutes ces phioles, d'un matras dont la capacité fur affez ample pour contenir tout, ou du moins beaucoup de cette matiere à la fois; le fublimé pouvant avoir dans cette circonftance une forme plus cryftallifée & plus ferme.

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Je procédai enfuite avec de l'efprit de fel pur; je pris pour cela une diffolution de huit onces de mercure ; je verfai deffus la même quantité d'efprit de fel; j'eus une très-grande quantité de précipité, quoique j'euffe fait chauffer fortement la diffolution mercurielle. J'en fus fort furpris; car je ne m'attendois à rien moins que d'obtenir un précipité dans cette occafion. Je le féparai par le filtre, & l'édulcorai parfaitement par de l'eau de chaux. Il fe trouva tout-à-fait femblable à celui qu'on obtient par le procédé ordinaire ce qui me fit croire que le mercure, qui n'a pas reçu tout-à-coup la quantité d'acide qui lui eft néceffaire pour être dans l'état de fublimé corrofif, ne la reçoit enfuite que très-difficilement, ou même point du tout.

Je conclus donc que dans les deux expériences précédentes, le mercure s'étoit uni dans le même moment de la double décompofition du fel marin & du nitre mercuriel à une quantité fuffifante d'acide marin pour être en état de fublimé corrofif. Ces confidérations faites, voici les raifons fur lefquelles je me fondois pour trouver la caufe de ces différences. On fait que les corps n'ont de la difpofition pour s'unir enfemble qu'autant qu'ils font dans un état réciproque (1). Or, dans cette occafion-ci les premieres portions d'efprit de fel combinées avec le mercure fe trouvent dans un état différent de celui qui lui furvient après. L'indenfité n'est donc pas parfaite, puifque l'acide marin qui eft déjà uni au mercure, a acquis des propriétés qui font relatives au mercure, de même que le mercure en a acquifes qui font relatives à l'efprit de fel; de maniere que le compofé n'a de fon côté aucune difpofition pour s'unir au nouvel efprit de fel dégagé de fa base. Voilà, je crois, ce qui fair que dans ce dernier procédé les chofes fe trouvent différentes de ce qu'elles font dans les deux autres, où l'échange des deux bafes fe fait dans le même inftant; & fait que le mercure fe charge d'acide marin dans la même proportion que l'acide nitreux s'unit à la bafe du fel marin;

(1) Henkel montre la néceffité de cette réciprocité des corps, pour s'unir enfemble, dans fon Traité de l'Appropriation.

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proportion qui lui eft fans doute fuffifante pour être dans l'état de fublimé corrofif. C'eft auffi peut-être par cette même raifon qu'il eft fi difficile de faire prendre un excès d'acide au mercure doux par la fublimation, & de le rendre dans l'état de fublimé corrosif (1).

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Après cette longue digreffion je reviens à la fuite de mon expérience. Je repris la liqueur de laquelle j'avois féparé le précipité mercuriel; je la fis confidérablement évaporer au bain de fable; l'ayant enfuite laiffée refroidir, il s'y forma de très beaux cryftaux mercuriels tout pareils à ceux que j'ai décrits au premier procédé; mais ils étoient beaucoup plus grands. Je continuai de faire évaporer & cryftallifer la liqueur jufqu'à fa fin. Il s'en exhala beaucoup d'efprit de nitre, comme on peut bien le penfer cet acide n'étoit retenu dans cette occafion par aucune bafe.

Par l'effai que je fis de ce fel mercuriel, je vis qu'il étoit un peu moins corrofif que celui des expériences précédentes. Il prit un peu moins de mercure pour fe former en mercure doux : je répétai cette expérience, avec le même fuccès.

EXPERIENCE IV.

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Pour compléter ce Mémoire, il ne me reftoit qu'à examiner le résultat de la diffolution immédiate du mercure par l'efprit de fel; c'est-à-dire du mercure précipité de l'acide nitreux par l'alkali fixe ou par l'alkali volatil car on fait bien que le mercure en nature n'eft nullement attaqué par l'efprit de fel. Cette idée eft prife du célebre M. Margraf, qui, dans une Differtation imprimée dans fes Opufcules, a fait connoître que le mercure ainfi précipité de l'acide nitreux, eft fufceptible de fe rediffoudre dans les acides végétaux. Il étoit donc tout naturel de préfumer que l'efprit de fel en feroit aifément la diffolution, puifque le plus foible des acides eft capable de le diffoudre en cet état. Je pris en conféquence une once du précipité mercuriel indiqué; je le mis dans un matras; je verfai deffus la valeur de quatre onces d'efprit de fel foible; je plaçai le matras fur le bain de fable à peine fut-il échauffé, que le précipité fut diffous. J'y verfai un peu d'eau pour étendre la liqueur; je la filtrai auffi-tôt, & 11 mis à évaporer au bain de fable, pour l'amener au point de la crystallifation. Mais je fus trompé dans mon attente; car l'ayant amenée jufque près de fa fin, il ne me refta qu'une matiere faline incryftallifable. Je préfumai auffi-tôt que l'état de cette matiere n'étoit dû qu'à un excès d'acide; ce qui m'engagea à y ajouter du nouveau précipité mercuriel, à deffein de le faturer: pour cela j'étendis cette matiere faline

:

(1) On fait déjà qu'il n'eft pas poffible de faire prendre un excès d'acide marin au fublimé corrofif: mais ce n'eft pas la même raison que nous entendons ici; c'est parce que le fublimé corrofif eft, comme nous le verrons plus loin, dans un état de faturation parfaite.

avec de l'eau, & fis chauffer le tout pour accélérer la diffolution. Lorfque je crus que l'acide étoit faturé de mercure, je filtrai la liqueur, & j'eus la fatisfaction de voir fe former dans l'inftant une très-belle cryftallifation, toute femblable à celle des procédés que je viens de décrire. Après avoir enlevé cette premiere cryftallifation, je fis évaporer & cryftallifer la liqueur jufqu'à fa fin. J'examinai aufli-tôt mon fel mercuriel, & je vis avec plaifir qu'il pouvoit paffer pour un bon fublimé corrofif.

Voilà donc une nouvelle méthode d'obtenir notre fel mercuriel corrofif, qui peut même jetter du jour fur la nature du fublimé corrofif. On voit en effet, contre le fentiment de ceux qui foutiennent que le fublimé corrofif n'eft tel que parce qu'il n'eft point faturé entiérement de mercure, & qu'il contient une furabondance d'acide marin qui lui donne cette qualité, on voit, dis-je, que quoiqu'on donne ici à l'acide marin autant de mercure qu'il en peut diffoudre, il en résulte néanmoins une combinaison telle que le fublimé corrofif; d'où l'on doit être porté à croire que c'eft une combinaifon qui eft toute auffi parfaite dans fon efpece, , que toute autre combinaifon faline (1); c'eft-à-dire, que les deux fubftances qui compofent ce fel, font dans un état réciproque de faturation, que l'un ne prédomine pas fur l'autre en un mot, que fa qualité corrofive ne dépend point de l'efprit de fel feul; mais qu'elle eft une propriété du compofé même & indépendante de l'une ou l'autre des fubftances qui le compofent, de même que l'union du mercure avec le fublimé corrofif, ne doit pas être regardé comme l'effet d'une nouvelle diffolution de l'efprit de fel qui y eft contenu; mais bien comme l'effet d'une union que contracte le fublimé corrofif lui-même. Combien en effet de fubftances qui, unies enfemble, acquierent des propriétés qu'e 'elles n'avoient pas chacune en particulier! Il ne nous feroit pas difficile d'ailleurs de prouver que la propriété corrofive de ce compofé n'a aucune reffemblance avec celle des acides (2); mais il nous feroit affez inutile de nous étendre là-deffus, attendu que l'Auteur du Dictionnaire de Chymie en a dit affez pour renverfer la prétention de ceux qui croient que le fublimé corrofif eft un fel avec excès d'acide.

(1) L'alun, les vitriols, le nitre lunaire & plufieurs autres fels à base métallique, quoique préfentant un caractere de caufticité, ne font pas moins dans un état de faturation parfaite.

(2) En effet, fuivant M. Rouelle lui-même, dans fon Mémoire fur l'excès d'acide dans les volumes de l'Académie Royale des Sciences, année 1754, le fublimé corrofif ne rougit point le fyrop violat, au contraire il le verdit comme beaucoup d'autres fels métalliques, & ne fait point d'effervefcence avec les alkalis.

PRÉCIS

D'un Mémoire fur un accident arrivé par des Moufettes dans une cave de Paris, le 2 Octobre 1773;

Par M. BAUMÉ, de l'Académie Royale des Sciences.

JE confidere avec les meilleurs Chymiftes, le feu fous deux états différens; 1o. pur & ifolé, & ne faifant partie d'aucun corps; 2°. combiné, & entrant comme principe conftituant dans la composition de beaucoup de corps.

Cette distinction eft importante; elle est fondée fur les propriétés qu'a cet élément dans ces différens états. La premiere combinaifon du feu que nous connoiffons, eft la matiere huileufe: elle eft produite par les corps organifés, qui feuls forment toute la matiere combustible qui exifte dans la nature. Il eft néceffaire de rappeller ces principes fondamentaux que j'ai difcutés dans un très-grand détail, dans ma Chynie expérimentale & raisonnée, pour prouver que les moufettes font dues aux corps organifés.

Lorfque le principe inflammable fe décompofe, il exhale une fubftance univoque qui fe réduit en vapeurs, & qui dans les mêmes circonftances produit des effets dangereux fur l'économie animale. Cette vapeur eft quelquefois invifible, & le plus fouvent fe préfente fous la forme d'un brouillard. Elle n'eft point inflammable ; elle éteint au contraire les lumieres & le feu, plus ou moins promptement, à proportion que l'air en eft chargé. Cette même vapeur, réunie en quantité fuffifante, affecte le cerveau, provoque l'affoupiffement, arrête le jeu de la refpitation, & caufe la mort à ceux qui ont le malheur d'y être expofés, même fort peu de temps.

On a donné différens noms à cette vapeur, qui paroiffent être relatifs aux circonftances où elle fe préfente, comme mofettes ou moufettes, lorfqu'elle regne dans les fouterrains des mines ou dans d'autres cavités de la terre.

On lui a donné le nom de gas filveftre, lorfqu'elle eft produite par des matieres qui éprouvent la fermentation fpiritueufe, ou lorfqu'on la fépare des eaux minérales aérées, ou enfin lorfqu'elle fe dégage pendant la combinaifon des fubftances falines.

On nomme cette même vapeur, phlogistique réduit en vapeurs, lorfqu'elle eft produite par de la braife ou du charbon qu'on fait brûler, ou

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