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qui fe trouve dans l'intervalle de leur union, ils doivent nécessairement s'écarter l'un de l'autre.

C'est par cette raifon que l'air qui circule autour d'un corps privé de la vie, devenant plus raréfié que l'air intérieur chargé de vapeurs froides, tend à défunir ou divifer les parties de ce corps; & telle eft, je crois, l'origine de la putréfaction. L'odeur que nous fentons, n'est occafionnée que par la divifion des molécules mêmes du corps, qui forment pefanteur fpécifique avec l'air.

Tout le monde fait que les fels font capables de communiquer un froid exceffif aux corps dont on les approche. Qu'arrive til done? Ils empêchent que l'air extérieur de ces corps ne fe raréfie, & conféquemment que les parties de ces corps ne fe défuniffent. Voilà pourquoi le fel marin, le falpêtre, l'efprit-de-vin, le vinaigre, l'efprit de fel, tous les acides & les réfines qui contiennent une quantité de fel acide, empêchent la putréfaction des corps, en condenfant l'air extérieur de ces corps fur lefquels on les applique. C'eft encore par cette même raifon que, pendant l'hyver l'air de l'athmofphere étant bien. moins raréfié, la putréfaction ou fermentation des corps eft bien plus lente qu'en été. Voilà pourquoi, rafraîchiffant l'air, en lui communiquant un fel acide, par exemple, en brûlant du foufre, on arrête fur le champ la fermentation des vins, de telle vivacité qu'elle puiffe être.

Plufieurs Savans, en admirant les détonnations du nitre enflammé, les effets violens de la foudre, les éruptions terribles des volcans qui foulevent des maffes de terres énormes, fe font appliqués à nous faire connoître combien l'air a de reffort, combien il eft fufceptible de se comprimer dans les corps ; & ils nous ont parfaitement démontré que fa grande dilatation eft l'origine de toutes ces explofions; mais l'examen des corps plus tranquilles de la nature, c'est-à-dire des corps poreux dans lefquels l'air intérieur fort peu comprimé n'eft pas fufceptible de fe dilater avec effort, doit produire des obfervations particulieres qui expliquent la défunion & réunion de ces corps, qui nous donnent des idées nettes fur leurs affinités, & débarraffent enfin la Phyfique de toutes ces fuppofitions de vertus occultes pofées au centre des corps.

Revenant à l'expérience des deux aiguilles, j'obferve qu'auffi-tôt que ces aiguilles fe rapprochent, il s'éleve entr'elles un petit volume d'eau; & cet effet paroît une fuite néceffaire de la raréfaction de l'air.

L'application de ce même principe fert donc à réfoudre le problême de l'afcenfion des liquides dans les tuyaux capillaires. En effet, plus un tuyau eft étroit d'orifice ou capillaire, plus aufli l'air y eft répercuté, plus il y elt raréfié; & conféquemment la preflion de l'athmofphere y devenant. moins fenfible, il réfulte que l'eau doit s'y élever davantage au-deffus de fon niveau.

Alors nous ne verrons point de contrariétés à cet égard dans la mar

che

che de la nature plus la liqueur contenue dans un vafe eft froide & non raréfiée, plus fon élévation doit être confidérable dans un tube capillaire, dans lequel l'air plus raréfié tend à raréfier les fluides qui ne le font pas, & à les augmenter de volume. Voilà pourquoi l'eau chaude étant déjà raréfiée, s'éleve moins au-deffus de fon niveau, que l'eau froide. Voilà pourquoi l'efprit-de-vin ou autres liqueurs qui font déjà très-raréfiées, & par conféquent dans le plus haut volume poffible, s'élevent bien moins dans les tubes capillaires, que les eaux falées dont la fraîcheur & la condenfation nous font connues. Quant au mercure, on ne doit être étonné qu'un corps qui n'eft dans l'état de fluidité que par une furabondance de phlogistique, & conféquemment de raréfaction, ne monte en aucune forte dans les tuyaux capillaires; d'autant plus que l'adhérence de fes parties très-pefantes lui conferve plus particuliérement qu'à un autre corps, fa tendance vers le centre de la terre.

pas

(1) Telles font mes idées, que j'applique à une infinité de phénomenes. Quoique ces idées ne dérivent que de principes connus & bien démontrés, je ne prétends pas les ériger en axiômes: non, ce font des ébauches de tableau dont tous les connoiffeurs peuvent, à leur gré, varier les nuances, ou corriger le dessin.

Je crois, en finiffant ce Mémoire, devoir préfenter quelques réflexions aux amateurs de la Minéralogie. Ayant pouffé à la fufion, la chaux & la terre ferrugineufe chargée d'acide vitriolique, j'ai remarqué que ce mêlange est beaucoup plus parfait & bien plus fixe au feu, que quand il n'y entre pas d'acide. Cette obfervation peut devenir intérellante.

J'ai remarqué que la matiere fondue, qui s'eft échappée du creufet, & a flué fur les bords, étant expofée au grand phlogistique émané des charbons, a pris un brillant métallique, blanc en quelques parties, jaune en d'autres; mais que cette fuperficie métallique n'eft en aucune forte diffoluble dans les acides, ni attirable par l'aimant ; ce qui est assez fingulier car, premierement toute félénite étant décompofée par le phlogistique, la terre calcaire, qui eft fa bafe, doit redevenir diffoluble dans les acides: en fecond lieu, pour peu que le fer reprenne du phlogiftique, il redevient attirable par l'aimant.

Enfin, beaucoup de Savans ont travaillé à la fufion de différentes pierres & terres combinées qu'ils ont pouffé à la vitrification; & leurs découvertes ont porté des lumieres frappantes dans les principes de la

(1) On ne doit pas être furpris que ces mêmes effets aient lieu fous la machine pneumatique, où la moindre quantité d'air agit toujours en raison proportionnelle. L'on fait que le mot vuide eft un mot de convention, pour exprimer une moindre quantité d'air : car s'il étoit poflible de former un vuide parfait, en fuppofant qu'il y cût alors une voûte capable de foutenir la preffion de l'athmofphere, les parties inté grantes des corps que l'on auroit mis dans ce vuide, feroient néceffairement décom pofées.

Tome III, Part. II. 1774.

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Minéralogie; mais je crois que l'on n'a point encore effayé de fondre des terres métalliques avec les félénites ou chaux chargées d'acide vitriolique; de leur préfenter enfuite une abondance de phlogistique par les flux noir, & de les combiner de nouveau avec les acides.

Les expériences multipliées qui fe préfentent à ce fujet, font certai nement bien capables d'intéreffer les amateurs de la Chymie, & me paroiffent exiger d'eux une partie du temps qu'ils confacrent au plaifir de furprendre la nature dans fes opérations. Je ne prétends pas cependant faire briller ici aucune de ces illufions flatteufes qui ont entraîné de riches Particuliers dans de folles dépenfes. Le Chymifte éclairé fait que la moindre découverte, la moindre affinité nouvelle à fes yeux, éleve fon ame; & le fentiment délicieux qu'il éprouve, eft le prix le plus flatteur de fes recherches.

OBSERVATIONS

Sur les Corps lumineux qui brillent dans l'obscurité, fur la Mer ;

DANS

Par M. BAJON, Médecin à Cayenne (1)..

ANS ma traverfée de France à Cayenne, un des phénomenes qui m'aient le plus affecté, a été cette efpece de lumiere phofphorique qui brille fur la mer, & forme de petites étincelles. Leur vivacité étoit en raifon du frottement plus ou moins confidérable fur la furface de l'eau, foit entre les parties de l'eau même diverfement agitées, foit par le moyen de quelque corps étranger, mû avec plus ou moins de force..

Les mouvemens violens font peu favorables à la formation des étincelles; elles font plus abondantes & plus vives, quand le mouvement eft uniforme, & plus fortes lorfque les mouvemens font produits par des corps étrangers, qu'entre les parties de l'eau même.

Outre ces étincelles, on voit dans un certain temps feulement des efpeces de flammes plus ou moins grandes, & de formes affez irrégulieres, fe former dans l'intérieur de l'eau, c'est-à-dire à deux ou trois. pieds de profondeur, & même quelquefois davantage.

Ces efpeces de flammes, qu'on ne fauroit mieux comparer qu'aux éclairs qui partent d'une nuée orageufe, font de couleur de feu un peu

(1) Voyez dans le tome II in-4°. page 412, les Observations fur les apparences laireufes de l'eau de la mer, & la récapitulation que nous avons faite des opinions des Auteurs qui ont écrit fur cet objet.

plus pâle que la lumiere des étincelles dont nous avons parlé. On pourroit même dire qu'elles ne font pas le produit du frottement, puifque les jours où j'en ai obfervées un plus grand nombre, la mer étoit tranquille & paroiffoit n'avoir qu'un fimple mouvement d'ondulation, & le frottement du navire n'en produifoit aucune.

Ces flammes pourroient bien être l'effet des frottemens qui s'exécutent dans l'intérieur de l'eau par la rencontre des courans, dont le cours eft diamétralement oppofé. Je n'ai obfervé ces efpeces de flammes qu'après avoir paffé le Tropique du Cancer; & elles ne font devenues nombreufes que vers le douzieme, le dixieme & le huitieme degré de latitude feptentrionale, qui eft précisément l'endroit où nous avons observé de terribles courans.

Outre ces frottemens intérieurs, il y en a encore d'autres dépendans de l'impulfion de l'athmofphere fur la furface de l'eau, qui, d'ailleurs ne peut en faire mouvoir qu'une certaine maffe qui preffe contre la partie inférieure.

Il paroît, d'après ce que nous venons de dire, que le frottement eft la caufe de ces feux, & principalement des étincelles qu'on obferve fur la furface de la mer, puifqu'ils n'ont réellement lieu qu'aux endroits où l'on voit un frottement marqué, comme, par exemple, toutes les fois que des vagues font élevées au-delà de la furface de l'eau, qu'elles viennent enfuite à s'ouvrir & à gliffer fur celles qui leur font inférieures. L'endroit où elles font le plus fenfibles, eft autour du navire qui fillonne rapidement les eaux, lorfqu'il fait une lieue & demie ou deux lieues par heure.

On doit également rapporter au frottement la lumiere qui brille fur mer, lorfque des colonnes entieres de poiffons paffent d'un pays dans un autre. Je n'entends cependant pas parler des dorades & de quelques au tres de cette efpece, dont la furface de la peau eft parfemée d'une infinité de petits points dorés, & qui luifent dans l'obfcurité; mais des poiffons dont la couleur eft fombre, & qui cependant forment une trace de lumiere très-agréable à l'œil, lorfqu'ils nagent un peu vîte.

J'ai examiné du plus près qu'il m'a été poflible ces points lumineux, leur figure m'a paru fphéroïde, & la lumiere augmentoit en proportion de leur nombre. La plupart de ces points lumineux paroît s'élever au-delà de la furface de l'eau, & fe perdre dans l'athmofphere. Cependant, quelques-uns commencent à briller dans l'intérieur, parcourent un certain efpace, & difparoiffent enfin fans parvenir jufqu'à la furface.

Ces feux, ces lumieres varient finguliérement, relativement à quel, ques circonstances qui peuvent dépendre de la direction des vents & de l'état de l'athmofphere; par exemple, les vents du nord font très-favorables; les temps humides & les vents du fud leur font contraires. J'ai encore

obfervé que ces feux fe multiplioient de plus en plus, lorfque nous approchions de la Zône torride.

De ces généralités, paffons à des expériences particulieres.

1. J'ai tiré de l'eau dans un fceau, je l'ai agitée avec un morceau de bois, & auffi-tôt j'ai apperçu une grande quantité de points rouges qui difparoiffoient tout de fuite; mais en continuant ces mêmes frottemens un peu de temps, j'ai vu qu'après deux ou trois fecondes, i ne fortoit plus aucune étincelle. La même expérience répétée plufieurs fois, a toujours donné le même résultat.

2o. Après que cette eau eut repofé pendant quelque temps, j'y produifis de nouveaux frottemens; les étincelles reparurent, moins nombreuses & moins lumineufes, que lorfque l'eau fut tirée de la

mer.

3o. Je puisai de nouvelle eau, j'y plongeai doucement une lame de couteau, & il ne parut point d'étincelles. La lame du couteau, promenée dans cette eau, fit briller à l'inftant une grande quantité de points rouges qui paroilloient s'élancer de la lame même du couteau. La feconde expérience répétée offrit le même fpectacle.

4°. J'ai plongé très doucement les doigts de la main dans un autre vafe rempli d'eau nouvellement tirée; à mesure que j'enfonçois les doigts dans l'eau, il en fortoit, fur-tout de l'extrêmité, une affez grande quantité de ces points rouges qui augmentoient, à proportion qu'ils approchoient du fond du vafe. De tous les corps dont je me fuis fervi pour produire du frottement dans l'eau, j'ai obfervé que les corps métalliques occafionnoient plus d'étincelles, que les parties animales; les bois en donnent beaucoup moins, & le verre n'en produit prefque aucune. Il y a plus, cette eau fraîchement tirée & renfermés dans une bouteille agitée, foit avec du bois, foit avec des métaux, n'a manifefté aucune étincelle.

5. J'ai confervé pendant cinq ou fix jours cette eau dans une bouteille bien bouchée; elle fut vuidée enfuite dans un feau, agitée de différentes manieres, & il n'en fortit aucune étincelle. Cette eau laiffée enfuite huit ou dix minutes expofée à l'air, eft devenue auffi propre à produire des étincelles, que fi elle venoit d'être tirée de la

mer.

Pendant le temps que je m'occupois de ces expériences, j'obfervai que toutes les fois que le Matelot tiroit le lof un peu rapidement; & lorfque cette corde appuyoit fur le bord du bâtiment, il en partoit de petites étincelles; elles paroiffoient, quand cette corde glifoit égale ment dans la main du Matelot.

Malgré l'attention la plus fcrupuleufe, je n'ai pas vu que ces points lumineux augmentaffent à proportion que nous approchions de terre & fur-tout des embouchures des rivieres. Je dis même que dès que

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