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comme libérateur de Rome, et juhe ment puni comme infracteur des lois. Quelque brillant qu'ait été fon rappel, il eft certain que ce fut une grace.

Au refte, de quelque manière que cette importante commiflion foit conférée, il importe d'en fixer la durée à un terme très-court, qui jamais ne puiffe être prolongé dans les crifes qui la font établir, l'Etat et bientôt détruit ou fauvé, et paffé le befoin preffant, la Dictature devient tyrannique ou vaine. A Rome les Dictateurs ne l'étant que pour fix mois, la plupart abdiquèrent avant ce terme. Si le terme eût été plus long, peut-être enffent-ils été tentés de le prolonger encore, comme fireuz les Décemvirs celui d'une année. Le Dictateur n'avoit que le temps de pour

\n'ofant fe nommer` lai - même et esne pouvant s'affurer que fon_colle» gue le nommereit.

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voir au befoin qui l'avoit fait élire; il n'avoit pas celui de fonger à d'autres projets.

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CHAPITRE VI I.

De la Cenfure.

De e même que la déclaration de la volonté générale fe fait par la loi, la déclaration du jugement public se fait par la Cenfure; l'opinion publique eft l'efpece de loi dont le Cenfeur est le miniftre, et qu'il ne fait qu'appliquer aux cas particuliers, à l'exemple du

Prince.

Loin donc que le tribunal cenforial foit l'arbitre de l'opinion du peuple, il n'en eft que le déclarateur, et fi-tôt qu'il s'en écarte, ses décifions font vaines fans effet.

et

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ce

Il eft inutile de diftinguer les moeurs d'une nation des objets de fon eftime; car tout cela tient au même principe et fe confond néceffairement. Chez tous les peuples du monde, n'eft point la nature mais l'opinion qui décide du choix de leurs plaifirs. Redreffez les opinions des hommes et leurs moeurs s'épureront d'elles-mêntes. On aime toujours ce qui eft beau ou cequ'on trouve tel, mais c'eft fur ce jugement qu'on le trompe; c'eft donc ce jugement qu'il s'agit de régler. Qui juge des moeurs juge de l'honneur, et qui juge de l'honneur prend la loi de l'opinion.

Les opinions d'un peuple naiffent de La conftitution; quoique la loi ne regle. pas les moeurs, c'est la législation qui les fait naitre ; quand la législation s'affoiblit les moeurs dégénèrent, mais alors le jugement des Cenfeurs ne fera pas ce que la force des lois n'aura pas fait.

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Il fuit de-là que la Cenfure peut être ntile pour conferver les moeurs, jamais pour les rétablir. Etabliffez des Cenfeurs durant la vigueur des lois; hi-tot qu'elles l'ont perdue, tout eft défefpéré; rien de légitime n'a plus de force lorfque les lois n'en ont plus.

La Cenfure maintient les moeurs en empêchant les opinions de fe corrompre; en confervant leur droiture par de fages applications, quelquefois même en les fixant lorfqu'elles font encore incertaines. L'ufage des feconds dans les duels, porté jufqu'à la fureur dans le royaume de France, y fut aboli par cesfeuls mots d'un édit du Roi: Quant à ceux qui ont la lâcheté d'appeler des feconds. Ce jugement prévenant celui du public le détermina tout-d'un-coup. Mais quand les mêmes édits voulurent prononcer que c'étoit aufli une lâcheté de fe battre en duel, ce qui est vrai, mais contraire à l'opinion commune, le

public fe moqua de cette décifion fur laquelle fon jugenient étoit déja porté.

J'ai dit ailleurs a) que l'opinion publique n'étant point foumise à la con-trainte, il n'en falloit aucun vestige dans le tribunal établi pour la représenter. On ne peut trop admirer avec quel art ce reffort, entiérement perdu chez les modernes, étoit mis en oeuvre chez les Romains et mieux chez les Lacédémoniens.

Un homme de mauvaises moeurs ayant ouvert un bon avis dans le confeil de Sparte, les Ephores fans en tenir compte firent propofer le même avis par un citoyen vertueux. Quel honneur pour l'an, quelle note pour l'autre, fans avoir donné ni louange ni blâme à aucun des deux! Certains ivrogues de

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a) Je ne fais qu'indiquer dans ce chapitre ce que j'ai traité plus au long dans la Lettre à M. d'Alembert.

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