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comme foldats; non point comme membres de la patrie, mais comme ses défenfeurs. Enfin chaque Etat ne peut avoir pour ennemis que d'autres Etats et non pas des hommes, attendu qu'entre chofes de diverfes natures, on ne fixer aucun vrai rapport.

peut

Ce principe eft même conforme aux maximes établies, de tous les temps et

toient fi loin le fcrupule à cet égard qu'il n'étoit pas permis à un Citoyen de fervir comme volontaire, fans s'être engagé expreffément contre l'ennemi, et nommément contre tel ennemi. Une Légion où Caton le fils faifoit fes premières armes fous Popilius ayant été réformée, Caton le père écrivit à Popilius que s'il vouloit bien que fon fils continuat de fervir fous lui, il falloit lui faire prêter un nouveau ferment militaire, parce que → le premier étant annullé, il ne pou

E.

at

S

à la pratique conftante de tous les penples policés. Les déclarations de guerre font moins des avertiffemens aux puiffances qu'à leurs fujets. L'étranger, foit roi, foit particulier, foit peuple, qui vole, tue ou détient les fujets fans déclarer la guerre au Prince, n'est pas un ennemi, c'eft un brigand. Même. en pleine guerre un Prince jufte s'empare bien en pays ennemi de tout cer qui appartient au public; mais il respecte

voit plus porter les armes contre l'ennemi. Et le même. Caton écri

vit à fon fils de fe bien garder de Je préfenter au combat qu'il n'eût prêté ce nouveau ferment. Je fais qu'on pourra m'oppofer le fiège de Clufium et d'autres faits particuliers. Mais moi je cite des lois, des ufaLes Romains font ceux qui ont le moins fouvent transgreffé leurs lois, et ils font les feuls qui en aient eu d'auffi belles.

ges.

la perfonne et les biens des particuliers : il refpecte des droits fur lesquels font fondés les fiens. La fin de la guerre étant la deftruction de l'Etat ennemi, on a droit d'en tuer les défenfeurs tant qu'ils ont les armes à la main; mais fi-, tôt qu'ils les pofent et le rendent, ceffant d'être ennemis ou inftrumens de l'ennemi, ils redeviennent fimplement hommes et l'on n'a plus de droit fur leurvie. Quelquefois on peut tuer l'Etat fans tuer un feul de fes membres: or, la guerre ne donne aucun droit qui ne foit nécessaire à fa fin. Ces principes ne font pas ceux de Grotius; ils ne font pas fondés fur des autorités de Poëtes, mais ils dérivent de la nature des chofes, et font fondés fur la raifon.

A l'égard du droit de conquête, il n'a d'autre fondement que la loi du plus fort. Si la guerre ne donne point au vainqueur le droit de maffacrer les peuples vaincus, ce droit qu'il n'a pas, ne peut fonder celui de les affervir. On

n'a le droit de tuer l'ennemi que quand on ne peut le faire efclave; le droit de le faire efclave ne vient donc pas du droit de le tuer: c'est donc un échange inique de lui faire acheter au prix de sa liberté fa vie fur laquelle on n'a aucun droit. En établiffant le droit de vie et de mort fur le droit d'efclavage, et le droit d'esclavage fur le droit de vie et de mort, n'eft-il pas clair qu'on tombe

dans le cercle vicieux?

En fuppofant même ce terrible droit de tout tuer, je dis qu'un efclave fait à la guerre, ou un peuple conquis, n'eft tenu à rien du tout envers fon maître, qu'à lui obéir autant qu'il y eft forcé, En prenant un équivalent à la vie le vainqueur ne lui en a point fait grace: au lieu de le tuer fans fruit il l'a tué utilement. Loin donc qu'il ait acquis fur lui nulle autorité jointe à la force, l'état de guerre fubfifte entr'eux comme auparavant, leur relation même en est l'effet, et l'usage du droit de la guerre

B

ne fuppofe aucun traité de paix. Ils ont fait une convention; foit: mais cette convention, loin de détruire l'état de guerre, en suppose la continuité.

Ainfi, de quelque fens qu'on envifage les chofes, le droit d'efclavage eft nul, non-seulement parce qu'il eft illégitime, mais parce qu'il eft absurde et ne fignifie rien. Ces mots esclavage et droit, font contradictoires; ils s'excluent mutuellement. Soit d'un homme à un homme, foit d'un homme à un peuple, ce difcours fera toujours également infenfé. Je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j'obferverai tant qu'il me plaira, et que tu obferveras tant qu'il me plaira,

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