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tat aucune loi fondamentale qui ne fe puifle révoquer, non pas même le pacte focial; car fi tous les citoyens s'affembloient pour rompre ce pacte d'un commun accord, on ne peut douter qu'il ne fût très - légitimement rompu, Grotius pense même que chacun peut renoncer à l'Etat dont il eft membre, et reprendre fa liberté naturelle et les biens en fortant du pays a). Or il feroit abfurde que tous les citoyens réunies ne puffent pas ce que peut féparément cha❤ eun d'eux.

a) Bien entendu qu'on ne quitte pas pour éluder fon devoir et fe dispenfer de fervir fa patrie du moment qu'elle a befoin de nous. La fuite alors feroit criminelle et puniffable; ce ne feroit plus retraite, mais défertion.

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Tant que plufieurs hommes réunis fe confidèrent comme un feul Corps, ils n'ont qu'une feule volonté, qui fe rapporte à la commune conservation et an bien-être général. Alors tous les refforts de l'Etat font vigoureux et fimples, fes maximes font claires et lumi'neuses, il n'a point d'intérêts embrouillés, contradictoires, le bien commun se montre partout avec évidence, et ne demande que du bon fens pour être ap

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pergu. La paix, l'union, l'égalité font ennemies des fubtilités politiques. Les hommes droits et fimples font difficiles à tromper à caufe de leur fimplicité, les leurres, les prétextes rafinés ne leur en impofent point: ils ne font pas même affez fins pour être dupes. Quand on voit chez le plus heureux peuple du monde des troupes de payfans régler les affaires de l'Etat fous un chêne et le conduire toujours fagement, pent-on sempêcher de méprifer les rafinemens des autres nations, qui fe rendent illus tres et miférables avec tant d'art et de myftères ?

Un Etat ainfi gouverné a befoin de très-peu de lois, et à mefuré qu'il devient néceffaire d'en promulguer de nouvelles, cette péceflité se voit univerfellement. Le premier qui les propofe ne fait que dire ce que tous ont déja fenti, et il n'eft queftion ni de brigues ai d'éloquence pour faire paffer en loi ce que chacun a déja réfolui de faire, fi

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tot qu'il fera für que les autres le ferom comme lui.

Ce qui trompe les raisonneurs, c'est que ne voyant que des Etats mal conftitués dès leur origine, ils font frappés de l'impoffibilité d'y maintenir une femblable police. Its rient d'imaginer toutes les fottifes qu'un fourbe adroit, un parleur infinuant pourroit perfuader au peuple de Paris ou de Londres. Hs He favest pas que Cromwel eût été mis aux fonnêtes par le peuple de Berne, et fe duc de Beaufort à la difcipline par les Genevois.

Mais quand le noend focial commenee à fe relâcher et l'Etat à s'affoiblir; quand les intérêts particuliers commen cent à fe faire fentir et les petites fociétés à influer fur la grande, L'intérêt com. mun s'altère et trouve des oppofans, l'u nanimité ne régue plus dans les voix, la volonté générale n'eft plus la volonté de tous, il s'élève des contradictions,

des débats, et le meilleur avis ne pafle point fans dispute.

Enfin quand l'Etat près de la ruine ne fubfifte, plus que par une forme illufoire et vaine, et que le lien social est rompu dans tous les coeurs, que le plus vil intérêt se pare effrontément du nom facré du bien public; alors la volonté générale devient muette; tous guidés par des motifs fecrets n'opinent pas plus comme citoyens que fi l'Etat n'eût jąmais exifté, et l'on fait paffer fauffement fous le nom de lois, des décrets iniques qui n'ont pour but que l'intérêt particulier.

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S'enfuit-il de-là que la volonté générale foit anéantie ou corrompue? Non, elle est toujours conftante, inaltérable et pure, mais elle est subordonnée à d'autres qui l'emportent fur elle. Chacan, détachant for intérêt de l'intérêt commun, voit bien qu'il ne peut l'en féparer tout-à-fait, mais fa part du mal public ne lui paroit rien, auprès

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