Page images
PDF
EPUB

bliques et même dans les monarchies, jamais le peuple n'eut des représentans, on ne connoiffoit pas ce mot-là. Il eft très-fingulier qu'à Rome où les tribuns étoient fi facrés, on n'ait pas même imaginé qu'ils puffent ufurper les fonctions du peuple, et qu'au milieu d'une fi grande multitude, ils n'aient jamais tenté de paffer de leur chef un feul plébifcite. Qu'on juge cependant de l'embarras que caufoit quelquefois la foule, par ce qui arriva du temps des Gracques, où une partie des citoyens donnoit fon fuffrage de deffus les toits.

Où le droit et la liberté font toutes chofes, les inconvéniens ne font rien. Chez ce fage peuple tout étoit mis à sa jufte mesure: il laissoit faire à ses licteurs ce que fes tribuns n'euffent ofé faire; il ne craignoit pas que fes licteurs vouluffent le représenter.

Pour expliquer cependant comment les tribuns le repréfentoient quelquefois, il fuffit de concevoir comment le Gou

K

vernement représente le Souverain. La loi n'étant que la déclaration de la volonté générale, il eft clair que dans la puiflance législative le peuple ne peut être repréfenté; mais il peut et doit l'ê-, tre dans la puiffance exécutive, qui n'eft que la force appliquée à la loi. Ceci fait voir qu'en examinant bien les chofes on trouveroit que très-peu de nations ont des lois. Quoi qu'il en foit, il oft sûr que les tribuns n'ayant aucune partie du pouvoir exécutif, ne purent jamais repréfenter le Peuple Romain par les droits de leurs charges, mais feulement en ufurpant fur céux ›du Sént.

par

Chez les Grecs, tout ce que le peuple avoit à faire il le faifoit Juimême. Il étoit fans ceffe affemblé fur, la place, il habitoit un climat doux, il n'étoit point avide, des esclaves faifoient ses travaux, la grande affaire étoit fa liberté. N'ayant plus les mêmes avant tagcs, comment conferver les mêmes

[ocr errors]

droits? Vos climats plus durs vous don nent plus de befoins, a) fix mois de l'année la place publique nleft: pas tena ble, vos langues fourdes ne peuvent fe faire entendre en plein air, vous don nez plus à votre gain qu'à votre liberté, et vous craignez bien moins Lefclavage que la mifère.

Quoi! la liberté ne le maintient qu'à l'appui de la fervitude? Peut-être. Les deux excès fe touchent., Tout ce qui n'est point dans la nature a fes inconvéniens et la fociété civile plus que tout le refte. Il y a telles pofitions malheureufes où l'on ne peut conferver fa liberté qu'aux dépens de celle d'autrui, et où le citoyen ne peut être parfaite K 2.

a) Adopter dans les pays froids le luxe et la molleffe des Orientaux, c'eft vouloir fe donner leurs chaînes, c'eft s'y foumettre encore plus néceffairement qu'eux.

t

ment libre que l'efclave ne foit extrê mement esclave. Telle étoit la position de Sparte. Pour vous, peuples modernes, vous n'avez point d'efclaves, mais vous l'êtes; vous payez leur liberté de la vôtre. Vous avez beau vanter cette préférence, j'y trouve plus de lâcheté que d'humanité.

Je n'entends point par tout cela qu'il faille avoir des efclaves ni que le droit d'efclavage foit légitime, puisque j'ai prouvé le contraire. Je dis feulement les raifons pourquoi les peuples moder nes qui fe croient libres ont des repréfentans, et pourquoi les peuples anciens n'en avoient pas. Quoi qu'il en foit, - à l'inftant qu'un peuple se donne des re préfentans, il n'eft plus libre; il n'eft plus.

Tout bien examiné, je ne vois pas qu'il foit déformais poffible au Souverain de conferver parmi nous l'exercice de fes droits fi la cité n'eft très petite. Mais si elle est très-petite elle sera sub

juguée? Non. Je ferai voir ci-après a) comment on peut réunir la puissance extérieure d'un grand peuple avec la police aifée et le bon ordre d'un petit Etat.

a) C'est ce que je m'étois proposé de faire dans la fuite de cet ouvrage, lorsqu'en traitant les relations ex-. ternes j'en ferois venu aux confédérations. Matière toute neuve et où les principes font encore à établir

« PreviousContinue »