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Ces intervalles de fufpenfion où le Prince reconnoît ou doit reconnoître un fupérieur actuel, lui ont toujours été redoutables, et ces affemblées du peuple, qui font l'égide du Corps politique et le frein du Gouvernement, ont été de tous temps l'horreur des chefs: auffi n'épargnent ils jamais ni soins, ni-objections, ni difficultés, ni promes

fes, pour en rebuter les citoyens.

Quand ceux- ci font avares, lâches, pufillanimes, plus amoureux du repos que de la liberté, ils ne tiennent pas long-temps contre les efforts redoublés du Gouvernement; c'eft ainfi que la force réfiftante augmentant fans ceffe, F'autorité fouveraine s'évanouit à la fin, et que la plupart des cités tombent et périssent avant le temps.

d'Angleterre. La ressemblance de ces emplois eût mis en conflit les confuls et les tribuns, quand même toute jurisdiction eût été fufpendue.

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Mais entre l'autorité fouveraine et le Gouvernement arbitraire, il s'introduit quelquefois un pouvoir moyen dont il faut-parler.

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CHAPITRE X V.

Des Députés ou Repréfentans.

Si-tôt que le fervice public cesse d'être

la principale affaire des citoyens, et qu'ils aiment mieux fervir de leur bourfe que de leur perfonne, l'Etat est déja près de fa ruine. Faut-il marcher au combat? ils payent des troupes et restent chez eux; faut-il aller au confeil? ils nomment des députés et reftent chez eux. A force de pareffe et d'argent ils ont enfin des foldats pour fervir la patrie et des représentans pour lá vendre.

C'eft le tracas du commerce et des arts, c'est l'avide intérêt du gain, c'est la molleffe et l'amour des commodités,

qui changent les fervices perfonnels en argent. On céde une partie de fon profit pour l'augmenter à son aife. Donnez de l'argent et bientôt vous aurez des fers. Ce mot de finance est un mot d'efclave: il eft inconnu dans la Cité. Dans un Etat vraiment libre, les citoyens font tout avec leurs bras et rien avec de l'argent: loin de payer pour s'exempter de leurs devoirs, ils payeroient pour les remplir eux-mêmes. Je fuis bien loin des idées communes, je crois les corvées moins contraires à la liberté que les taxes.

Mieux l'Etat eft conftitué, plus les affaires publiques l'emportent fur les privées dans l'efprit des citoyens. Il y a même beaucoup moins d'affaires privées, parce que la fomme du bonheur commun fourniffant une portion plus confidérable à celui de chaque individu, il lui en refte moins à chercher dans les foins particuliers. Dans une cité bien Conduite chacun vole aux assemblées;

fous un mauvais Gouvernement, nul n'aime à faire un pas pour s'y rendre, parce que nul ne prend intérêt à ce qui s'y fait, qu'on prévoit que la volonté générale n'y dominera pas, et qu'enfin les foins domeftiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mauvaises en amènent de pires. Si-tôt que quelqu'un dit des affaires de l'Etat, que m'importe? on doit compter que l'Etat eft perdu.

L'attiédiffement de l'amour de la Patrie, l'activité de l'intérêt privé, l'immenfité des Etats, les conquêtes, l'abus du Gouvernement ont fait imaginer la voie des députés ou repréfentans du peuple dans les affemblées de la nation. C'est ce qu'en certains pays on ofe appeller le Tiers - Etat. Ainfi, Tintérêt particulier de deux ordres eft mis au premier et fecond rang, l'intérêt public n'est qu'au troisième.

La fouveraineté ne peut être repréfentée, par la même raison qu'elle ne

peut être aliénée; elle confifte effentiellement dans la volonté générale, et la volonté ne fe repréfente, point: elle est la même, ou elle eft autre; il n'y a point de milieu. Les députés du peuple ne font donc ni ne peuvent être les repréfentans, ils ne font que ses commiffaires; ils ne peuvent rien conclure définitivement. Toute loi que le peuple en perfonne n'a pas ratifiée eft nulle; ce n'eft point une loi. Le peuple Anglois penfe être libre; il fe trompe fort, il ne l'eft que durant l'élection des membres du Parlement, fi-tôt qu'ils font élus, il est esclave, il n'eft rien. Dans les courts momens de fa liberté, l'ufage qu'il en fait mérite bien qu'il la perde.

L'idée des représentans eft moderne: elle nous vient du Gouvernement féodal, de cet inique et abfurde Gouvernement dans lequel l'efpèce humaine eft dégradée, et où le nom d'homme est en déshonneur. Dans les anciennes répu

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