même les caufes de fa deftruction. Mais l'un et l'autre peut avoir une constitution plus ou moins robufte et propre à le conferver plus ou moins long-temps. La conftitution de l'homme eft l'ouvrage de la nature, celle de l'Etat eft l'ouvrage de l'art. Il ne dépend pas des hommes de prolonger leur vie, il dépend d'eux de prolonger celle de l'Etat aussi loin qu'il eft poffible, en lui donnant la meilleure conftitution qu'il puisse avoir. Le mieux conftitué finira, mais plus tard qu'un autre, fi nul accident imprévu n'amène la perte avant le temps. Le principe de la vie politique eft dans l'autorité fouveraine. La puillance législative eft le coeur de l'Etat; la puiffance exécutive en eft le cerveau, qui donne le mouvement à toutes les par ties. Le cerveau peut tomber en paralyfie, et l'individu vivre encore. Un homme refte imbécille et vit: mais fitôt que le coeur a cellé fes fonctions, l'animal eft mort. Ce n'eft point par les lois que l'Etat fubfifte, c'est par le pouvoir législatif. La loi d'hier n'oblige pas aujourd'hui, mais le confentement tacite eft présumé du filence, et le Souverain eft cenfé confirmer inceffamment les lois qu'il n'abroge pas, pouvant le faire. Tout ce qu'il a déclaré vouloir une fois, il le veut toujours, à moins qu'il ne le révoque. Pourquoi donc porte-t-on tant de respect aux anciennes lois? C'eft pour cela même. On doit croire qu'il n'y a que l'excellence des volontés antiques qui les ait pu conferver fi long-temps; fi le Souverain ne les eût reconnu conftamment falutaires, il les eût mille fois révoquées. Voilà pourquoi, loin de s'af-t foiblir, les lois acquièrent fans ceffe uner force nouvelle dans tout Etat bien con fitué; le préjugé de l'antiquité les rend chaque jour plus vénérables; au lieu que par-tout où les lois s'affoiblissent en vieillissant, cela prouve qu'il n'y a plus de pouvoir législatif, et que l'Etat ne vit plus. CHAPITRE X I I. Comment fe maintien l'autorité Le Souverain n'ayant d'autre force que la puissance législative, n'agit que par des lois; et les lois n'étant que des actes authentiques de la volonté géné rale, le Souverain ne fauroit agir que quand le peuple est assemblé. Le peuple affemblé, dira-t-on, quelle chimère! C'eft une chimère aujourd'hui, mais ce n'en étoit pas une il y a deux mille ans les hommes ont-ils changé de nature? Les bornes du possible dans les chofes morales font moins étroites que mous ne pensons: ce font nos foibleffes, nos vices, nos préjugés qui les rétréciffent. Les ames baffles ne croient point aux grands hommes: de vils efclaves fourient d'un air moqueur à ce mot de liberté. . Par ce qui s'eft fait confidérons ce qui le peut faire. Je ne parlerai pas des anciennes Républiques de la Grece, mais la République Romaine étoit, ce me femble, un grand Etat, et la ville de Rome une grande ville. ~Le dernier Cens donna dans Rome quatre cent mille Citoyens portant armes, et le dernier dénombrement de l'empire plus de quatre millions de Citoyens, fans compter les fujets, les étrangers, les femmes, les enfans, les esclaves. Quelle difficulté n'imagineroit - on pas d'affembler fréquemment le peuple immense de cette capitale et de ses environs? Cependant il fe paffoit peu de femaines que le peuple Romain ne fût assemblé, et même plufieurs fois. Nonfeulement il exerçoit les droits de la fouveraineté, mais une partie de ceux du Gouvernement. Il traitoit certaines affaires, il jugeoit certaines causes, et tout ce peuple étoit fur la place publique presque auffi fouvent magiftrat que citoyen. En remontant aux premiers temps des nations, on trouveroit que la plûpart des anciens Gouvernemens, même monarchiques, tels que ceux des Macé doniens et des Francs, avoient de semblables confeils. Quoi qu'il en foit, ce feul fait inconteftable répond à toutes les difficultés de l'exiftant au possible la conféquence me paroit bonne, |