fois plus hardi et plus grandiose que celui de ses devanciers et semblait frayer une voie nouvelle; son imagination ardente lui créant un monde idéal où tout sort des proportions ordinaires, l'antique paraissait pâle et froid à l'œil de ce grand maître qui croyait tout animer et tout grandir, qui, séduit par le noble mais dangereux orgueil de n'imiter rien, de n'imiter personne, affectait des formes gigantesques, des poses extraordinaires, des expressions exagérées. Dans ces deux statues, la première surtout, les imitateurs incomplets de Michel-Ange péchent par la grandeur et l'exagération des formes et contre la pureté de la ligne et du contour.

Même défaut de dessin, même incorrection dans cette Résurrection, bas-relief en pierre, sculpté dans la chapelle des fonts de baptême, et d'un ciseau plus moderne et bien inférieur à celui de Ligier.

Sans doute on y découvre des traces d'un ordre rigoureux, des détails ingénieux et élégans; mais il n'est pas à craindre que cette production soit jamais confondue avec celles de l'auteur du sépulcre de Saint-Mihiel et du squelette de Bar, de l'artiste qui enseigne que le dessin doit avoir le pas sur les diverses qualités réclamées par la sculpture.

La prudence légitime le doute, nous saurons toujours donner à nos interprétations le caractère et le mérite de la réserve.

Déjà nous avons vu, dans le sépulcre, combien les draperies de Ligier se distinguent par leur forme facile et élégante et le choix des ornemens; admirons le jeu de son ciseau dans les fantaisies de cette draperie de cheminée, sculptée dans la maison de cure de Ham, village sur la Meuse. L'exécution en est si habile qu'elle fait illusion.

Mais c'est surtout dans le plafond de la maison qu'on dit avoir été habitée par lui, rue Haute-des-Fosses, à SaintMihiel, qu'on remarque ce cachet de délicatesse et de légèreté qui fixe l'attention des artistes, ces broderies minu

tieuses qui existent dans les œuvres du moyen-âge, si démesurées qu'en soient les proportions.

- Tout le luxe de sculpture et de ciselure est déployé dans ce plafond. Si parfois vous vous sentiez quelque lassitude et de l'impatience à suivre l'ouvrier dans ses détours laborieux, la satisfaction qui vous attend au terme de cette course vous aurait bientôt fait oublier les fatigues de la route. Et puis le plus saisissant souvenir des êtres d'élite n'est-il point aux lieux qu'ils ont habités? Qu'importe un marbre taillé d'hier et au bas duquel vous inscrirez leurs noms, quand je puis entrer sous le toit même où ils ont vécu, y chercher quelque émanation de leur vie et de leur âme ? Une statue n'est qu'un hommage rendu à l'homme célèbre, tandis que sa demeure est un souvenir.

Mais de cette sculpture élégante, qui est en quelque sorte la ciselure empruntée aux vases étrusques, passons à la Charité qu'on remarque au bas de l'église Saint-Etienne. La pierre est de la même nature que celle du sépulcre, elle a aussi la couleur de la chair. C'est encore aux modèles anciens que Richier doit cette alliance heureuse et hardie de la beauté et du mouvement. Toujours initié aux mystères de l'art par l'imitation de l'antique et les dons de la nature, il a pu aborder un sujet où il fallait de l'énergie sans craindre de manquer ni de goût ni de puissance.

Cette figure est bien drapée, les plis du vêtement ne sont ni trop lourds ni trop multipliés.

Les enfans sont bien groupés, leur pose est naturelle, leurs mouvemens sont vrais. Cette femme porte bien son fardeau. Dans la flexion latérale des parties supérieures du torse, il y a une observation exacte des lois de la statique. Mais on ne saurait dire combien d'aspects variés, d'horizons nouveaux cette imagination féconde a entrevus dans l'art. C'est une tâche difficile que d'analyser avec détails les diverses tentatives qui témoignent d'une activité infatigable.

Sans doute il existe encore de ce maître d'autres ou