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pendant trois ou quatre jours dans la bergerie, puis on le mène aux champs avec les autres. Quand on a pu faire la ponction du tœenia sans attaquer le cerveau, la guérison devient complète, et on peut garder l'animal aussi longtemps qu'on veut. Un jeune bélier, qui a été opéré avec succès par cette méthode chez Mad, la comtesse de Saur, auprès de Charny, a servi d'étalon pendant un an et a été vendu comme reproducteur au bout de ce temps. J'ai chez moi un roguin qui a été opéré il y a trois mois et qui est parfaitement guéri. Il paraît donc, d'après cela, que le cerveau n'étant plus comprimé reprend son volume ordinaire et que les membranes du tœnia qui restent dans la tête ne nuisent pas à la santé de l'animal. Le mouton que j'ai vu opérer parut peu souffrir de cette grave opération; il se coucha pendant une demi-heure environ, puis alla manger au râtelier.

J'ai été présent à une autre opération qui n'a pas été aussi heureuse que celle dont je viens de parler. Le trois-quarts ayant été enfoncé de trois centimètres, sans apparence de liquide, fut introduit de nouveau et enfoncé d'un centimètre de plus; rien ne paraissant encore, on l'enfonça d'un autre centimètre. Un peu de sérosité sortit cette fois et soulagea tellement l'animal qu'il se mit de suite à manger. Deux jours après, il était si bien portant que je le fis conduire aux champs. Quatre jours après, ou le sixième jour après l'opération, il retomba malade. Je le fis tuer et j'examinai sa tête. Je reconnus que le tœnia se trouvant placé au-dessous du cerveau, il avait fallu percer celui-ci pour atteindre le ver, ce qui avait déterminé les graves accidens que j'avais remarqués. De ces observations je crois pouvoir conclure que toutes les fois qu'on sera assez heureux pour atteindre le tœnia et en faire la ponction sans attaquer le cerveau, l'opération aura un bon résultat et sera suivie d'une guérison complète.

RAPPORT, AU NOM DE LA SECTION DE MÉDECINE, SUR LES DEUX NOTES

CI-DESSUS,

Par M. le docteur DENYS.

Séance du 19 décembre 1851.

M. BAILLY, Votre correspondant, vous a communiqué une méthode de traitement pratiquée avec beaucoup de succès à Châteaurenard, sur les bêtes à laine et à cornes atteintes du Tournis ou tournoiement lourd, par le sieur Jacques Pelletier, ancien berger.

Chargé de vous en rendre compte, je ferai connaître d'abord en quoi consiste cette opération chirurgicale, puis j'y joindrai les observations qui m'auront été suggérées par la nature du sujet,

Vous savez que le Tournis est une maladie presque exclusive aux bêtes à laine et à cornes, dans la seconde année de leur vie, et que cette maladie grave et qui a été sérieusement étudiée, dépend de la présence d'une hydatide dans le cerveau. Quand ce ver est dans l'un des ventricules latéraux, comme il arrive le plus ordinairement, l'animal tourne en baissant le museau vers la terre; au contraire il porte le nez en l'air, si l'hydatide est placée entre le cerveau et le cervelet, ou bien, ce qui est rare, dans les anfractuosités cérébrales au moyen d'un kyste celluleux; de sorte qu'on peut reconnaître le siége de l'acéphalociste d'après les phénomènes présentés par l'animal malade. Logé dans la substance cérébrale où il s'est pratiqué une ouverture par l'écartement et la destruction des circonvolutions, le ver, en se développant, finit par détruire de plus en plus le cerveau; la voûte crânienne est attaquée à son tour, et les os (quelquefois troués!)sont tellement amincis (pl. Ire, fig. 3), qu'ils craquent comme du parchemin sous la pression des doigts. Ce dernier carac

tère sert à déterminer le siége précis de l'hydatide. Tels sont les symptômes du Tournis.

Examinons le procédé opératoire décrit par M. Bailly et pratiqué par Jacques Pelletier. Il consiste à percer le crâne à l'endroit où il est rendu flexible par la présence de l'hydatide, au moyen d'un trois-quarts en acier, de dix centimètres de longueur sur quatre millimètres de diamètre, garni de sa canule en argent et à vider tout le liquide contenu. Chez les béliers qui ont des cornes, on fait la ponction un peu en arrière. Après l'opération, la bête est gardée seulement trois à quatre jours dans la bergerie.

M. Bailly a assisté à trois opérations de ce genre. Un jeune bélier, l'un des sujets opérés avec succès par cette méthode, a été vendu au bout d'un an comme reproducteur. L'autre a été parfaitement guéri. Le troisième a succombé six jours après l'opération à une inflammation cérébrale. L'ouverture de la tête a démontré que la maladie siégeant au-dessous de la cervelle, il avait fallu intéresser celle-ci pour atteindre le mal. Suivant l'opinion de l'opérateur, l'opération réussit toutes les fois qu'on peut vider le kyste sans attaquer le cerveau. Le berger Pelletier, sur cent cinquante bêtes opérées, en aurait guéri au moins quatre-vingts, suivant l'attestation des propriétaires. Vous jugerez de l'importance de cette opération, dit M. Bailly,

puisqu'il s'agit d'une maladie qui fait le désespoir des vétérinaires, et emporte 4 p. % des bêtes à laine et 2 p. % des bêtes à cornes. De sorte qu'en évaluant le nombre des bêtes à laine dans le département du Loiret à 1,200,000 celui des bêtes à cornes à 110,000, cela ferait 48,000 bêtes à laine et 2,000 à cornes enlevées par cette maladie, et représentant une valeur de 600,000 francs. Quel service ne rendrait donc pas l'opération de Jacques Pelletier, qui conserverait au département la moitié de cette valeur, c'est-à-dire une somme de 300,000 fr., qui peut assurer la subsistance de six cents familles composées chacune de cinq personnes ? »

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