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comprenant les deux filets, les bouleaux d'encabanage, les porte-claies, me revient à 2 francs; elle a un mètre sur 66 centimètres de superficie et peut contenir 600 vers, produisant environ un kilogramme de cocons, dont le prix moyen est de 4 francs. Ce matériel peut durer vingt ans; son entretien est presque nul. Mes éducations durent 25 à 28 jours, en les comptant depuis le moment de F'éclosion jusqu'à celui où les vers commencent à filer, et six semaines à peu près, en y comptant le déramage et le débourrage des cocons. Elles réussissent si bien, que je récolte 40 à 50 kil. de cocons par once de graine, c'est presque le double de ce qu'on obtient dans le midi de la France, où la même quantité de graine ne produit pas plus de 25 kil. en moyenne. Cette différence provient de plusieurs causes : 1o de ce que mes éducations sont conduites d'une manière plus rationnelle; 2o de ce que jusqu'à présent j'ai été exempté d'une maladie terrible (la muscardine), qui en moyenne fait périr 15 pour 100 des vers à soie; 3o enfin de ce que mes mûriers croissant dans une position élevée donnent des feuilles d'une qualité supérieure à ceux venant dans les vallées.

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Les cocons que je produis donnent de la soie de première qualité, elle a été vendue cet hiver au prix de 90 francs le kil.; en déduisant de cette somme celle de 20 fr. pour la filature, et de 10 f. pour frais d'éducation et transport des cocons, il resterait encore la somme de 60 francs produite par 100 à 120 kil. de feuilles valant 10 à 12 francs. On voit par ces calculs, dont je puis garantir l'exactitude, que les personnes qui, dans notre département, se livreront à l'industrie séricicole, sont appelées à retirer des terres qu'ils y consacreront le plus beau produit que peut-être jamais l'agriculture ait donné.

Examinons, maintenant, Messieurs, si je ne me trouve pas dans une position exceptionnelle par rapport aux autres propriétaires du département du Loiret. Mes terres fortes, j'en ai l'expérience, peuvent convenir à la culture

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du mûrier; en est-il de même des autres natures de terre? A cette question je répondrai que j'ai vu de magnifiques plantations chez M. le comte Amelot, dans les sables des environs de Nogent-sur- Vernisson; que j'en ai vu d'autres venant également bien chez M. le comte Potier, dans les terres tourbeuses de la vallée du Loing, à Lancy, près Montargis ; qu'il en existe de grandes et nombreuses plantations à Montberneaume, aux environs de Pithiviers, dans des terres calcaires; que j'en ai vu l'année dernière de très-belles chez M. Rattier, au milieu des rochers des environs de Nemours. Ces exemples prouvent que le mûrier a la propriété de venir plus ou moins bien dans toute espèce de terre, et que le climat du département lui convient parfaitement. En ce qui concerne les éducations, mon expérience m'a prouvé qu'avec des moyens simples, faciles à mettre en pratique, peu dispendieux, à la portée de toutes les bourses et de toutes les intelligences, on peut parfaitement réussir. Un avantage que possède le département du Loiret est que la main-d'oeuvre n'y est ni rare, ni chère, ce qui n'existe pas dans le midi de la France, où il faut payer jusqu'à trois francs la journée d'une femme au moment des éducations. On peut d'ailleurs occuper des enfans, des vieillards et des personnes infirmes pour émonder les feuilles et procurer sans fatigue à ces pauvres gens une occupation lucrative.

Je pourrais étayer mon opinion de celle d'un homme très-compétent en industrie séricicole. M. Brunet-Lagrange, inspecteur de l'agriculture, m'a assuré que le département du Loiret convenait si bien, selon lui, pour la production de la soie, que s'il avait à créer un établissement de ce genre, il le choisirait de préférence à tout

autre.

On pourrait m'objecter que, puisque l'industrie séricicole offre tant d'avantages, il est bien étonnant qu'elle ne se soit pas propagée dans le département, et qu'il est plus

étonnant encore que les établissemens qui y ont été créés avec tant de chances de succès aient eu un sort si malheureux.

Je répondrai à cela que rien n'est plus difficile à introduire dans un pays que les nouvelles méthodes de culture, et plus encore les cultures qui, comme celles du mûrier, ne sont pas annuelles et ne peuvent être faites que par les propriétaires résidant dans leurs domaines. On doit se rappeler qu'il a fallu un demi-siècle pour populariser la culture des pommes-de-terre et des prairies artificielles, et que, malgré les efforts de toutes les sociétés savantes et le concours des hommes éclairés, il y a encore quelques localités en France où elles sont inconnues.

Les topinambours, les betteraves, les carottes ne sont encore dans le département que des cultures exceptionnelles et peu répandues; cependant elles sont annuelles ou bisannuelles, à la portée de tous les cultivateurs, et offrent beaucoup d'avantages.

Quant à ce qui concerne l'insuccès des entreprises d'industrie séricicole créées dans le département par MM. le marquis Amelot à la Mi-Voie, le comte de Potier à Lancy, et Boucher à Montberneaume, il provient de circonstances particulières.

M. le marquis Amelot avait créé à grands frais de nombreuses plantations et une magnifique magnanerie. Les premiers produits n'ayant pas répondu à son attente, parce que le soin de ses éducations était confié à des mains étrangères et que l'état de sa santé l'avait obligé à prendre les eaux au moment où sa présence était le plus nécessaire à la Mi-Voie, cela l'a découragé; puis, la mort l'a enlevé à son établissement et à sa famille, qui n'a pas voulu continuer cette industrie. La même cause de décès a mis fin à la magnanerie de M. le comte de Potier. Quant à M. Boucher, l'entreprise qu'il avait formée à Montberneaume était faite par actions pendant la fièvre des associations en commandite, elle n'a jamais eu rien de sérieux,

et c'était, passez-moi l'expression, une véritable flouerie. Il n'est donc pas étonnant, Messieurs, que ces établissemens, qui paraissaient avoir chance de succès, aient échoué complètement. Ce malheureux sort ne provient nullement de l'industrie séricicole elle-même, qui est au contraire très-lucrative; elle provient des causes particulières que je viens d'avoir l'honneur de vous signaler.

En examinant la position actuelle de cette industrie dans le département du Loiret, on la voit réduite à la magnanerie de M. Delamare, sur laquelle je n'ai aucun renseignement précis, et sur l'établissement que j'ai créé aux Motteaux. Elle n'y a donc nullement pris racine, et il se passera probablement de longues années avant qu'elle puisse y être popularisée.

Les propriétaires qui seront désireux de profiter de tous les avantages qu'elle procure doivent d'avance se résigner à subir toutes les conséquences de leurs plantations, c'està-dire à utiliser la feuille en élevant des vers à soie, car ils ne trouveront pas à la vendre. Cette occupation est remplie de charme et d'intérêt, mais elle exige une surveillance continuelle et un peu de fatigue. Elle ne dure, il est vrai, que six semaines, mais ce sont des semaines d'esclavage. Si quelque propriétaire du département se sentait le courage de les affronter soit par patriotisme, soit par intérêt, je me ferais un véritable plaisir de lui donner tous les renseignemens de détail dont il aura besoin pour réussir au gré de ses vœux, et je le ferais profiter de la longue expérience que plus de vingt annés m'ont fait acquérir.

Il serait à désirer que cette belle industrie de la soie pût être introduite dans notre département, car elle répand l'aisance partout où elle a été mise en pratique. Cela profiterait non-seulement aux habitans du Loiret, mais à la France entière: car il ne faut pas oublier qu'elle tire annuellement de l'étranger pour plus de 60 millions de soie grége. Tous les intérêts généraux et particuliers militent donc en faveur de la propagation de cette industrie.

DE LA PROFESSION MÉDICALE, DES SERVICES QU'ELLE REND ET DE CEUX QU'ELLE EST APPELÉE A RENDRE AVEC LE CONCOURS DE LA SOCIÉTÉ ;

Par M. le docteur DENYS.

Séance du 15 mars 1850.

MESSIEURS,

La profession médicale est assurément de toutes les professions dites libérales celle qui a subi le plus de métamorphoses. Corporation, enseignement, exercice, coutume, langage, position, avenir, tout a changé radicalement; c'est au point que si la médecine n'était pas éternellement l'étude de l'homme et de ses maladies, il serait difficile de croire que nous sommes encore dans la même sphère scientifique que nos ancêtres. Mais la science, et c'est le point fondamental, a lié entre les anciens et les modernes d'indestructibles rapports. Malgré une immense solution de continuité, le passé vit en nous, et nous vivons en lui; on ne retrouve plus, il est vrai, l'esprit qui animait les anciennes institutions, cette force de stabilité qui les a maintenues, cette sève ardente et généreuse qui les a vivifiées pendant tant de siècles. La révolution de 89 n'eut pas le temps d'accomplir son œuvre. Elle détruisit l'Université, les colléges, les académies et les Facultés de médecine. La destruction fut complète. Ce qu'il y a de singulier, c'est que la plupart des médecins de cette époque mêlèrent leurs voix au souffle de la tempête, tant ils étaient loin de prévoir la distance qu'il y a entre le progrès et la subversion; et comme la raison et le bon sens, quand ils sont méconont d'inévitables vengeances, ils ne tardèrent pas à en ressentir les cruels effets. Plusieurs années de la plus

nus,

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