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de Naples; et qu'il lui suffirait de faire garder, comme il le fit, le rivage de la Toscane lorsque la Corse serait rentrée au pouvoir des Français, et de défendre à Rome de laisser sortir des vivres, pour que la flotte anglaise, bientôt affamée, dút abandonner un si mauvais poste et une position si insignifiante, et être réduite à errer sur la Méditerranée, paisible spectatrice de ses triomphes en Italie, et exclue de tous ses ports, qu'il lui avait fait fermer. Cette guerre guérira sans doute ceux qui voudront bien y penser de l'idée d'attacher une trop grande importance à la prétendue puissance des flottes. La république française a donné un grand exemple en ne se souciant pas de continuer une lutte inégale, dispendieuse et peu concluante sur la mer, et en s'attachant à se rendre maîtresse des continens qu'elle baigne. Cet axióme bannal, qui est maître de la mer l'est de la terre, n'a jamais mérité la fortune qu'il avait faite, et ne peut s'appliquer, avec une apparence de justesse, qu'aux colonies des états qui ont, dirai-je le bonheur, ou le malheur, d'en posséder? car ce grand problême est encore douteux pour les politiques, quoiqu'il ne le soit pas pour les peuples qui veulent être marchands, et qui ne croient pas qu'on puisse être heureux, grand et puissant sans un grand commerce maritime, quoique les Romains l'aient été sans tout cela, et que le résultat final de l'esprit mercantille soit la corruption de toutes les nations', et qu'il les conduise infailliblement à devenir la facile proie des peuples pauvres, mais guerriers. Quoi qu'il en soit, l'escadre anglaise, forte de dix-sept voiles et deux mille hommes de troupes, se présenta, le 21 messidor, devant Porto-Ferraio.

Dans la matinée du 22 messidor (ro juillet), un gros détachement de troupes anglaises parut au-delà du petit pont de la place, unique sortie par la voie de terre, à la distance d'un mille: il occupait le fort ruiné de Saint-JeanBaptiste, et le sommet de la colline. Le débarquement s'était opéré la nuit précédente, hors de la portée des bat

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teries, sur la plage d'Acqua.Viva, limite entre la partie de l'isle qui dépend du grand duc, et celle qui dépend du roi de Naples. Les Anglais établirent aussitót, sur la hauteur qui domine la ville, une batterie et des mortiers d'un gros calibre. Les portes de la ville, du côté de terre, étaient fermées, lorsque deux officiers s'avancèrent, tambour battant, et présentèrent deux lettres adressées au gouverneur: l'une de Gilbert Elliot, vice roi de Corse; l'autre du major Duncan, chef de l'expédition. Le gouverneur assembla surle-champ tous ses officiers, les chefs des départemens, les consuls et vice-consuls des nations étrangères, le magistrat de la commune, et les chefs des principales familles. L'affaire ayant été exposée, on observa qu'un peuple dépourvu de forces correspondantes à celles qu'on lui opposait, n'ayant point de provisions, et pouvant manquer d'eau sous peu de jours, ne pouvait faire aucune résistance. Il fut done résolu à l'unanimité de laisser entrer les troupes anglaises, sous certaines conditions convenues.

Extrait de la lettre de Gilbert Elliot, vice roi de Corse, au gouverneur de Porto-Ferraio.

Bastia, 6 juillet.

MONSIEUR,

« Les troupes françaises ayant occupé la ville et place de Livourne, les canons de la forteresse ayant tiré sur les vaisseaux du roi dans la rade, et les propriétés des sujets de sa majesté à Livourne ayant été violées, malgré la neutralité de son altesse royale le grand duc de Toscane, et malgré les protestations réitérées des Français de la respecter; il y a aussi lieu de croire que les Français ont les mêmes desseins sur la forteresse de Porto-Ferraio, espérant par ce moyen faciliter les hostilités qu'ils méditent contre le royaume de Corse. Ces motifs nous ont déterminés à prévenir les in

tentions des ennemis du roi, aussi hostiles envers son altesse royale qu'à l'égard de sa majesté, en plaçant à Porto-Ferraio une garnison capable de défendre cette place. Notre unique dessein étant d'empêcher l'occupation de cette forteresse et de toute l'isle d'Elbe par les Français, nous vous invitons et intimons, monsieur, de recevoir les troupes de sa majesté qui se présenteront devant la place, avec les conditions suivantes:

« 1. Porto-Ferraio et ses dépendances resteront sous le gouvernement du grand dre: le pavillon toscan ne cessera pas d'y être arboré, et l'administration ne sera altérée en aucune manière. Les personnes, les propriétés et la religion de tous les habitans seront respectées : les commandans anglais veilleront à ce que leurs troupes observent une rigoureuse discipline.

« II. Ies officiers et soldats composant la garnison toscane continueront de faire le service, s'ils le jugent à propos. Tous les employés civils et militaires seront conservés dans leurs emplois, en continuant à se bien conduire.

« III. Les précédentes conditions seront observées exactement et avec la plus parfaite bonne foi, autant que la chose sera compatible avec la sûreté de la place.

« IV. Nous promettons, au nom de sa majesté, de la manière la plus solemnelle, de faire retiver les troupes de sa majesté, et de remettre la place entre les mains de son altesse royale dans l'état où elle se trouve aujourd'hui, à l'époque de la paix, ou aussitôt que tout danger d'invasion de la part des Français aura cessé.

« Si vous vous refusez, monsieur, à des propositions aussi conformes aux intérêts de son altesse royale que justes et nécessaires pour notre cause, l'officier chargé de l'expédition a des ordres et des moyens suffisans pour forcer la place, et dans ce cas l'occupation ne sera limitée par aucune condition.

« Ne doutant pas que votre prudence et votre attache

ment aux véritables intérêts de son altesse royale ne vous portent à consentir au seul expédient qui puisse lui conserver Porto-Ferraio, et éloigner de l'isle d'Elbe le plus cruel desfléaux, j'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite considération et estime, etc. »

Derneur

Articles proposés par le gouverneur et la ville de PortoFerraio, et acceptés le 10 juillet par les commandans des troupes anglaises.

"

ARTICLE PREMIER, Les troupes anglaises seront reçues. dans la place, et les conditions réglées par son excellence le vice-roi Elliot seront pleinement observées, de manière que rien n'altère la loi de neutralité que s'est imposée la Toscane, et qui doit être inviolablement maintenue.

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« II. Dans le cas où il paraîtrait devant cette ville ou devant ce port des troupes ou des vaisseaux des nations en guerre, la garnison ni aucun habitant ne sera astreint à prendre les armes, ni pour le parti des Anglais, ni pour un autre parti.

. III. L'isle d'Elbe, et notamment Porto-Ferraio, étant dépourvus de munitions de bouche, messieurs les commandans des troupes anglaises auront soin d'y faire transporter toutes sortes de vivres, que les habitans pourront acheter afin qu'ils ne soient pas exposés à périr par la famine.

« IV. Le peuple de Porto Ferraio étant très-nombreux et ayant un petit nombre d'habitations, il ne serait pas possible de loger messieurs les militaires anglais dans les maisons particulières. On se flatte que messieurs les commandans auront la bonté de prendre cet objet en considération.

« v. Comme l'arrivée des troupes britanniques a été subite et imprévue, messieurs les commandans sont priés d'aceorder le temps convenable, à l'effet de préparer les quartiers et logemens nécessaires. »

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Le siège de Mantoue et les expéditions secrètes en Corse, tout autrement importantes que cette parade de PortoFerraio, ne s'en continuaient pas moins. La garnison de Mantoue opposait une vive résistance, et faisait des sorties.

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« Le 28, à deux heures du matin, quinze cents hommes de la garnison de Mantoue sortaient par la porte de Cérèse, dans le même temps que trois mille hommes sortaient par Ja porte de Pradella; tous nos avant-postes se retirèrent. L'ennemi était à une portée de pistolet de nos batteries, qu'il espérait déja enlever; mais le brave cinquième bataillon des grenadiers était là. I es généraux Fiorella et Dal*lemagne placent leurs troupes, saisissent le moment favorable, attaquent l'ennemi, le mettent en désordre, et le conduisent, après deux heures de combat, jusqu'aux palissades de la ville. La perte de l'ennemi est de cinq à six cents hommes.

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«Le 29, je comptais faire embarquer huit cents grenadiers, et j'espérais pouvoir m'emparer d'une porte de la ville; mais, les eaux ayant diminué dans vingt-quatre heures de plus de trois pieds, il n'a pas été possible de tenter ce coup de main.

«Le 30, à onze heures du soir, le général Serrurier ordonna au général Murat et à l'adjudant-général Vignole, avec deux mille hommes, d'attaquer la droite du camp retranché des ennemis, dans le temps que le général Dallemagne, à la tête d'une bonne colonne, attaquait la gauche. Le chef de bataillon d'artillerie Andreossi, officier du plus grand mérite, avec cinq chaloupes canonnières qu'il avait armées, alla donner à l'ennemi une fausse alerte; et dans le temps qu'il attirait sur lui tous les feux de la place, les généraux Dallemagne et Murat remplissaient leur mission, et portaient dans les rangs ennemis le désordre et l'épouvante. Le chef de brigade du génie Chasseloup traça, pendant ce temps, à quatre-vingts toises de la place, l'ouverture de la tranchée, sous le feu et la mitraille de l'en

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