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n'aurions pas construits en six mois tout a été culbuté, et un mois de fatigues; de peines, est perdu dans un instant.

« Voilà le premier combat qui a eu lieu entre les deux armées depuis que le nouveau général la commande,

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J'irai bientot attaquer l'escadre autrichienne qui tient le lac de Garda.

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Voici les traits de bravoure qui ont honoré les républicains dans cette affaire.

« Claude Roche, carabinier à la deuxième compagnie de la onzième demi-brigade d'infanterie légère, sauta le premier dans les retranchemens ennemis, tua l'officier; et, sans s'arrêter à sa montre, qui paraissait, ni à ses dépouilles, il se saisit de son sabre nud, en tua un Autrichien, et en fit trois prisonniers.

« Jean Gerrin, de la même compagnie, tombe sur douze Autrichiens, les met en joue: son fusil manque; il se jette sur eux le sabre à la main, coupe le bras au premier; les autres tombent à ses genoux, et se rendent.

« Ardionne, sous-lieutenant de la même compagnie, le même qui, avec une vingtaine d'hommes, s'empara de la pièce de 13 à Borghetto, s'est toujours présenté dans les retranchemens à la tête des carabiniers, à qui son exemple fait affronter tous les dangers.

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J'apprends à l'instant que la garnison de Mantoue a fait une sortie; elle est rentrée plus vite qu'elle n'était sortie, en laissant une cinquantaine de morts. »

Quelques jours avant cette attaque des retranchemens autrichiens, des insurrections s'organisaient dans la Romagne: il fallut les réprimer; et Buonaparte, qu'elles paraissent avoir peu inquiété, en instruisit le directoire le 26 messidor.

Un moine arrivé de Trente a porté la nouvelle dans la

Romagne que les Autrichiens avaient passé l'Adige, débloqué Mantoue, et marchaient à grandes journées dans la Romagne. Des imprimés séditieux, des prédicateurs fanatiques, prêchèrent par-tout l'insurrection: ils organisèrent en peu de jours ce qu'ils appelèrent l'armée catholique et papale; ils établirent leur quartier-général à Lugo, gros bourg de la légation de Ferrare, quoiqu'enclavé dans la Romagne.

« Le général Augereau donna ordre au chef de brigade Pouraillier d'aller soumettre Lugo. Cet officier, à la tête d'un bataillon, arriva devant cette bourgade, où le tocsin sonnait depuis plusieurs heures: il y trouva quelques milliers de paysans. Un officier de grenadiers se porta en avant, en parlementaire. On lui fit signe d'avancer, et un instant après il fut assailli d'une grêle de coups de fusil. Ces misérables, aussi lâches que traîtres, se sauvèrent : quelques centaines sont restés sur la place.

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Depuis cet évènement, qui a eu lieu le 18, tout est rentré dans l'ordre, et est parfaitement tranquille. »

Ce châtiment, infligé aux habitans de Lugo, semblait aux Italiens une chose tout autrement grave qu'au général de l'armée française. Un Bolonais en consigua le récit suivant dans les papiers publics:

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Le premier de ce mois il éclata une révolte sérieuse à Lugo, petite ville du Ferrarois. Une proclamation imprimée fait connaître les prétextes au moyen desquels on l'avait excitée, et l'on cherchait à la répandre. « Les cir« constances critiques dans lesquelles se trouve le peuple «lugois, est-il dit dans cette pièce, par l'invasion des Français dans l'état pontifical, l'enlèvement des subsis«tances, les insultes faites aux personnes, l'ont porté à

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prendre les armes pour la défense de ses saints protec« teurs, du souverain, de l'état et de la patrie : tous doivent « concourir au salut commun dans le commun péril. Il es

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père que tous, aninrés par le zèle pour la religion, l'attache

«ment pour sa sainteté, leur légitime souverain, et l'amour de la patrie, travailleront unanimement au succès d'un si beau dessein, en se rangeant sous les glorieux étendards « de l'église. >>

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Le général Augereau, informé de cet évènement, donna trois heures aux Lugois pour poser les armes, les menaçant, en cas de refus, de marcher contre leur ville, le fer et la flamme à la main,

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Les révoltés méprisèrent cette menace; et ayant appris qu'on envoyait contre eux soixante dragons avec huit officiers, ils se mirent en embuscade pour les massacrer. Ce premier acte hostile leur réussit. Au signal convenu, les dragons surpris essuyèrent un feu vif: cinq furent tués d'abord, les autres prirent la fuite. Deux têtes furent portées à Lugo, et exposées sur la maison publique.

M. le baron Capelleti, chargé, d'affaires d'Espagne, interposa ses bons offices pour sauver cette ville séditieuse, qui semblait vouloir assurer sa ruine par des actes de barbarie. Il se rendit à Lugo, exhorta les habitans à la soumission et à la confiance envers l'armée française, disposée à leur pardonner les excès commis: mais il ne put rien obtenir de ces malheureux égarés par les plus perfides conseils. Alors le général Augereau fit marcher un gros corps de troupes, infanterie et cavalerie, avec des canons et des caissons bien fournis. Une nombreuse phalange de rebelles s'avança. Vendredi matin ils furent attaqués par une colonne de troupes républicaines sur deux points, l'un du côté d'Imola, l'autre du côté d'Argenta. La défense fut terrible et opiniâtre mais, après un combat de trois heures, le désordre se mit dans les bandes rebelles; partie furent taillés en pièces, partie échappèrent par la fuite. On prétend que dans cette action il y a eu plus de mille révoltés tués ou blessés, et environ deux cents Français. La ville fut ensuite cernée, et livrée pendant trois heures aux troupes auxquelles on en avait permis le pillage. Tout a été dévasté ;

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tout individu rencontré les armes à la main a été mís à mort; les femmes et les enfans ont été épargnés.

Samedi matin nous vîmes rentrer dans notre ville l'armée victorieuse, avec un immense butin, qui fut sur-le-champ mis en vente sur notre place. C'était le spectacle d'une des foires les plus riches que l'on eût vues depuis long-temps.

A son retour du quartier-général de Bologne, le générał divisionnaire Augereau a fait répandre dans toute la province laproclamation suivante:

« Vous venez de voir un exemple terrible: le sang fume encore à Lugo..... Lugo calme, Lugo tranquille, aurait été respectée comme vous; elle aurait joui de la paix. Des mères n'auraient point à pleurer leurs fils', des veuves leurs maris, des orphelins les auteurs de leurs jours. Que cette épouvantable leçon vous instruise, et vous apprenne à appré cier l'amitié du Français. C'est un volcan quand il s'irrite; il renverse, il dévore tout ce qui s'oppose à son irruption. Au contraire, il protège, il caresse quiconque cherche en lui son appui. Mais il faut acquérir sa confiance par quelque acte qui lui assure qu'elle ne sera point trahie: depuis trop long-temps et trop souvent on a abusé de sa bonne foi. Voici ce que sa sûreté exige maintenant de vous, et ce que j'ordonne en conséquence.

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ARTICLE PREMIER. Toutes les communautés seront désarmées de toute espèce d'armes à feu, lesquelles seront déposées à Ferrare.

11. Toute personne qui, vingt-quatre heures après lá publication de la présente, n'aura pas déposé ses armes å feu, sera fusillée.

« 111. Toute ville ou village où se trouvera un Français assassiné, sera livré aux flammes.

« IV. Si un habitant est convaincu d'avoir tiré un coup dé fusil sur un Français, il sera fusillé, et sa maison sera brûlée. « V. Si un village s'arme, il sera brúlé.

« VI. Il est défendu de s'attrouper avec ou sans armes. Tout chef de révolte ou d'attroupement sera puni de

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mort. >>

On s'est plu à reprocher à Buonaparte d'avoir laissé le temps et la facilité aux Anglais d'occuper Porto-Ferraio dans l'isle d'Elbe, et de n'y avoir pas envoyé, en arrivant à Livourne, des troupes qui missent cette forteresse et son port à l'abri d'une insulte. A cet égard il est exempt de tout blâme. Porto Ferraio n'importait à aucune de ses opé→ rations; il livrait aux hasards d'un siège un détachement de son armée, des forces duquel il se fût privé sans le moindre but d'utilité. Après l'avoir enfermé dans cette forteresse, il ne pouvait l'y secourir quand les Anglais étaient maîtres de la mer; et eux-mêmes ne s'en emparèrent que par une sorte de forfanterie politique, et pour couvrir de l'apparence d'une expédition, la douleur qu'ils ressentaient de, se voir chassés de Livourne. Renfermés dans PortoFerraio, ils ne pouvaient influer sur le sort de Italie, mais seulement, en restituant ce fort au grand duc, se mé nager les moyens de réacquérir leur influence dans Livourne lorsqu'il plairait aux Français de l'évacuer. C'est peut-être même une faute que leur fit faire leur orgueil ordinaire : car il est douteux que si leur flotie se fût tenue en Corse, les soulèvemens qu'’y excitèrent les relations que les Français y entretinrent de Livourne, et que leur prétendu blocus de ce port ne put jamais empêcher, eussent pu prendre la consistance qu'ils prirent; consistance telle, qu'il leur fallut bientôt enoncer à ce nouveau royaume, et recevoir dans le rocher de l'orto Ferraio leur vice-roi expulsé de Corse avec tous les Anglais, et les recrues d'Allemands et d'émigrés qu'ils y avaient attirés à si grands et si inutiles frais.

Buonaparte savait sans doute mieux que ceux qui ont cru remarquer une faute dans cet acte de sa conduite militaire, que l'isle d'Elbe ne produit que du fer; que les vivres de ses habitans se tirent ou de la Toscane, ou de Rome, ou

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