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dans le nombre précédemment arrêté par le général commandant la place.

« Tous les étrangers qui ne justifieront point du motif valable de leur résidence à Milan par des certificats authentiques tant des autorités de leur pays que de celles de Milan actuellement existantes et en fonctions, tous les gens sans aveu ou non domiciliés, sont tenús d'en sortir dans vingt-quatre heures également, sous les peines portées dans l'article précédent, tant pour eux que pour ceux qui les receleraient; il leur sera accordé des passe-ports, où seront désignés leurs noms, leur âge, la profession qu'ils exercent, le lieu de leur naissance, celui qu'ils ont choisi pour se retirer, et il en sera tenu un registre exact par la municipalité de Milan. Ces mêmes étrangers et personnes comprises dans la mesure ci-dessus ne pourront résider dans tout l'arrondissement de Milan: et seront réputés leurs complices tous ceux qui leur auront donné asyle, en contravention aux ordres du général commandant.

<<< Tout rassemblement ou attroupement quelconque sera à l'heure même dissous par la force armée; tous ceux qui en auraient été les instigateurs ou les chefs, arrêtés, seront traduits aux prisons de la ville, et jugés militairement dans l'espace de vingt-quatre heures.

"Toute société, club ou aggregation politique, sous quelque dénomination qu'elle puisse exister, est et demeure dissoute jusqu'à nouvel ordre; défenses sont faites à tous propriétaires, cafetiers, cabaretiers, aubergistes, de souffrir le moindre rassemblement ou conciliabule secret dans aucun lieu de leurs maisons, sous les mêmes peines ci dessus énoncées.

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Les bons citoyens sont invités au calme et à la confiance: ils doivent se reposer, pour la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés, sur les principes de justice consacrés par la nation française, tant de fois reproduits par le général en chef de l'armée d'Italie, et par le commissaire du directoire exécutif près de, la même armée, ainsi que sur

les armes triomphantes des guerriers qui ont franchi les Alpes et les Pyrénées, traversé le Pô et l'Adda.

« Sont responsables de la pleine et entière exécution de toutes ces mesures d'ordre et de sûreté, individuellement, tous les membres de la municipalité de Milan, tous les officiers de la garde civique de la ville, et particulièrement les chefs, les membres du congrès d'état actuellement en exercice, les tribunaux de justice, le clergé, et généralement toutes les autorités civiles, ecclésiastiques et militaires, tant de la ville de Milan, que de tous les lieux compris dans son arrondissement.

«La municipalité de Milan, et toutes les autorités des communes faisant partie de son arrondissement, feront imprimer, publier et afficher, par-tout où besoin sera, à leur diligence, et sous leur responsabilité respective, la présente proclamation. »>

Toutes ces précautions, et la célérité de l'exécution faite à Binasco et à l'avie, où Buonaparte avait déployé autant de vigueur que de clémence, calmèrent un incendie près de s'allumer, et prévinrent, au moins pour ce moment, le retour de nouvelles et semblables machinations.

Buonaparte suivait la retraite des Autrichiens, lorsque la révolte de Pavie l'avait ramené à Milan; et il était trèsimportant qu'elle ne l'occupât pas assez de temps pour en donner trop à ses ennemis. Ils avaient, après la bataille de Lodi, trouvé que le cours de l'Oglio ne leur fournissait pas une barrière suffisamment forte contre les Français, et s'étaient reculés jusqu'au-delà du Mincio, où ils prirent effectivement une excellente position, leur droite appuyée au lac de Garda, et leur gauche à Mantoue. Il ne s'agi sait que de bien défendre le passage du Mincio, et à cet effet toute sa ligne avait été soigneusement garnie de leurs batteries.

Venise, quoiqu'elle eût tout à redouter de l'Autriche, sa voisine, et son ennemie naturelle, quoiqu'intéressée dès

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lors à donner des preuves d'un véritable attachement à la république française, déviait déja de tous les principes qui pouvaient maintenir son gouvernement. Cette république ne pouvait voir une sœur dans la république française; elle n'y voyait qu'une démocratie dont son aristocratie s'accommodait encore moins que des empereurs et des rois. Irrésolue sur le parti qu'elle avait à prendre, effrayée de se livrer à la guerie après une si longue paix, voyant son territoire occupé par les Impériaux, elle crut qu'une feinte neutralite envers la France la sauverait de tous les dangers, et n'entrevit peut-être les succès des Français dans ses états que comme un bouheur, et un moyen de la délivrer plus promptement de deux ennemis. Ie systême de la duplicité, dont s'accommodaient sa faiblesse et son génie, prévalut dans ce sénat, qui était alors bien loin de cet esprit de sagesse et de politique qui lui avait jadis donné tant de

renommée.

:

On souffrait les Français dans Venise, mais on y persécutait leurs partisans dans toutes les affaires qui les concernaient, les Français éprouvaient, ou des lenteurs désespérantes, ou une partialité défavorable, qui contrastait avec l'envoi du noble Quirini à Paris, mais s'accommodait mieux avec l'inconsidération qu'on prodiguait à Venise aux agens de la république française.

Par suite de ce systême, Venise avait laissé occuper aux Autrichiens la forteresse de Peschiera, dont la situation leur était très-importante, et tous les secours secrets, toutes les facilités qu'on pouvait leur procurer, leur étaient sans difficulté ou données, ou laissées prendre.

Buonaparte, qui ne pouvait ignorer ce manège cauteleux, ni s'en plaindre, ou le punir, crut pourtant devoir, avant de poursuivre l'ennemi dans les états de Venise, adresser à son gouvernement et à ses sujets une proclamation dont les derniers mots auraient été mieux entendus par les anciens sénats de Venise qu'ils ne l'ont été par celui-ci, et

leur auraient dicté une conduite bien différente. Telle était

cette proclamation.

Buonaparte, général en chef de l'armée d'Italie, à la république de Venise.

"

Brescia, le 10 prairial, an 4.

« C'est pour délivrer la plus belle contrée de l'Europe du joug de fer de l'orgueilleuse maison d'Autriche, que l'armée française a bravé les obstacles les plus difficiles à surmonter. La victoire, d'accord avec la justice, a couronné ses efforts. Les débris de l'armée ennemie se sont retirés au-delà du Mincio. L'armée française passe, pour les poursuivre, sur le territoire de la république de Venise; mais elle n'oubliera pas qu'une longue amitié unit les deux républiques. La religion, le gouvernement, les usages, les propriétés, seront respectés ; que les peuples soient sans inquiétude, la plus sévère discipline sera maintenue : tout ce qui sera fourni à l'armée sera exactement payé en argent.

"

« Le général en chef engage les officiers de la république de Venise, les magistrats et les prêtres, à faire connaître ses sentimens au peuple, afin que la confiance cimente l'amitié qui depuis long-temps unit les deux nations.

« Fidèle dans le chemin de l'honneur comme dans celui de la victoire, le soldat français n'est terrible que pour les ennemis de sa liberté et de son gouvernement. »

Il était dès la veille à Brescia, préparant les dispositions qui devaient terminer le sort de l'armée de Beaulieu. Mais laissons-le décrire le

PASSAGE DU MINCIO et COMBAT DE BORGHETTO.

« J'ORDONNAI, dit-il, au général de division Kilmaine de se rendre, avec quinze cents hommes de cavalerie et six

bataillons de grenadiers, à Desinzanno. J'ordonnai au général Rusca de se rendre, avec une demi brigade d'infanterie légère, à Salo. Il s'agissait de faire croire au général Beaulieu que je voulais le tourner par le haut du lac, pour lui couper le chemin du Tyrol en passant par Riva. Je tips toutes les divisions de l'armée en arrière, de sorte que la droite, par où je voulais véritablement attaquer, se trouvait à un jour et demi de marche de l'ennemi. Je la plaçai derrière la rivière de Chiusa, où elle avait l'air d'être sur la défensive, tandis que le général Kilmaine allait aux portes de Peschiera, et avait tous les jours des escarmouches avec les avant-postes ennemis, dans une desquelles fut tué le général autrichien Lieptay.

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Le 10, la division du énéral Augereau remplaça à Munj?. Desinzanno celle du général Kilmaine, qui rétrograda à Lonado, et arriva la nuit à Castiglione. Le général Massena se trouvait à Monte-Chiaro, et le général Serrurier à Montze. A deux heures après minuit, toutes les divisions se mirent en mouvement, toutes dirigeant leur marche sur Borghetto, où j'avais résolu de passer le Mincio. L'avantgarde ennemie, forte de trois à quatre mille hommes et de dix-huit cents chevaux, défendait l'approche de Borghetto. Notre cavalerie, flanquée par nos carabiniers et nos grenadiers, qui, rangés en bataille, la suivaient au petit trot, chargea avec beaucoup de bravoure, mit en déroute la cavalerie ennemie, et lui enleva une pièce de canon. L'ennemi s'empressa de passer le pont et d'en couper une arche; l'artillerie légère engagea aussitôt la canonnade. L'on raccommodait avec peine le pont sous le feu des batteries de l'ennemi, lorsqu'une cinquantaine de grenadiers impatiens se jettent à l'eau, tenant leurs fusils sur leurs têtes, ayant de l'eau jusqu'au menton. Le général Gardanne, grenadier pour la taille comme pour le courage, était à leur tête. Les soldats ennemis croient revoir la terrible colonne du pont de Lodi; les plus avancés lâchent le pied. On raccommode alors le pont avec facilité; et nos grenadiers, dans un seul

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