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C'étoit-là, ce me femble, une parité bien réconnue, entre les droits de Chamos, & ceux du Dieu d'Ifraël?

Mais quand les Juifs, foumis aux Rois de Babilone, & dans la fuite aux Rois de Sirie voulurent s'obstiner à ne réconnoît re aucun autre Dieu que le leur, ce réfus, régardé comme une rébellion contre le vainqueur, leur attira les perfécutions qu'on lit dans leur hiftoire, & dont on ne voit aucun autre exemple avant le Chriftianifme.*

Chaque Religion étant donc uniquement attachée aux loix de l'État qui la prefcrivoit, il n'y avoit point d'autre maniere de convertir un peuple que de l'affervir, ni d'autres Miffionnaires que les Conquerants, & l'obligation de changer de culte étant la loi des vaincus, il falloit commencer par vain cre avant d'en parler. Loin que les hommes combatiffent pour les Dieux, c'étoient comme dans Homére, les Dieux qui com

* 11 eft de la derniere évidence que la guerre des Phociens, appellée guerre facrée, n'étoit point une guerre de Réligion. Elle avoit pour objet de punir des facrilléges, & non de foumettre des mécréans,

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battoient pour les hommes; chacun demand doit au fien la victoire, & la payoit par de nouveaux autels. Les Romains avant de prendre une place fommoient les Dieux de l'abandonner; & quand ils laiffoient aux Tarentins leurs Dieux irrités, c'eft qu'ils regardoient alors ces Dieux, comme foumis aux leurs, & forcés de leur faire hommage: ils laiffoient aux vaincus leurs Dieux comme ils leur laiffoient leurs loix. Une couronne au Jupiter du Capitole, étoit fouvent le feul tribut qu'ils impofoient.

Enfin les Romains, ayant étendu avec leur empire, leur culte & leurs Dieux, & ayant fouvent eux-mêmes adopté ceux des vaincus, en accordant aux uns & aux autres le droit de Cité, les peuples de ce vafte Empire fe trouverent invifiblement avoir des multitudes de Dieux & de cultes, à peu près les mêmes par-tout; & voilà comment le Paganisme ne fut enfin, dans le monde connu, qu'une feule & même Réligion.

Ce fut dans ces circonftances que Jéfus vint établir fur la terre un Royaume Spiri

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tuel, ce qui, feparant le fyftême théologi que du fyftême politique, fit que l'État cef fa d'être un, & caufa les divifions intefti nes qui n'ont jamais ceffé d'agiter les peuples chrétiens. Or cette idée nouvelle d'un royaume de l'autre monde n'ayant pû jamais entrer dans la tête des Payens, ils regarderent toujours les Chrétiens comme de vrais rebelles, qui fous une hipocrite foumiffion, ne cherchoient que le moment de fe rendre indépendans & maîtres, & l'ufurper adroitement l'autorité qu'ils feignoient de refpecter dans leur foibleffe. Telle fut la caufe des perfécutions.

Ce que les payens avoient craint eft arrivé; alors tout a chngé de face, les humbles Chrétiens ont changé de langage, & bientôt on a vu ce prétendu royaume de l'autre monde devenir, fous un chef vifible, le plus violent defpotifme dans celui-ci.

Cependant, comme il y a toujours eu un Prince & des loix civiles, il a réfulté de cette double puiffance un perpétuel conflit de jurifdiction, qui a rendu toute bonne poli

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tie impoffible dans les États chrétiens, & l'on n'a jamais pu venir à bout de sçavoir auquel, du Maître ou du Prêtre, on étoit obligé d'obeir.

Plufieurs Peuples cependant, même dans l'Europe ou à son voisinage, ont voulu conferver ou rétablir l'ancien fyftême, mais fans fuccès; l'efprit du Chriftianisme a tout gagné. Le culte facré eft toujours resté ou redevenu indépendant du Souverain, & fans liaifon néceffaire avec le corps de l'État. Mahomet eut des vues très-faines, il lia bien fon fyftême politique, & tant que la forme de fon Gouvernement fubfifta fous les Caliphes fes fucceffeurs, ce Gouvernement fut exactement un & bon en cela. Mais les Arabes devenus floriffants, lettrés, polis, mous & lâches, furent fubjugués par des barbares; alors la divifion entre les deux puiffances recommença ; quoiqu'elle foic moins apparente chez les Mahometans que chez les Chrétiens, elle y eft pourtant, furtout dans la Secte d'Ali, & il y a des États, tels que la Perfe, où elle ne ceffe de se fai Le fentit.

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Parmi nous, les Rois d'Angleterre fe for établis chets de l'Églife; autant en ont fait les Czars, mais par ce titre ils s'en font moins rendus les maîtres que les miniftres: ils ont moins acquis le droit de la changer, que le pouvoir de la maintenir; ils n'y font pas Légiflateurs, ils n'y font que Princes. Partout où le Clergé fait un Corps, * il est maître & Législateur dans fa patrie. Il y a donc deux Puiffances, deux Souverains en Angleterre & en Ruffie, tout comme ailleurs.

De tous les Auteurs Chrétiens le Philofophe Hobbes eft le feul qui ait vû le mal & le reméde, qui ait ofé propofer de réunir les deux têtes de l'aigle, & de tout ramener à l'unité politique, fans laquelle jamais État

* Il faut bien remarquer que se ne font pas tant des affemblées formelles, comme celles de France, qui liens le Clergé, en un corps, que la communion des Eglifes. I a Communion & l'Excommunication font le pace focial de Clergé, pace avec lequel il fera toujours le maitre des Peuples & des Rois. Tous les Prêtres qui communiquent enfemble font concitoyens, fuffent-ils des deux bouts du monde. Cette invention eft un chef-d'œuvre en politique. Il n'y avoit rien de femblable parmi les Prêtres Payensi auffi n'ont-ils jamais fait un Corps de Clergé.

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