fureur dans le Royaume de France, y fur aboli par ces feuls mots d'un Edit du Rci; quand à ceux qui ont la lâcheté d'appeller des feconds. Ce jugement prévenant celui du public, le détermina tout d'un coup. Mais quand les mêmes Edits voulurent pronon cer que c'étoit auffi une lâcheté de fe battre en duel, ce qui eft très-vrai, mais contraire à l'opinion commune, le public fe moqua de cette décifion, fur laquelle fon jugement étoit déjà porté. J'ai dit ailleurs que l'opinion publique, n'étant point foumise à la contrainte, il n'en falloit aucun veftige dans le tribunal établi pour la repréfenter. On ne peut trop admirer avec quel art ce reffort, entierement perdu chez les modernes, étoit mis en œuvre chez les Romains, & mieux encore chez les Lacédémoniens. Un homme de mauvaises mœurs; ayant ouvert un bon avis dans le Confeil de Sparte, les Ephores, fans en tenir compte, firent * Je ne fais qu'indiquer dans ce Chapitre ce que j'ai traité plus au long dans la Lettre à M. d'Alembert. propofer le même avis par un Citoyen vertueux. Quel honneur pour l'un, quelle note pour l'autre, fans avoir donné ni louange ni blâme à aucun de deux ! Certains ivroghes de Samos fouillerent le Tribunal des Ephores: le lendemain par Edit public, il fut permis aux Samiens d'être des vilains. Un vrai châtiment eût été moins févere, qu'une pareille impunité. Quand Sparte a prononcé fur ce qui eft ou n'eft pas honnête, la Grece n'appelle pas de fes jugemens, CHAPITRE VHI. De la Religion civile. LEShor EShommes n'eurent point d'abord d'autres Rois que les Dieux, ni d'autre Gouvernement que le Théocratique. Ils firent le rai-fonnement de Caligula, & alors ils raisonnoient jufte. Il faut une longue altération de fentiments & d'idées, pour qu'on puiffe fe réfoudre à prendre fon femblable pour maître, & fe flater qu'on s'en trouvera bien. De cela feul qu'on mettoit Dieu à la tête de chaque fociété politique, il s'enfuivit qu'il y eut autant de Dieux que de peuples. Deux peuples étrangers l'un à l'autre, & prefque toujours ennemis, ne purent long-tems réconnoître un même maître: deux armées fe livrant bataille ne fçauroient obéir au même Chef. Ainfi des divifions nationalles réfulta le polithéifme, & de là l'intolérance théologique & civile, qui naturellement eft la même, comme il fera dit ci-après. =་ La fantaifie qu'eurent les Grecs de retrou ver leurs Dieux chez les peuples barbares, vintde celles qu'ils avoient auffi de fe regar der comme les Souverains naturels de ces peuples. Mais c'eft de nos jours une érudi tion bien ridicule que celle qui roule fur l'identité des Dieux de diverfes nations; comme fi Moloch, Saturne & Chronos pouvoient être le même Dieu; comme si le Baal des Phéniciens, le Zéus des Grecs, & le Jupiter des Latins pouvoient être le même; comme s'il pouvoit refter quelque chofe commune à des êtres chimériques, portant des noms différens! Que fi l'on demande, comment dans le Paganisme, où chaque Etat avoit fon culte & les Dieux, il n'y avoit point de guerres de Réligion, Je répons que cétoit par cela même que chaque Etat ayant fon culte propre, auffi-bien que fon Gouvernement, ne distinguoit point ses Dieux de fes loix. La guerre politique étoit auffi théologique: les départements des Dieux étoient, pour ainsi dire, fixés par les bornes des na nions. Le Dieu d'un peuple n'avoit aucun droit fur les autres peuples. Les Dieux des Payens n'étoient point des Dieux jaloux ; ils partageoient entr'eux l'empire du monde: Moyfe même, & le Peuple Hébreu se prêtoient quelquefois à cette idée, en parlant du Dieu d'Ifraël. Ils regardoient, il est vrai, comme nuls les Dieux des Cananéens, peu ples profcrits, voués à la deftruction, & dont ils devoient occuper la place; mais voyez comment ils parloient des Divinités des peuples voisins qu'il leur étoit défendu d'attaquer. La poffeffion de ce qui appartient à Chamos votre Dieu, disoitJephté aux Ammonites, ne vous eft-elle pas légitimément due? Nous poffedons au même titre les terres que notre Dieu vainqueur s'eft acquifes.*. Nonne ea quæ poffidet Chamos Deus tuus tibi jure debentur? Tel eft le Texte de la Vulgate. Le P. de Carrieres a traduit: Ne croyez-vous pas avoir droit de poffeler ce qui appartient à Chamos votre Dieu ? J'ignore la force du Texte Hébreu; mais je vois que dans la Vulgate Jephté réconnoit pofitfvement le Droit du Dieu Chamos, & que le Traducteur Français affoibli cette réconnoiffance par un felon vous qui n'eft pas dans le latin. |