Page images
PDF
EPUB

pofitions malheureufes où l'on ne peut con ferver fa liberté qu'aux dépens de celle d'autrui, & où le citoyen ne peut être parfaitement libre, que l'efclave ne foit extrêmement efclave. Telle étoit la position de Sparte. Pour vous, peuples modernes, vous n'avez point d'efclaves, mais vous l'êtes; vous payez leur liberté de la vôtre. Vous avez beau vanter cette préference; j'y trouve plus de lâcheté que d'humanité.

Je n'entends point par tout cela qu'il faille avoir des efclaves ni que le droit d'efclavage foit légitime, puifque j'ai prouvé le contraire. Je dis feulement les raifons pourquoi les peuples modernes, qui fe croyent libres, ont des Représentans, & pourquoi les peuples anciens n'en avoient pas. Quoi qu'il en foit, à l'infant qu'un peuple fe donne des repréfentants, il n'eft plus libre, il n'eft plus.

Tout bien examiné, je ne vois pas qu'il foit déformais poffible au Souverain de conferver parmi nous l'exercice de fes droits, fi la Cité n'est très petite. Mais fi elle est très petite elle fera fubjuguće? Non. Je ferai

*

voir ci-après comment on peut réunir la puiffance extérieure d'un grand Peuple avec la police aifée & le bon ordre d'un petit Etat.

* C'eft ce que je m'étois propofé de faire dans la fuite de cet ouvrage, lorfqu'en traitant des rélations externes j'en ferois venu aux confédérations: matiere toute neuve & où les principes font encore à établir.

CHAPITRE XVI.

Que l'Inftitution du Gouvernement n'est point un Contrat.

LE

E pouvoir législatif une fois bien établi, il s'agit d'établir de même le pouvoir exécutif; car ce dernier, qui n'opere que par des Actes particuliers, n'étant pas de l'effence de l'autre, en eft naturellement féparé. S'il étoit poffible que le Souverain, conLidéré comme tel, eût la puiffance exécutive, le droit & le fait feroient tellement confondus qu'on ne fçauroit plus ce qui est loi & ce qui ne l'eft pas, & le corps politique ainsi dénaturé feroit bien-tôt en proie à la violence contre laquelle il fut inftitué.

Les Citoyens étant tous égaux par le Contrat Social, ce que tous doivent faire tous peuvent le prefcrire ; au lieu que nul n'a droit d'exiger qu'un autre faffe ce qu'il ne fait pas lui-même. Or c'eft proprement ce droit, indispensable pour faire vivre & mouvoir le corps politique, que le Souverain donne

au Prince; en instituant le Gouvernement? Plufieurs ont prétendu que l'acte de cet élablissement étoit un contrat entre le Peuple & les chefs qu'il fe donne; contrat par le quel on ftipuloit entre les deux parties les conditions fous lefquelles l'une s'obligeoit à commander & l'autre à obéir. On conviendra, je m'assure, que voilà un étrange ma◄ niere de contracter! Mais voyons fi cette opinion est soutenable.

Premierement l'autorité fûpreme ne peut pas plus fe modifier que s'aliéner: la limiter c'eft la détruire. Il eft abfurde & contradictoire que le Souverain fe donne un fupérieur; s'obliger d'obéir à un maître c'est se remettre en pleine liberté.

De plus, il est évident que ce contrat du peuple avec telles perfonnes, feroiet un acte pprticulier. D'où il fuit que ce contrat ne fçauroit être une loi ni un acte de fouveraineté, & que par conféquent il feroit illégitime.

On voit encore que les parties contractantes feroient entre elles fous la feule loi

de nature & fans aucun garant de leurs engagemens réciproques, ee qui répugne de toutes manieres à l'état civil: celui qui a la force en main étant toujours le maître de l'exécution, autant voudroit donner le nom de contrat à l'acte d'un homme qui diroit à un autre; Je vous donne tout mon bien „, à condition que vous m'en rendrez ce qu'il vous plaira.

"

[ocr errors]
[ocr errors]

Il n'y a qu'un Contrat dans l'État; c'est celui de l'affociation; & celui-là feul en exclud tout autre. On ne fçauroit immaginer aucun Contrat public, qui ne fût une viola tion du premier.

« PreviousContinue »