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fes membres puiffent agir de concert & ré pondre à la fin pour laquelle il est institué, il lui faut un moi particulier, une fenfibilité commune à ses membres, une force, une volonté propre qui tende à fa conservation, Cette existence particuliere suppose des affemblées, des confeils, un pouvoir de délibérer, de réfoudre, des droits, des titres; des priviléges qui appartiennent au prince exclusivement; & qui rendent la condition du magiftrat plus honorable à proportion qu'elle eft plus penible. Les difficultés font dans la maniere d'ordonner dans le tout ce tout fubalterne, de forte qu'il n'altere point la conftitution générale en affermiffant la fienne, qu'il diftingue toujours fa force particuliere, destinée à sa propre conservation, de la force publique destinée à la confervation de l'Etat, & qu'en un mot il foit toujours prêt à facrifier le Gouvernement au peuple & non le peuple au Gouvernement.

D'ailleurs, bien que le corps artificiel du Gouvernement foit l'ouvrage d'un autre corps artificiel, & qu'il n'ait en quelque forte qu'une vie empruntée & fubordonnée,

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cela n'empêche pas qu'il ne puisse agir avec plus ou moins de vigueur ou de célérité, jouir, pour ainfi dire, d'une fanté plus ou moins robuste. Enfin, fans s'éloigner direc tement du but de son institution, il peut s'en écarter plus ou moins, felon la maniere dont il est conftitué.

C'est de toutes ces différences que naissent les rapports divers que le Gouvernement doit avoir avec le corps de l'État, felon les rapports accidentels & particuliers par lefquels ce même État est modifié. Car fouvent le Gouvernement le meilleur en foi deviendra le plus vicieux, fi fes rapports ne font altérés felon les défauts du corps Politique auquel il appartient,

CHAPITRE II.

Du principe qui conftitue les diverfes formes de Gouvernement.

POUR expofer la caufe générale de ces

différences, il faut diftinguer ici le Prince & le Gouvernement, comme j'ai diftingué ci-devant l'État & le Souverain.

Le corps du magiftrat peut être compofé d'un plus grand ou moindre nombre de membres. Nous avons dit que le rapport du Souverain aux fujets étoit d'autant plus grand, que le peuple étoit plus nombreux, & par une évidente analogie nous en pouvons dire autant du Gouvernement à l'égard des magistrats.

Or la force totale du Gouvernement étant toujours celle de l'État, ne varie point: d'ou il fuit que plus il ufe de cette force fur fes propres membres, moins il lui en reste pour agir fur tout le peuple.

Donc plus les magiftrats font nombreux, plus le Gouvernement eft foible. Comme

cette maxime est fondamentale, appliquonsnous à la mieux éclaircir.

Nous pouvons diftinguer dans la personne du Magiftrat trois volontés effentiellement différentes. Premierement la volonté propre de l'individu, qui ne tend qu'à fon avantage particulier; fecondement la volonté commune des Magiftrats, qui se rapporte uniquement à l'avantage du Prince & qu'on peut appeller volonté de corps, laquelle eft générale par rapport au Gouvernement, & particuliere par rapport à l'État, dont le Gouvernement fait partie; en troisieme lieu la volonté du peuple ou la volonté fouveraine, laquelle eft générale, tant par rapport à l'État confidéré comme le tout, que par rapport au Gouvernement confidéré comme partie du tout.

Dans une légiflation parfaite, la volonté particuliere ou individuelle doit être nulle, la volonté de corps propre au Gouvernement très-subordonnée, & par confequent la volonté générale ou fouveraine toujours dominante & la regle unique de toutes les

autres.

Selon l'ordre naturel, au contraire, ces 'différentes volontés deviennent plus actives à mesure qu'elles fe concentrent. Ainfi la volonté générale est toujours la plus foible; la volonté de corps a le fecond rang, & la volonté particuliere le premier de tous: de forte que dans le Gouvernement chaque membre est premiérement foi-même, & puis Magiftrat, & puis Citoyen. Gradation directement oppofée à celle qu'exige l'ordre focial.

Cela pofé, que tout le Gouvernement foit entre les mains d'un feul homme; voilà la volonté particuliere & la volonté de corps parfaitement réunies, & par conféquent celle-ci au plus haut dégré d'intensité qu'elle puisse avoir. Or, comme c'est du degré de la volonté que dépend l'ufage de la force, & que la force abfolue du Gouvernement ne varie point, il s'enfuit que le plus actif des Gouvernements eft celui d'un feul.

Au contraire, uniffons le Gouvernement à l'autorité legislative; faisons le Prince du Souverain, & de tous les Citoyens autant

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