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rent l'opinion que le filet cervical transmet une influence qu'il puise dans la portion de la moelle comprise entre la première ou la deuxième vertèbre du cou et les premières dorsales, région à laquelle ils ont donné le nom de cilio-spinale. Ils reconnurent que la galvanisation de la moelle, à diverses hauteurs, sur un point quelconque de cette région, produit les mêmes effets que celle du filet cervical lui

même.

Les effets de la section du sympathique, sur les mouvements de l'iris, prouvent l'influence motrice de ce nerf, sur une foule de parties contractiles; mais ils ne sont pas pour cela d'une explication des plus simples. On conçoit le resserrement de l'iris à la suite de la section du filet cervical, en admettant que l'iris a deux espèces de fibres ou deux muscles, animés par deux sortes de nerfs, un muscle constricteur à fibres circulaires et un muscle dilatateur à fibres radiées. Celui-ci tirant sa motilité du grand sympathique, doit se paralyser à la suite de la section du filet cervical, par conséquent laisser alors le constricteur agir seul et resserrer la pupille.

Cette action du sympathique sur la contractilité de la pupille n'est qu'un cas particulier de l'action que ce nerf exerce sur les mouvements organiques involontaires. Il est facile de voir que la contraction de l'intestin, de l'utérus, celle des canaux excréteurs, des vaisseaux, etc., doit en dépendre plus encore que celle du cœur, de l'estomac, de la vessie. On en donnerait la preuve expérimentale s'il était possible d'agir sur les divisions nerveuses de ces organes comme on le fait sur le filet cervical.

D'après ce qu'on sait sur l'origine de la puissance du filet cervical on peut présumer que les filets qui se distribuent au cœur, à l'estomac, à l'intestin, aux uretères, puisent leur activité dans les parties correspondantes de la moelle épinière.

L'influence, exercée par le sympathique sur la circulation, dérive de celle qu'il exerce sur la contractilité des muscles lisses ou involontaires. Comme les vaisseaux, notamment les artères, ont des fibres musculaires dans leurs parois, ils se paralysent par suite de la section des nerfs ganglionnaires. Leur paralysie a pour conséquence un relâchement considérable des tuniques; de là la dilatation outrée des artères et des veines, leur turgescence, l'injection des capillaires, en un mot les modifications qui caractérisent la congestion morbide, modifications que Pourfour du Petit, Dupuy et tous les expérimentateurs ont notées à la conjonctive, à l'oreille, aux réseaux sous-cutanés, à la suite de la section du filet cervical et que M. Bernard a signalées à la plèvre après la section des ganglions thoraciques, au péritoine, à l'intestin, après celle des ganglions semi-lunaires. Dans ces conditions j'ai constaté moi-même plusieurs fois l'hypérémie du péritoine et de l'intestin, mais je me suis assuré qu'elle tient, en grande partie, à l'action de l'air, sur la séreuse abdominale. Cependant, d'après quelques physiologistes, Schiff, Ludwig, entre autres, les nerfs moteurs des vaisseaux dériveraient non point des ganglions du sympathique, mais directement de la moelle. Ils se fondent d'une part sur ce que la section de la moelle, dans la région cervicale, a pour résultat la dilatation ou la paralysie apparente des vaisseaux dans tout l'organisme, et d'autre part, sur la contraction des vaisseaux par le fait de la galvanisation du segment caudal de la moelle. Mais cela ne me paraît pas une très-bonne démonstration, car la section de la moelle doit aussi bien affaiblir l'action des nerfs sympathiques que celle des vaso-moteurs que

l'on suppose étrangers à ces derniers. D'ailleurs, si les artères du système musculaire et en général des organes de la vie animale ont des nerfs moteurs ajoutés à ceux du sympathique, les vaisseaux des organes de la vie végétative n'en ont guère besoin tant les nerfs ganglionnaires qui les enlacent sont nombreux et d'un grand volume. (Fig. 19.)

En même temps que la section du filet cervical du sympathique paralyse les vaisseaux d'une moitié de la tête et du cou, en leur permettant d'arriver à une distension outrée, hypérémique, elle donne lieu à une élévation considérable de la température dans toutes les parties où se distribuent les vaisseaux dilatés. Cet effet se produit très-rapidement à la peau, dans les parties sous-jacentes, et il peut s'étendre, d'après M. Cl. Bernard (1), jusqu'au cerveau. Il dure, en général, assez longtemps, quelquefois deux, quatre, six semaines et même, comme l'a vu ce savant physiologiste, un an et demi après l'opération. L'accroissement de température est quelquefois de 4 à 5 degrés: on en juge en portant la boule du thermomètre, soit sous la peau, soit dans l'hiatus auditif. Il se manifeste chez tous les animaux sans exception je l'ai constaté un grand nombre de fois sur le cheval et sur le bélier où il a persisté, en s'affaiblissant, plusieurs semaines et plusieurs mois après la section.

Il est à noter que la section du sympathique n'est pas la seule qui donne lieu à un accroissement de température. J'ai remarqué, en 1854, que la section du pneumogastrique, faite avec précaution, pour éviter la lésion du filet cervical, produit souvent une élévation sensible de la température dans la moitié correspondante du cou et de la tête, mais elle peut tenir à quelque froissement ou traction exercée sur le filet cervical lui-même pendant l'opération. M. Bernard a observé que la section de la septième paire, en dehors du temporal, élève aussi la température de la tête, et M. Brown-Séquard a vu celle des nerfs mixtes, des sciatiques, par exemple, être suivie d'effets semblables, soit par la propre action de ces derniers, soit par celle des filets ganglionnaires qui s'y trouvent annexés. D'un autre côté, M. Bernard a vu que la section de la cinquième paire, celle des racines supérieures ou des racines inférieures des nerfs spinaux la fait baisser notablement.

La galvanisation du bout supérieur du filet cervical, coupé au milieu du cou, a cela de très-remarquable qu'elle ramène les choses à l'état normal. Elle fait cesser, comme l'a démontré M. Bernard (2), l'injection de la conjonctive, le resserrement de la pupille et la calorification exagérée. Il semble qu'alors l'influx nerveux soit remplacé par le fluide électrique.

Tous ces curieux effets de la section du sympathique sur la température des parties prouveraient, d'après les premiers travaux de M. Bernard à ce sujet, que les nerfs ganglionnaires ont une influence sur la calorification et jouent le rôle de nerfs calorifiques; mais, ainsi que M. Longet le fait remarquer, cette opinion est inadmissible, car si les nerfs ganglionnaires présidaient à la calorification ou aux actions chimiques qui développent la chaleur, celle-ci devrait baisser quand l'influence de ces nerfs est détruite par la section. Le sympathique est plutôt un modérateur qu'un stimulant de la calorification et il l'est, à ce qu'il semble, en maintenant les actions chimiques dans de justes limites. Il faut admettre, avec Brown-Séquard, (1) Bernard, Leçons sur la physiologie et la pathologie du syst. nerv., 1858, t. II, p. 495. (2) Cl. Bernard, ouvr. cité, t. II, p. 499.

que l'augmentation de température, à la suite de la section, tient à la paralysie vas

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culaire, à l'hypérémie qui en est la conséquence, et enfin à l'exagération des actions

(*) 4, pneumogastrique gauche; 2, pneumogastrique droit; 3, branche terminale du pneumogastrique droit se rendant au ganglion semi-lunaire du même côté: 4, 4, trone et ganglions du sympathique; 5, grand splanehnique; 6, ganglion semi-lunaire droit; 7, ganglion accessoire; 8, petit splanchnique ; 9, plexus rénal; 10, plexus mésenterique supérieur ; 11, plexus splénique; 12, plexus gastrique.

chimiques dans cet état analogue à celui de la congestion physiologique ou de la congestion morbide.

La nutrition est nécessairement influencée par le sympathique, puisque ce nerf donne la motricité aux vaisseaux, et que celle-ci règle l'apport du sang aux organes. Mais quelle est la nature de cette influence, quels en sont les caractères, les limites? Il est probable que c'est surtout en réglant la circulation, l'importation et l'exportation des matériaux assimilables que le sympathique agit sur la nutrition. Son action suffit dans certains organes, elle peut, dans d'autres, être suppléée par celle du système cérébro-spinal.

Le système ganglionnaire agit plus manifestement encore sur les sécrétions. Déjà Brachet, dans des expériences un peu tranchantes, avait cru voir que les sécrétions, notamment celles des reins, se suspendent quand la glande n'est plus soumise à l'influence du sympathique, et Czermak avait constaté qu'en galvanisant les rameaux de ce nerf qui se rendent à la glande sous-maxillaire, on y suspend la sécrétion salivaire, sécrétion que la galvanisation du lingual peut rétablir; mais le fait n'est pas constant, car d'autres observateurs ont noté que l'irritation du grand sympathique active la sécrétion salivaire au lieu de la suspendre. Les expériences sur les ganglions semi-lunaires si souvent reproduites, n'ont absolument aucune valeur. Les abondantes déjections, la diarrhée que l'on observe à la suite de l'irritation ou de l'excision de ces petits cerveaux, sont dues, en très-grande partie, à la plaie abdominale, à l'action stimulante de l'air sur le péritoine, sur l'intestin et aux manipulations exercées sur ce dernier organe pendant l'opération. Les déjections fréquentes et la diarrhée attribuées à la suppression de l'influence nerveuse s'observent, comme je m'en suis assuré maintes fois, aussi bien sur les animaux, dont on ouvre simplement le ventre que sur ceux auxquels on enlève les ganglions semi-lunaires.

L'action du sympathique sur les glandes nous est absolument inconnue. M. Bernard dit que c'est une action réflexe paralysante dans laquelle l'irritation reçue par un nerf sensitif est réfléchie sur le sympathique par l'intermédiaire d'un nerf moteur. D'autres prétendent que c'est une action directe exercée par le nerf ganglionnaire sur les éléments de la glande; quelques-uns, enfin, y voient une simple action sur les fibres contractiles des vaisseaux.

En somme, tout ce que la physiologie expérimentale nous a appris sur le grand sympathique, se réduit à peu près aux résultats signalés il y a plus d'un siècle par Pourfour du Petit et à ceux qu'on doit aux travaux de M. Bernard, à savoir, d'une part, que la section du filet cervical donne lieu au resserrement de la pupille, à l'injection de la conjonctive, à une dilatation des vaisseaux, à un accroissement de la température du cou et de la tête, et d'autre part, que la galvanisation du bout supérieur du filet coupé ramène la dilatation de la pupille, fait cesser l'hypérémie, baisser la température, en un mot, rétablit l'état normal. Le grand sympathique est évidemment le nerf qui donne aux viscères leur sensibilité obscure, et qui règle les mouvements involontaires des muscles de la vie organique et du système vasculaire. Mais on ne sait comment, en dehors de son influence sur la sensibilité et la contractilité des tissus, il agit sur la nutrition, les sécrétions et la production du calorique. C'est ce que de futurs travaux nous apprendront, peut-être, dans un avenir prochain.

CHAPITRE VI

DES FACULTÉS INSTINCTIVES ET INTELLECTUELLES

Le rôle du système nerveux ne comprend pas seulement les actions purement physiologiques que nous venons d'examiner, il embrasse encore les opérations d'un ordre très-élevé, desquelles résultent l'instinct et l'intelligence. Il faut donc étudier les facultés instinctives et intellectuelles dans leur ensemble, les instincts de conservation et de reproduction, les diverses manifestations de l'intelligence, les moyens de les apprécier, enfin l'influence que la civilisation et la domesticité ont pu exercer sur ces facultés.

I. - DES FACULTÉS INTELLECTUELLES ET INSTINCTIVES EN GÉNÉRAL.

S'il est vrai que, à divers points de vue, la connaissance des animaux rende l'homme plus intelligible, on peut dire qu'en psychologie, c'est surtout par ce que nous savons de nous-mêmes que nous pouvons juger des facultés et des actions des animaux. Aussi ne faut-il point, dans l'étude des instincts et de l'intelligence, envisager les bêtes, abstraction faite de l'espèce humaine.

L'homme, qu'Aristote définit si bien un animal raisonnable, n'est rien de plus aux yeux du physiologiste, quelles que soient ses prétentions. Il a d'abord en lui tout ce que possèdent les brutes et, de plus, des facultés nouvelles qu'elles n'ont pas ou qu'elles ont seulement à un faible degré. Il constitue un être double: un animal qui a les appétits, les instincts, les inclinations des autres, puis un être intelligent, raisonnable. Enfant, sauvage ou accidentellement privé de sa raison, il agit seulement, à peu près, comme animal. Adulte, civilisé, perfectionné par l'éducation, il agit ou peut agir comme être intelligent, raisonnable et libre. Mais toujours en lui la dualité persiste, et beaucoup de ses actions ont un double mobile: elles sont sollicitées par l'instinct et modifiées plus ou moins par suite de déterminations intelligentes et réfléchies.

Les psychologues qui ont étudié le plus complétement les facultés de l'homme ne s'entendent point sur ce qu'on doit appeler de ce nom. Ce sont des principes d'action, des puissances pour les uns ; des manières d'être, des opérations de la partic pensante de l'être pour les autres. Ils ne sont d'accord ni sur leur nombre, ni sur leur place relative, ni sur leur classification. La plupart, avec Descartes, Leibnitz, n'en reconnaissent que trois grandes : la sensibilité, l'intelligence, la volonté. Quelques-uns, notamment les représentants de la philosophie écossaise, qui ont été suivis par les phrénologues, en admettent un très-grand nombre, parmi lesquelles ils comptent même ce que les physiologistes considèrent comme de simples sensations. Reid (1) les a distinguées avec raison en deux classes: 1° les facultés actives comprenant les appétits, les affections diverses, les instincts; 2o les facultés intellectuelles, perception, mémoire, jugement, raisonnement, etc.

(1) Th. Reid, OEuvres complètes, trad. Jouffroy. 6 vol. in-8.

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