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Le livre, depuis longtemps épuisé, que je réimprime aujourd'hui, après une révision minutieuse et des additions considérables, est l'œuvre de toute ma vie. Je l'ai commencé à mes débuts dans la carrière de l'enseignement, et j'en ai poursuivi l'achèvement au milieu des difficultés nombreuses qui se sont trouvées sur ma route.

Quelles que puissent être ses imperfections, je le donne comme le résultat d'études d'après nature. J'ai observé sans cesse les animaux et expérimenté sur eux, pour donner à leur physiologie le caractère et l'exactitude d'une science positive.

Les nouvelles études que j'ai entreprises, à compter de la publication de mon premier essai, n'ont pas eu seulement pour but d'élucider les points obscurs ou les questions incomplétement traitées; elles ont eu aussi pour objet de mettre en parallèle les animaux avec l'homme, afin d'éclairer constamment les mystères de nos fonctions par les lumières qui jaillissent de l'analyse attentive des leurs. Il est hors de doute, en effet, comme l'a dit Buffon, que sans les animaux la nature humaine serait encore plus incompréhensible. Aussi la physiologie des bêtes, suffisamment approfondie, peut-elle servir d'introduction à celle de l'homme, même au point de vue philosophique. D'ailleurs, l'alliance entre les deux parties de la même science doit

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conduire à une connaissance plus complète, plus exacte des lois générales de l'organisme, et préparer des assises durables à la médecine comparée ainsi qu'à la zootechnie.

Parmi les sujets sur lesquels ont porté mes recherches depuis la première publication de cc Traité, je citerai le degré de développement des centres nerveux dans ses rapports avec l'intelligence; les propriétés des ganglions et des filets du sympathique; les fonctions du pancréas; les caractères de la digestion gastrique sur diverses espèces; la digestion des fourrages et des grains chez les solipèdes; l'absorption par les chylifères et les lymphatiques; l'absorption à la surface de la peau et des muqueuses; la constitution, les propriétés, la genèse du chyle et de la lymphe; la glycogénie; la chaleur animale; les phénomėnes de l'hibernation; l'action du cœur; la circulation pulmonaire; le pouls veineux; les propriétés des artères viscérales; la nutrition dans quelques tissus; l'accroissement des jeunes animaux; les effets de l'abstinence; la transpiration cutanée, etc.

Ma tâche, en ce qui concerne la partie bibliographique, a été facilitée par les savants travaux dont la physiologie s'est enrichie dans ces dernières années.

TRAITÉ

DE

PHYSIOLOGIE COMPARÉE

DES ANIMAUX

INTRODUCTION

Il n'est pas de science plus pleine de merveilles et de mystères que la physiologie. Cette science de la vie, de ses manifestations et de ses actes, est peut-être de toutes les sciences celle dont le domaine comprend les phénomènes de l'ordre le plus élevé et le plus complexe. C'est une de celles qui ne peuvent être abordées d'emblée et qui ne sont intelligibles que par l'anatomie et avec l'aide de connaissances physico-chimiques assez étendues. Aussi est-ce une science d'initiés dont on ne s'occupera jamais beaucoup en dehors du cercle des études naturelles, médicales ou philosophiques.

La physiologie, qu'elle soit étudiée pour elle-même, pour l'attrait qu'elle inspire ou en vue des applications et des lumières qu'elle peut jeter sur la plupart des branches de la médecine, doit prendre un rang honorable dans la grande société des sciences. En possession d'une méthode sévère d'investigations, riche des enseignements qu'elle tire de l'observation patiente des faits, de l'expérimentation babilement dirigée, éclairée par les brillantes découvertes de la chimie moderne, elle se constitue solidement, en préparant des assises durables à la pathologie, à l'hygiène et à la thérapeutique. En outre, par la connaissance qu'elle nous donne de la nature physique, intellectuelle de l'homme et des animaux, elle jette quelque clarté dans les dédales de la philosophie comme sur plusieurs points des sciences sociales qui, trop souvent, dans leurs systèmes, ne tiennent pas assez compte des instincts, des facultés et des besoins de la nature humaine.

Avant d'en venir à l'étude des différentes parties de cette science, jetons un coup d'œil sur l'ensemble de son domaine, sur l'organisation animale dont elle dévoile le mécanisme, sur la vie dont elle analyse les phénomènes, sur les moyens qu'elle emploie pour développer ses connaissances et multiplier ses découvertes.

Ce coup d'œil d'ensemble, ou à distance, fera l'objet de notre introduction.

G. COLIN. — Physiol. comp. 2o édit.

I-1

I.

De l'organisation en général, de ses formes et de ses lois.

L'organisation ou l'ensemble des parties qui constituent l'être animé est, en réalité, une machine qui recèle en elle le principe de son mouvement. C'est un agrégat matériel de forme déterminée, de structure plus ou moins complexe, jouissant d'une activité propre, intrinsèque, réglée et limitée.

Cette organisation se présente sous une infinité de formes inégalement compliquées. Faut-il, pour s'en faire une idée claire, l'envisager réduite à sa plus simple expression ou arrivée à son maximum de complication? Sera-t-elle plus intelligible avec un petit nombre de rouages peu distincts et rudimentaires que sous la forme appartenant aux mammifères et à l'homme?

Au premier abord il semble que les principes de la construction des êtres animés doivent être d'autant plus saisissables qu'ils sont étudiés dans les types les plus simples ou les plus élémentaires. Le physiologiste porte instinctivement les regards vers les êtres appelés imparfaits, quand il veut se faire une idée nette de ce qu'il étudie avec peine aux degrés les plus élevés de l'échelle zoologique.

Or que voit-il dans les régions infimes de l'animalité? Un être presque informe, homogène, souvent microscopique. Mais cet être naît de parents semblables à lui; il se nourrit, s'accroît, se reproduit et meurt; il sent, se meut, digère, absorbe, sécrète sans posséder d'organes spéciaux propres à l'exécution de ces derniers actes. Il sent quoique dépourvu de système nerveux; il se meut sans appareil musculaire, respire sans branchies ni poumons, digère sans estomac ni intestins, absorbe sans vaisseaux, sécrète sans glandes. Tous les éléments des organes sont confondus en lui, ces organes n'existent même pas encore en tant qu'instruments. séparés et, cependant, déjà les fonctions de chacun s'exécutent avec une certaine perfection. Un tel spectacle n'est pas de nature à l'éclairer beaucoup. Il faut qu'il envisage autrement l'organisation animale.

Si cette organisation est, à son point de départ, une sorte de chaos où tout est confondu, ce chaos ne tarde pas à se débrouiller. Les éléments mêlés se séparent et commencent à se dessiner; les organes se façonnent, s'isolent, se mettent à leur place, s'agencent dans un certain ordre, et, peu à peu, par des perfectionnements gradués, ils arrivent à constituer des organisations de plus en plus parfaites. C'est en assistant à ce démêlement du chaos organique, en considérant ces formes successives d'organisation, en les comparant entre elles, les plus élémentaires aux plus compliquées, qu'il arrive à bien concevoir l'être animé en général.

Mais quel ordre suivra-t-il dans cet examen comparatif? Celui, s'il peut le trouver, que la nature a suivi elle-même dans la formation et le perfectionnement des êtres. Il n'est pas douteux, pour quiconque considère un peu philosophiquement les merveilles de la nature, que les êtres vivants n'aient été façonnés d'après un plan arrêté et en vue d'une destination déterminée. L'intelligence créatrice a, tout à la fois, conçu ce plan et trouvé les moyens de le réaliser.

D'abord, il est évident que la nature a voulu établir des degrés dans la complication, ou, ce qui est la même chose, dans le perfectionnement des êtres animés, et elle y a été contrainte, indépendamment de tous autres motifs, par la nécessité d'approprier ces êtres à leurs conditions d'existence. L'infusoire, le coquillage,

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