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THÉTIS ET PÉLÉE,

TRAGÉDIE,

Représentée pour la première fois par l'Académie royale de musique, en 1689.

Le théatre représente une nuit.

PERSONNAGES.

LA NUIT.

LA VICTOIRE.

SUITE DE LA VICTOIRE.

LE SOLEIL.

SCÈNE PREMIÈRE.

LA NUIT dans son char.

ACHEVONS

CHEVONS notre cours paisible,

Achevons de verser nos tranquilles pavots;
Mortels, dans votre sort pénible,

Le plus grand bien est le repos.

Goûtez ce calme heureux que le destin vous laisse ;
Le jour ne reviendra qu'avec trop de vitesse,
Et mille soins divers

S'empareront de l'univers.

(On entend un bruit de guerre.)

Quel bruit interrompt le silence

De la terre et des cieux?

D'où vient que

dans ces lieux

La Victoire s'avance?

SCENE I I.

LA NUIT, LA VICTOIRE et sa suite.

CHOE U R.

ALLONS, allons, ne tardons pas,

Un jeune héros nous appelle;

Allons le couronner dans l'horreur des combats;
La Victoire à jamais lui veut être fidèle,
Elle suivra toujours ses pas.

(On commence à voir un peu de clarté. )

LA VICTOIRE.

O Nuit! précipitez votre sombre carrière,
Déjà du dieu du jour un faible éclat nous luit;

Cédez à la lumière,

Fuyez, fuyez, obscure Nuit.

LA NUIT.

Il n'est pas temps encor que le soleil me chasse.
O ciel! par quelle nouveauté
Vient-il sitôt prendre ma place,

Et faire briller sa clarté?

(La clarté augmente peu à peu.)

CHOEUR.

O Nuit ! précipitez votre sombre carrière,
Voyez quel est déjà cet éclat qui nous luit ;
Cédez à la lumière,

Fuyez, fuyez, obscure Nuit.

LA NUIT.

Il faut céder, je ne puis m'en défendre,
Un trop grand éclat m'y réduit.
Quel prodige doit-on attendre

Dans le jour qui me suit?

LA VICTOIRE.

Le temps vous presse trop, vous ne pouvez l'apprendre.

CHOEUR.

Fuyez, fuyez, obscure Nuit.

(La Nuit se retire.)

SCÈNE III.

On voit le palais du Soleil qui commence à s'ouvrir.

LA VICTOIRE et sa suite.

LA VICTOIRE.

Du palais du Soleil la barrière éclatante

S'ouvre de moment en moment.

Marquons au dieu du jour, qui remplit notre attente, Combien à nos regards ce spectacle est charmant. (Pendant que le palais du Soleil achève de s'ouvrir, la suite de la Victoire en marque sa joie par des danses.)

SCÈNE IV.

LE SOLEIL, LES HEURES, LA VICTOIRE et sa suite.

LE SOLEIL.

VICTOIRE,
ICTOIRE, tu le vois, j'accomplis ma promesse ;
A suivre tes désirs tu vois que je m'empresse;

L'ordre de l'univers et d'éternelles lois

N'ont point de pouvoir qui m'arrête :
Je vais partir plus tôt que je ne dois,
Pour éclairer la première conquête
Du fils du plus puissant des rois.

LA VICTOIRE.

Je ne puis te marquer trop de reconnaissance,
Soleil, quand tu réponds à mon impatience;
Un grand roi m'a prescrit de voler en des lieux
Où son auguste fils, d'un courage intrépide,
Expose des jours précieux :

Ma course n'est jamais plus prompte et plus rapide,
Que quand je suis les lois d'un roi si glorieux.

LE SOLEIL.

Pendant quelques momens encore

Laissons briller l'Aurore,

Et j'entre en ma carrière avec la même ardeur
Qui possède ton cœur.

Quel destin aujourd'hui commence!

Quelle brillante gloire aujourd'hui prend naissance :
Que de fameux exploits l'un à l'autre enchaînés,
S'offrent dans l'avenir à mes yeux étonnés !

A ce vainqueur nouveau mille ennemis se rendent,
Mille superbes murs tombent sous son effort.
Que vois-je ! quel illustre sort!

Il satisfait à tout ce que demandent Et l'exemple qu'il suit, et le sang dont il sort. (Danse de la suite de la Victoire et des Heures.)

CHOEUR.

Préparons, préparons nos palmes immortelles
Pour tant d'exploits guerriers;
Pour des conquêtes si belles
Préparons tous nos lauriers.

LE SOLEIL dans son char.

moi,

Je commence mon cours; va, pars ainsi que
Victoire; accordons-nous à servir un grand roi.

(Le Soleil part, et la Victoire s'envole.)

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ACTE PREMIER.

Le théatre représente le palais de Thétis.
SCÈNE PREMIÈRE.

Q

PÉLÉE.

UE mon destin est déplorable!

En vain à mes soupirs Thétis est favorable.

Hélas! Neptune en est charmé.

La crainte que nous cause un dieu si redoutable,
Tient toujours dans nos cœurs ce beau feu renfermé.
Quelles sont tes rigueurs, amour impitoyable!
Il est encor des maux pour un amant aimé.

SCÈNE II.

PÉLÉE, DORIS, CY DIPPE.

DORIS.

Quot! je vous trouve seul? Thétis attend Neptune.
Lorsqu'il vient à ses yeux faire briller sa cour,

Il semble d'un si beau jour,

que

. L'éclat vous importune.

La retraite ne plaît qu'à des cœurs pleins d'amour.

PÉLÉE.

Moi, nymphe, j'aimerais? Non, mon cœur est paisible, Non, mon cœur n'est point enflammé.

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