LA SERRE. Sais-tu bien qui je fuis? CASSAIG N E. Oui, tout autre que moi, 220 En comptant tes Ecrits pourroit trembler d'effroi. Mille & mille papiers, dont ta table eft couverte, Semblent porter écrit le deftin de ma perte. J'attaque en téméraire un gigantefque Auteur; Mais j'aurai trop de force, ayant affez de cœur. 225 Je veux venger mon Maître, & ta plume indomtable Pour ne fe point laffer n'eft point infatigable. LA SERRE, Ce Phébus qui paroît au difcours que tu tiens Que ces bons mouvemens excitent ton devoir, 235 Et que voulant pour Singe un Écolier parfait, Il ne fe trompoit point au choix qu'il avoit fait. Mais je fens que pour toi ma pitié s'intéreffe, J'admire ton audace & je plains ta jeuneffe: Ne cherche point à faire un coup d'effai fatal, 240 Dispense un vieux routier d'un combat inégal. Trop peu de gain pour moi fuivroit cette victoire; CAS SAIG N E. 245 D'une indigne pitié ton orgueuil s'accompagne: Qui pele Chapelain craint de tondre Caffaigne. LA SERR E. Retire-toi d'ici. CASSAIG N E. Hâtons-nous de rimer. LA SERRE, Es-tu fi près d'écrire? CASSAIGN E. Es-tu las d'imprimer ? LA SERRE. 250 Viens, tu fais ton devoir. L'Ecolier eft un traître, Qui fouffre fans cheveux la tête de fon Maître. LA MÉTAMORPHOSE DE LA PERRUQUE DE CHAPELAIN EN COMÈTE. La a plaifanterie que l'on va voir, eft une fuite de la Parodie précédente. Elle fut imaginée par les mêmes Auteurs, à l'occafion de la Comète, qui parut à la fin de l'année 1664. Ils étoient à table chez Mr. HESSEIN, frere de l'illuftre Madame de la SABLIERE. On feignoit, que Chapelain ayant été décoiffé par La Serre, avoit laiffé fa Perruque à calotte dans le Ruiffeáu, où La Serre l'avoit jettée. Dans un Ruiffeau bourbeux la Calotte enfoncée, Ici devoit être la defcription de cette fameufe Perruque, Et qui de front en front paffant à fes neveux, Devoit avoir plus d'ans qu'elle n'eut de cheveux. Enfin Apollon changeoit cette Perruque en Comète. Je veux, difoit ce Dieu, que tous ceux qui naîtront fous ce nouvel Aftre, foient Poëtes, Et qu'ils faffent des Vers, même en dépit de moi. Furetiere, l'un des Auteurs de la Pièce, remarqua pourtant, que cette Métamorphofe manquoit de jufteffe en un point: C'eft, dit-il, que les Comètes ont des cheveux, & que la Perruque de Chapelain eft fi usée qu'elle n'en a plus. Cette badinerie n'a jamais été achevée. Chapelain fouffrit, dit-on, avec beaucoup de patience, les Satires que l'on fit contre fa Perruque. On lui a attribué l'Épigramme fuivante, qui n'eft pas de lui. Railleurs, en vain vous m'infultez, Et la pièce vous emportez; En vain vous découvrez ma nuque. J'aime mieux la condition D'être défroqué de Perruque, Que défroqué de Penfion. $0 SONNET Contenant l'Éloge de Mr. DESPREAUX, PAR MR. DE NANTES*. L'ILLUSTE 'ILLUSTRE Despreaux a vû fon jour fatal: Il n'eft plus au Tombeau qu'une cendre ftérile, Cet homme qui mêlant l'agréable à l'utile, Étoit des Anciens l'Éleve & le Rival. Il atteignit Horace, il paffa Juvénal: Il eût pu de Longin être l'Original. ६ Ses Vers charmoient la Cour, la Ville, la Province; Quel Roi? quel Écrivain? quel fajet pour l'Hiftoire? §. On eût pu facilement fe difpenfer de mettre ici cette Pièce, & les deux fuivantes: mais le Commentateur de Mr. Despreaux ayant jugé à propos d'inférer la feconde, dans fon Edition des Ouvrages de notre Poëte, on a cru, que l'équité demandoit, qu'on l'accompagnât des deux autres dans celle-ci Voici l'hiftoire de ces trois petites Pièces, Mr. de NA N TES, Avocat de Vienne en Dau phiné, fit ce premier Sonnet pour marquer l'eftime particulière, qu'il avoit pour Mr. Despreaux. Mais les Éloges qu'il lui donnoit, |