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L'ART

POËTIQUE.

Tom. II.

A

1

AVERTISSEMENT

DE L'AUTEUR DES REMARQUES,
SUR

L'ART POËTIQUE.
C'eft à Mr. Despreaux principalement

que la France eft redevable de cette jufteffe & de cette folidité qui fe font remarquer dans les Ouvrages de nos bons Ecrivains. Ce font fes premières productions qui ont le plus contribué à bannir l' affectation & le mauvais goût. Mais c'étoit peu pour lui d'avoir corrigé les Poëtes par fa Critique, s'il ne les avoit encore inftruits par fes préceptes. Dans cette vûe il forma le deffein de compofer un Art Poëtique.

Le célèbre Mr. PATRU, à qui il communiqua fon dessein, ne crut pas, qu'il fût poffible de l'exécuter avec fuccès. Il convenoit, qu'on pouvoit bien expliquer les règles générales de la Poëfie, à l'exemple

d'Horace, mais pour les règles particulières, ce détail ne lui paroiffoit pas propre à être mis en vers François, & il eut affez mauvaise opinion de notre Poëfie, pour la croire incapable de fe foûtenir dans des matières auffi feches que le font de fimples pré

ceptes.

Néanmoins, les difficultés que ce judicieux Critique prévoyoit, bien loin d'effrayer notre jeune Poëte', ne fervirent qu'à l'animer, & à lui donner une plus grande idée de fon entreprife. Il commença dès lors à travailler à fon Art Poëtique, & quelque tems après il en alla réciter le commencement à fon Ami, qui voyant la noble audace avec laquelle notre Auteur entroit en matière, changea de fentiment, & l'exhorta bien férieufement à continuer.

Ce fut en ce même tems qu'il mit la dernière main à fon Poëme du Lutrin, qui étoit déja bien avancé: de forte que ces deux Ouvrages furent en état de paroître en 1674. 2 avec les quatre premières Épitres.

1. Il n'avoit que 33. ans. C'étoit en 1669.

2. Il ne publia alors que les quatre premiers Chants du Lutrin.

L'Art Poëtique paffe communément pour le chef-d'œuvre de notre Auteur. Trois chofes principalement le rendent confidérable: la difficulté de l'entreprise, la beauté des vers, & l'utilité de l'Ouvrage.

On peut même lui donner une autre louange, que fa modeftie lui faifoit rejetter: c'eft qu'il y a plus d'ordre dans fa Poëtique que dans celle d'Horace', & qu'il eft entré bien plus avant que cet Ancien, dans le détail des règles de la Poefie.

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Ses Ennemis l'accufèrent pourtant de n'avoir fait que traduire la Poetique d' Horace; mais il fe contenta de leur répondre, * qu'il les remercioit de cette accufation: Car puisque dans mon Ouvrage, dit-il, qui est d'onze cens Vers, il n'y en a pas plus de cinquante ou de foixante imités d'Horace, ils ne peuvent pas faire un plus bel éloge du refte qu'en le fuppofant traduit de ce grand Poëte; & je m'étonne.

3. Voïez SCALIGER dans fa Poetique L. VI. Le P. RAPIN, Réfl. fur la Poëtique, part I.ch. XVII. & M. DACIER, Remarq. 1. fur l' Art

Poët. d'Horace, & dans la Note fur le vers 281. &c.

4. Dans la Préface de l'édition de

1675.

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