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SATIRA.

Q

UID numeris iterum me balbutire Latinis,
Longe Alpes citra natum de patre Sicambro,
Mufa, jubes? Iftuc puero mihi profuit olim,
Verba mihi fævo nuper dictata Magiftro
Cum pedibus certis conclufa referre docebas.
Utile tunc Smetium manibus fordefcere noftris;
Et mihi fæpe udo volvendus pollice Textor
Præbuit adfutis contexere carmina pannis.
Sic Maro, fic Flaccus, fie noftro fæpe Tibullus,
Carmine disjecti, vano pueriliter ore
Bullatas nugas fefe ftupuere loquentes

Piij

C'eft le commencement d'une un Dialogue en François, à la maSatire que l'Auteur, étant fort nière de Lucain, pour faire voir, jeune, avoit eu deffein de compofer que l'on ne peut, ni bien parler, contre les Poëtes François, qui ni bien écrire une Langue morte; s'appliquent à faire des Vers Latins. mais il n'a jamais écrit ce DiaOn voit, qu'il a affecté d'y em- logue, & il fe contentoit de le réciployer des expreffions fingulières, ter de mémoire. Voyez ce que j'en tirées d'Horace, de Perfe, & de ai rapporté au commencement du Juvénal. Il avoit auffi compofé quatrième Volume.

JO CONDE * .

NOUVELLE, TIRÉE DE L'ARIOSTE.

5

10

PAR

MR. DE LA FONTAINE.

JADIS

ADIS regnoit en Lombardie

Un Prince auffi beau que le Jour,

Et tel, que des Beautés, qui regnoient à fa Cour,

La moitié lui portoit envie,

L'autre moitié bruloit pour lui d'amour.

Un jour en se mirant: Je fais, dit-il, gageure,
Qu'il n'eft Mortel dans la Nature,

Qui me foit égal en appas;

Et gage, fi l'on veut, la meilleure Province
De mes États;

Et s'il s'en rencontre un, je promets, foi de Prince,
De le traiter fi bien, qu'il ne s'en plaindra pas.

A ce propos s'avance un certain Gentilhomme
D'auprès de Rome.

15 Sire, dit-il, fi Votre Majesté

Eft curieufe de beauté,

Qu'elle faffe venir mon frere;

Aux plus charmans il n'en doit guere:

* On a inféré ici cette Pièce & la la Differtation de Mr. Despreaux fuivante pour faire mieux entendre fur ce fujet. DU MONTEIL.

Je m'y connois un peu; foit dit fans vanité. 20 Toutefois en cela pouvant m'être flatté,

Que je n'en fois pas cru, mais les cœurs de vos Dames:
Du foin de guérir leurs flammes

Il vous foulagera, fi vous le trouvez bon:

Car de pourvoir vous feul au tourment de chacune, 25 Outre que tant d'amour vous feroit importune, Vous n'auriez jamais fait, il vous faut un fecond.

Là-deffus Aftolfe répond:

(C'eft ainfi qu'on nommoit ce Roi de Lombardie) Votre difcours me donne une terrible envie 30 De connoître ce frere: amenez-le nous donc. Voyons, fi nos beautés en feront amoureuses,

Si fes appas le mettront en crédit ;

;

Nous en croirons les connoiffeufes,

Comme très-bien vous avez dit.

35 Le Gentilhomme part, & va querir Joconde. (C'est le nom que ce frere avoit.)

40

A la campagne il vivoit,

Loin du commerce du monde.

Marié depuis peu: content, je n'en fai rien.

Sa femme avoit de la jeuneffe,

De la beauté, de la délicateffe;

Il ne tenoit qu'à lui qu'il ne s'en trouvât bien.

Son frere arrive, & lui fait l'ambassade:

Enfin il le perfuade.

45 Joconde d'une part regardoit l'amitié

50

D'un Roi puiffant, & d'ailleurs fort aimable; Et d'autre part auffi fa charmante moitié

Triomphoit d'être inconfolable,

Et de lui faire des adieux

A tirer les larmes des yeux.

Quoi, tu me quittes, difoit-elle,
As-tu bien l'ame affez cruelle,
Pour préférer à ma conftante amour,
Les faveurs de la Cour?

55 Tu fais, qu'à peine elles durent un jour:
Qu'on les conferve avec inquiétude,
Pour les perdre avec défefpoir.

60

Si tu te laffes de me voir,

Songe au moins, qu'en ta folitude

Le repos regne jour & nuit:

Que les ruiffeaux n'y font du bruit

Qu'afin de t'inviter à fermer la paupiere.

Crois-moi, ne quitte point les hôtes de tes bois,
Ces fertiles vallons, ces ombrages fi cois,

65 Enfin moi, qui devois me nommer la première:
Mais ce n'eft plus le tems, tu ris de mon amour:
Va cruel, va montrer ta beauté fingulière,
Je mourrai, je l'espére, avant la fin du jour.
L'Hiftoire ne dit, point, ni de quelle manière
70 Joconde pût partir, ni ce qu'il répondit,
Ni ce qu'il fit, ni ce qu'il dit;

Je m'en tais donc auffi de crainte de pis faire.
Difons, que la douleur l'empêcha de parler;

C'eft un fort bon moyen de fe tirer d'affaire.
75 Sa femme, le voyant tout prêt de s'en aller,
L'accable de baifers, & pour comble lui donne
Un braffelet de façon fort mignonne,
En lui difant: Ne le perds pas;

Et qu'il foit toûjours à ton bras,

80 Pour te reffouvenir de mon amour extrême:
Il eft de mes cheveux, je l'ai tiffu moi-même,
Et voilà de plus mon portrait,
Que j'attache à ce braffelet.

85

Vous autres bonnes gens euffiez cru, que la Dame
Une heure après eût rendu l'ame;

Moi qui fais ce que c'eft que l'efprit d'une femme,
Je m'en ferois à bon droit défié.

Joconde partit donc; mais ayant oublié

Le braffelet & la peinture

90

Par je ne fai quelle aventure,

Le matin même il s'en fouvient.

Au grand galop fur fes pas il revient,

Ne fachant, quelle excufe il feroit à fa femme.
Sans rencontrer perfonne & fans être entendu

95 Il monte dans fa chambre, & voit près de la Dame Un lourdaut de Valet fur fon fein étendu,

Tous deux dormoient: dans cet abord Joconde

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