Page images
PDF
EPUB

Quand un faux Esculape, à cervelle ignorante, A la fin d'un long mal vainement pallié, Rompant de fes beaux jours le fil trop délié, Pour jamais me ravit mon aimable Parente.

O! qu'un fi rude coup me fit verser de pleurs! Bien-tôt, la plume en inain, fignalant mes douleurs, Je demandai raifon d'un acte fi perfide.

Oui, j'en fis dès quinze ans ma plainte à l'Univers; Et l'ardeur de venger ce barbare homicide

Fut le premier Démon qui m'inspira des Vers.

Mij

primer que toutes les maximes,,le plus, & que je ne crois pas ,,odieufes de la Morale lubrique ,,avoir rien dit de plus gracieux que: ,,des Opéra..... On ne m'a pas „A fes jeux innocens Enfant affocié; ,,fort accablé d'éloges fur ce Sonnet.,,& Rompant de fes beaux jours le fil ,,Cependant, Monfieur, oferois - je,,trop délié, & Fut le premier Démon ,,vous dire, que c'eft une des chofes qui m'infpira des vers. C'est à vous ,,de ma façon dont je m'applaudis,,å en juger, &c.

ÉPIGRAMMES.

O

I.

A un Médecin.

UI, j'ai dit dans mes Vers, qu'un célèbre Affaffin, Laiffant de Galien la Science infertile,

D'ignorant Médecin devint Maçon habile:
Mais de parler de vous je n'eus jamais deffein :
5 Perrault, ma Mufe eft trop correcte.
Vous êtes, je l'avoue, ignorant Médecin,
Mais non pas habile Architecte.

EPIGR. I. Cette Epigramme fut compofée en 1674. après la pu blication de l'Art poëtique, où l'Auteur avoit fait, aù commencement du quatrième Chant, la Métamorphofe d'un Médecin en Architecte. Les motifs qui l'y engagèrent, font expliqués dans une Lettre adreffée a Mr. de Vivonne. Voyez ci-après la Lettre II. Tome IV.

Au fentiment de notre Auteur, c'étoit ici la meilleure de fes Epigrammes. Mr. Racine préféroit cette autre qui eft la XXII. D'où vient que Ciceron &c. Et Mr. le Prince de Conti étoit pour celle, qui commence : Clio vint l'autre jour &c. C'eft la XVIII.

EPIGR. II. En 1674. Mr. DESMARÊTS DE ST.SORLIN entreprit une Critique générale des Œuvres de Mr. Despreaux, & la fit imprimer en 1675. Notre Poëte,

qui en fut averti, prévint la Critique par cette Epigramme. Mr. le Duc de.... l'Abbé Teftu, & Des-Marêts, avoient travaillé de concert å cette Critique.

VERS 3. Où le Prophete Des Marais.] Son nom eft ici écrit DesMarais, afin que la rime foit plus vifible. Il s'étoit érigé en homme infpiré, & en Prophete. Dans un de fes Ouvrages il difoit fort férieufement, que Dieu par fa bonté infinie, lui avoit envoyé la clef du tréfor de l'Apocalypfe. Délices de l'efpr. part. 3. p. 2. Dans un autre il publioit, que Dieu l'avoit deftiné à faire une réformation génerale du Genre humain; & que pour cet effet il levoit une armée de cent quarante quatre mille Victimes, dévouées à tout faire, & à tout fouffrir, felon fes ordres. Avis au St. Efprit. I annonçoit quantité d'autres merveilles, dont on fit voir là vanité & le ridicule,

II.

A MR. RACINE.

RACINE, plains ma destinée.

C'est demain la trifte journée,

Où le Prophete Des - Marais,

Armé de cette même foudre

1

5 Qui mit le Port-Royal en poudre,
Va me percer de mille traits.

C'en eft fait, mon heure eft venue.
Non, que ma Mufe, foûtenue
De tes judicieux avis,

10 N'ait affez de quoi le confondre :
Mais, cher Ami, pour lui répondre,
Hélas! il faut lire Clovis.

Miij

dans huit Lettres, qui parurent au commencement de 1666. & qu'on intitula: les Vifionaires, tant à caufe d'une Comédie de Des-Marêts, qui porte le même titre; que parce qu'on découvroit dans ces Lettres la fource des illufions des Fanatiques, dont on lui faifoit l'application, & l'on y prouvoit géométriquement, qu'il étoit un Vifionaire, Mr. Nicole en étoit l'Auteur. Voyez la Remarque fuivante.

VERS 5. Qui mit le Port-Royal en poudre.] Des-Marêts avoit fait en 1665. une Réponse à l'Apologie pour les Réligieufes de Port-Royal. Mais ce qu'il y a ici de fingulier, c'eft que Mr. Despreaux, en plaifantant fur cet Ouvrage, adreffe la parole à Mr. Racine, qui avoit luimême pris la défenfe de Des-Marêts contre Port-Royal dans une Lettre qu'il fit imprimer en 1666. J'éclaircis ce fait & je rapporte cette

Lettre entière dans le quatrièmé
Volume.

VERS 12. Hélas! il faut lire Clovis.) Poëme de Des-Marêts, ennuyeux à la mort, Cette petite note eft de notre Auteur. Dans quelques éditions on lit, envieux à la mort; & cette faute d'impreffion fait une équivoque affez plaifante. Des- Marêts avoit publié fon Poeme en 1657. mais en 1673, il en donna une autre édition beaucoup plus ample.

Ce même Vers fait allufion à une autre chofe, qui n'étoit pas ignorée de Mr. Racine, & dont la connoiffance rend l'Epigramme beaucoup plus piquante. Dans la Place du Cimetière St. Jean, à Paris, il y avoit alors un Traiteur fameux, chez qui s'affembloient tous les jours ce qu'il y avoit de jeunes Seigneurs des plus fpirituels de la Cour, avec Mr. Despreaux, Furetiere, & quelques autres Perfonnes

III.

CONTRE S. SQRLAIN.

Dans

ans le Palais hier Bilain

Vouloit gager contre Mènage,
Qu'il étoit faux, que Saint-Sorlain
Contre Arnauld eût fait un Ouvrage.

5 Il en a fait, j'en fais le temps,

Dit un des plus fameux Libraires.

Attendez.

[ocr errors]

C'eft depuis vingt ans.

On en tira cent Exemplaires.

C'est beaucoup, dis-je en m'approchant,

10 La pièce n'eft pas fi publique.

Il faut compter, dit le Marchand,
Tout eft encor dans ma Boutique.

d'élite, & cette Troupe choifie avoit une chambre particulière du logis, qui leur étoit affectée. En ce tems là les Caffés n'étoient pas encore établis. Dans ce célèbre Réduit ils inventoient mille ingénieufes folies. Là fut compofée la Parodie de quel ques Scènes du Cid, fur une prétendue querelle de la Serre & de Chapelain, avec l'enlevement de fa Perruque à calotte; là fut imaginée la Métamorphofe de cette fameufe Perruque en Comète; là fut faite en très-peu de jours la Comédie des Plaideurs de Racine. Enfin, il ne feroit pas poffible de raconter toutes les plaifanteries fines & délicates que ce Rendez-vous a vû naître. Il y avoit fur la table de cette chambre un exemplaire de la Pucelle de Chapelain, qu'on y laissoit toûjours: & quand quelqu'un d'entre eux avoit commis une faute, foit contre la pureté du langage, foit

contre la jufteffe du raifonnement, ou quelque autre femblable, il étoit jugé à la pluralité des voix; & la peine ordinaire qu'on lui impofoit, étoit, de lire un certain nombre de Vers de ce Poëme. Quand la faute étoit confidérable,on condamnoit le délinquant à en lire jufqu'à vingt, & il falloit qu'elle fût énorme pour être condamné à lire la page entière: tant la lecture de ce Poëme leur paroiffoit ennuyeufe & affommante.

EPIGR. III. Le commencement de cette Épigramme étoit ainfi :

Hier un certain Perfonnage
Au Palais me voulut nier,
Qu'autrefois Boileau le Rentier
Sur Coftar eût fait un Ouvrage:
Il en a fait, &c.
GILLES BOILEAU, de l'Aca-
démie Françoife, & Payeur des

IV.

A MESSIEURS

PRADON ET BONNE CORSE.

Venez, Pradon & Bonnecorse,

Grands Écrivains de même force,
De vos Vers recevoir le prix:
Venez prendre dans mes Écrits
5 La place que vos Noms demandent.
Linière & Perrin vous attendent.

V.

CONTRE L'ABBÉ COTIN.

En vain par mille & mille outrages

Mes Ennemis, dans leurs Ouvrages,

Rentes de l'Hôtel de Ville, ne cef-
foit, par jaloufie, de décrier les
Poëfies de Mr. Despreaux, fon frere
cadet. C'eft pourquoi celui-ci fit
cette Epigramme, dans laquelle il
indiquoit un petit Ouvrage, que
Gilles Boileau avoit publié en 1656.
contre COSTA R, intitulé: Remer-
ciment à Mr. Coftar. Mais, après la
mort de cet Ainé, arrivée en 1669.
Mr. Despreaux fupprima ces quatre
Vers, & tourna fon Epigramme
contre Mr. DES-MARETS de
S. SORLIN, qui avoit publié en
1665. une Réponse à l'Apologie, que
Mr. ARNAULD avoit faite pour
les Réligieufes de Port-Royal, comme
on l'a dit dans la Remarque fur le
Vers
3. de l'Epigramme précédente.
BILAIN, qui eft nommé dans le
premier Vers de celle-ci, étoit un
Avocat célèbre. L'Action de cette
Epigramme fe paffa dans la grand'
Salle du Palais, où il y a beau-

Miv

coup de Libraires, & où s'affembloient tous les foirs plufieurs beaux Efprits, comme Mr. PATRU, l'Abbé MENAGE, ce même BILAIN, BOILEAU le Rentier, & quelques autres.

EPIGR. IV. Cette Epigramme fut faite en 1685. PRADON & BONNE CORSE avoient publié chacun un volume d'injures contre notre Auteur. Le premier avoit fait une mauvaife Critique des Œuvres de Mr. Despreaux, fous ce titre: Le Triomphe de Pradon ; & le fecond avoit compofé le Lutrigot, qui est une fotte imitation du Lutrin, contre l'Auteur du Lutrin même. Il mourut en 1706. à Marseille, lieu de fa naiffance. Voyez la Remarque fur le Vers 64. de l'Epître IX.

EPIGR. V. On avoit fait courir une Satire non feulement mauvaife, mais très-dangereufe. L'Abbé COTIN n'en étoit pas véritable

« PreviousContinue »