Page images
PDF
EPUB

LE LUTRIN,

CHANT SIXIEME

[ocr errors]

LE

LUTRI N.

РОЁМЕ

HÉROI - COMIQUE.

T

CHANT VI.

ANDIS que tout conspire à la

La Piété fincere, aux Alpes retirée,

guerre facrée,

Du fond de fon défert entend les triftes cris De fes Sujets cachés dans les murs de Paris. 5 Elle quitte à l'instant sa retraite divine,

La Foi d'un pas certain devant elle chemine.
L'Espérance au front gai l'appuye & la conduit,
K iv.

VERS

ERS 2.

les Alpes.

Aux Alpes retirée.) La grande Chartreufe eft dans

1

1

Et, la bourfe à la main, la Charité la fuit. Vers Paris elle vole, & d'une audace fainte, to Vient aux pieds de Thémis proférer cette plainte.

Vierge, effroi des méchans, appui de mes Autels, Qui, la balance en main, régles tous les Mortels, Ne viendrai-je jamais en tes bras falutaires,

Que pouffer des foupirs, & pleurer mes miferes? 1 Ce n'eft donc pas affez, qu'au mépris de tes loix, L'Hypocrifie ait pris & mon nom & ma voix; Que fous ce nom facré par-tout fes mains avares. Cherchent à me ravir Croffes, Mitres, Tiares: Faudra-t-il voir encor cent Monftres furieux 20 Ravager mes États ufurpés à tes yeux?

Dans les tems orageux de mon naiffant Empire,
Au fortir du Baptême on 'couroit au martyre.
Chacun plein de mon nom ne refpiroit que moi.
Le Fidele, attentif aux régles de fa Loi,
25 Fuyant des vanités la dangereufe amorce,

Aux honneurs appellé n'y montoit que par force.
Ces cœurs, que les Bourreaux ne faifoient point frémir,
A l'offre d'une mitre étoient prêts à gémir:
Et fans peur des travaux, fur mes traces divines
30 Couroient chercher le Ciel au travers des épines.
Mais depuis que l'Églife eut aux yeux des mortels

CHANG. Vers 11. Vierge, effroi des méchans.) Premiere manière avant l'impreffion: Déeffe aux yeux converts. L'Auteur faifoit allufion

au bandeau, avec lequel on peint la Juftice. Mais on lui fit remarquer, que le terme de Déesse, qui eft tiré de la Fable, ne convenoit pas à une Vertu Chrétienne.

De fon fang en tous lieux cimenté fes Autels,
Le calme dangereux fuccédant aux orages,
Une lâche tiédeur s'empara des courages:
35 De leur zele brûlant l'ardeur fe ralentit;
Sous le joug des péchés leur foi s'appesantit :
Le Moine fecoua le cilice & la haire:
Le Chanoine indolent apprit à ne rien faire.
Le Prélat, par la brigue aux honneurs parvenu,
40 Ne fût plus qu'abuser d'un ample revenu;
Et pour toutes vertus fit au dos d'un carroffe
A côté d'une mitre armorier fa croffe,
L'Ambition par-tout chaffa l'Humilité;
Dans la craffe du froc logea la Vanité.
45 Alors de tous les coeurs l'union fut détruite.
Dans mes Cloîtres facrés la Difcorde introduite,
Y bâtit de mon bien fes plus fürs Arfenaux,
Traîna tous mes Sujets au pied des Tribunaux.
En vain à fes fureurs j'oppofai mes prieres,

50 L'infolente à mes yeux marcha fous mes Bannieres, Pour comble de mifere, un tas de faux Docteurs Vint flatter les péchés de difcours impofteurs; Infectant les Efprits d'exécrables maximes,

Voulut faire à Dieu même approuver tous les crimes. "Une fervite Peur tint lieu de Charité.

Le befoin d'aimer Dieu paffa pour nouveauté;

VERS 44. Dans la craffe du froc logea la Vanité.] Socrate voyant un Philofophe, qui affectoit de porter

K v

un habit tout déchiré : Je vois, dite il, ta vanité à travers les trous de ton manteau. APOPHT. des Ano.

« PreviousContinue »