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100 Les Plaisirs nonchalans folâtrent à l'entour.

L'un paîtrit dans un coin l'embonpoint des Chanoines;

L'autre broye en riant le vermillon des Moines:
La Volupté la fert avec des yeux devots,

Et toûjours le Sommeil lui verfe des pavots.
105 Ce foir, plus que jamais, en vain il les redouble.
La Molleffe à ce bruit fe réveille, fe trouble:
Quand la Nuit, qui déja va tout envelopper,
D'un funefte récit vient encor la frapper:
Lui conte du Prélat l'entreprise nouvelle.
110 Aux piés des murs facrés d'une Sainte Chapelle
Elle a vu trois Guerriers ennemis de la paix,
Marcher à la faveur de fes voiles épais.

La Difcorde en ces lieux menace de s'accroître.
Demain avec l'Aurore un Lutrin va paroître,

IMIT. Vers 120. Laiffe tomber ces mots.) Virgile, Encide, VI. v. 686. Effufaque genis lachrymæ, & vox

excidit ore.

VERS 121 O Nuit, que m'as-tu dit? &c.) Ce Récit épifod que de la Moleffe eft un morceau remarquable. Quand l'Auteur l'eut achevé, Madame de THIANGE lui en demanda une copie pour la montrer au Roi. Le Roi fut extrêmement touché de la manière fine & délicate avec laquelle fes louanges étoient exprimées dans ces vers. Il en voulut voir l'Auteur, qu'il ne connoiffoit encore que par fes Satires: & Sa Majefté ordonna, qu'on le fit venir à la Cour, comme

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on l'a dir ailleurs. Voyez la Remar que fur le dernier Vers de l'Epître I.

Il y a trois chofes qui marquent l'adreffe du Poëte dans ce Récit : le choix des mots, la verfification, & le détour ingenieux qu'il a pris pour louer le Roi. En effet, le Poëte s'eft attaché à ne mettre dans la bouche de la Molleffe que des termes qui lui conviennent particu lièrement: Elle ne parle que de Rois fainéans, de Sommeil, de Repos. de Douceurs, &c. Quant à la verfification, elle eft extrêmement douce; les vers font prefque tous déta→ chés les uns des autres; le Difcours eft tout uni; il n'y a ni tranfitions, ni liaifons, ni figures; en un mot, tout y répréfente naïvement le caractère de la Molleffe. Mais rien

n'eft

115 Qui doit y foûlever un peuple de mutins. Ainfi le Ciel l'écrit au Livre des Deftins.

A ce trifte Difcours, qu'un long foûpir acheve, La Molleffe, en pleurant, fur un bras se releve,

Ouvre un œil languiffant, & d'une foible voix, 120 Laiffe tomber ces mots, qu'elle interrompt vingt fois. O Nuit, que m'as-tu dit? Quel Démon fur la Terre Souffle dans tous les cœurs la fatigue & la guerre ? Hélas! qu'eft devenu ce tems, cet heureux tems

Où les Rois s'honoroient du nom de Fainéans,

125 S'endormoient fur le Trône, & me fervant fans honte, Laiffoient leur Sceptre aux mains ou d'un Maire ou d'un

Comte?

Aucun foin n'approchoit de leur paifible Cour.
On repofoit la nuit, on dormoit tout le jour,

n'eft plus heureux que la manière dont l'Eloge du Roi eft amené; les plaintes & les murmures que la Molleffe fait contre la Valeur active de ce jeune Héros, font les plus fines louanges qu'on puiffe donner.

VERS 124. Où les Rois s'honoroient du nom de Fainéans.] Sous les derniers Rois de la première Race, toute l'Autorité Royale étoit exercée par un Maire du Palais, tandis que ces Rois, que nos Historiens ont furnommés Fainéans, demeuroient enfermés dans quelque Maifon de plaifance, d'où ils ne fortoient qu'une fois l'année, dans un Chanot traîné par des boeufs. Cette Autorité abfolue des Maires du Palais commença fous la minorité de

Tome II.

Clovis II. en l'année 638. & dura jufqu'à Charles - Martel, dernier Maire du Palais, qui s'empara enfin de la Souveraineté.

VERS 126. Ou d'un Maire ou d'un Comte.] Quelques Hiftoriens ont confondu les Maires avec les Comtes du Palais, ou Comtes Palatins. Mais, à proprement parler, le Comte du Palais étoit le fecond Officier de la Couronne, qui rendoit la Juftice dans le Palais du Roi. Voyez DU CANGE, Diff. XIV. fur JOINVILLE.

IMIT. Vers 128. On repofoit la nuit, on dormcit tout le jour.] Tacit. Annal. L. VI. Dies per fomnum, nox officiis & oblectamentis vitæ tranfigebatur.

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114

Seulement au Printems, quand Flore dans les plaines 130 Faifoit taire des Vents les bruyantes haleines,

Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille & lent, Promenoient dans Paris le Monarque indolent. Ce doux fiècle n'eft plus. Le Ciel impitoyable A placé fur leur Trône un Prince infatigable. 135 H brave mes douceurs, il eft fourd à ma voix : Tous les jours il m'éveille au bruit de ses Exploits.. Rien ne peut arrêter fa vigilante audace.

L'Été n'a point de feux, l'Hiver n'a point de glace. J'entends à fon feul nom tous mes Sujets frémir. 140 En vain deux fois la Paix a voulu l'endormir; Loin de moi fon courage, entraîné par la gloire, Ne fe plaît qu'à courir de victoire en victoire. Je me fatiguerois, à te tracer le cours

Des outrages cruels qu'il me fait tous les jours. 145 Je croyois, loin des lieux d'où ce Prince m'exile, Que l'Églife du moins m'affuroit un azile;

CHANG. Vers 134. A placé fur leur Trône.] Première & feconde édition de 1674. & 1675, fur le Trône.

VERS 138.

L'Hiver n'a point de glace.] Allufion à la première conquête de la Franche-Comté, dont le Roi se rendit Maître pendant l'hiver, en dix jours, au commencement de Fevrier, 1668.

CHANG. Vers 139. J'entends à fon feul nom.) On lit, en fon feul nom, dans l'édition pofthume de 1713.

VERS 149. Par mon exil honteux, la Trape.] Abbaye de l'Ordre de St. Bernard, dépendante de Citeaux, fituée dans le Perche. En 1663. l'Abbé ARMAND-JEAN BOUTHILLIER DE RANCE y rétablit la première & véritable pratique de la Règle de St. Benoît.

VERS 150. J'ai vu dans Saint Denis la réforme établie.) Le Cardinal de LAROCHEFOUCAULT, Commiffaire Général pour la réforme des Ordres Religieux en

Mais en vain j'efpérois y regner fans effroi: Moines, Abbés, Prieurs, tout s'arme contre moi. Par mon exil honteux la Trape est anoblie. 150 J'ai vû dans faint Denis la réforme établie. Le Carme, le Feuillant s'endurcit aux travaux; Et la Regle déja fe remet dans Clairvaux. Citeaux dormoit encore, & la Sainte Chapelle Confervoit du vieux tems l'oifiveté fidele; 155 Et voici qu'un Lutrin, prêt à tout renverfer, D'un féjour fi chéri vient encor me chaffer. ✪ Toi, de mon repos compagne aimable & fombre, A de fi noirs forfaits prêteras-tu ton ombre? Ah! Nuit, fi tant de fois, dans les bras de l'Amour 160 Je t'admis aux plaifirs que je cachois au jour, La Molleffe oppreffée

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Du moins ne permets pas.
Dans fa bouche à ce mot fent fa langue glacée,
Et laffe de parler, fuccombant fous l'effort,
Soûpire, étend les bras, ferme l'œil, & s'endort.

France, établit la réforme dans l'Abbaye de St. Denis, en 1633.

VERS 152. Et la Regle déja fe Temet dans Clairvaux.] Abbaye fondée par St. Bernard, dans la Province de Champagne. Le Cardinal de la Rochefoucault avoit auffi travaillé à la réforme de cette Abbaye, en 1624. & 1625.

VERS 164. Soûpire, étend les bras, &c.] Ce vers exprime bien l'état d'une perfonne accablée de trifteffe & de laffitude, qui fuc

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combe au fommeil. Madame la Ducheffe d'ORLEANS, HENRIETTE ANNE d'Angleterre, première Femme de MONSIEUR, Frere du Roi, avoit été fi touchée de la beauté de ce vers, qu'ayant un jour apperçu de loin Mr. Despreaux dans la Chapelle de Verfailles, où elle étoit affife fur fon carreau, en attendant que le Roi vint à la Meffe; elle lui fit figne d'approcher, & lui dit à l'oreille: Soupire, étend les bras, ferme l'ail, & s'endort.

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MAT

AIS la Nuit auffi-tôt de fes aîles affreuses, Couvre des Bourguignons les campagnes vineuses, Revole vers Paris, & hâtant fon retour,

Déja de Montlhéri voit la fameufe Tour.

5. Ses murs, dont le fommet fe dérobe à la vûe,
Sur la cime d'un roc s'allongent dans la nue,

VE

ERS 4. Deja de Montlhéri voit la fameufe Tour.] Tour très-haute, à cinq lieuës de Paris, fur le chemin d'Orléans. On la voit de dix lieuës à la ronde.

VERS 6. Sur la cime d'un Roc s'allongent dans la nue.] VOITURE avoit dit dans une Chanson:

Nous vimes dedans la nue

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