Les (6) labyrinthes d'un cerveau
L'occupoient. Il avoit à fes piéds maint volume, Et ne vit prefque pas fon ami s'avancer, Attaché felon fa coutume.
Leur compliment fut court, ainfi qu'on peut penser. Le Sage eft ménager du temps & des paroles. Ayant donc mis à part les entretiens frivoles, Et beaucoup raifonné fur l'homme & fur l'efprit, Ils tomberent fur la morale.
Il n'eft pas befoin que j'étale Tout ce que l'un & l'autre dit.
Le récit précédent fuffit
Pour montrer que le Peuple eft juge récufable. En quel fens eft donc véritable Ce que j'ai lû dans certain lieu, Que fa voix eft la voix de Dieu ?
(6) Les ventricules, les finuofitez, les différentes parties du
FABLE X X VI I.
Le Loup & le Chaffeur.
Fureur d'accumuler, monftre de qui les yeux Regardent comme un point tous les bienfaits des Dieux,
Te combattrai-je en vain fans ceffe en cet ouvrage ? Quel temps demandes-tu pour fuivre mes leçons?, L'homme fourd à ma voix, comme à celle du fage
Ne dira-t-il jamais : C'est affez, jouiffons? Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre. Je te rebats ce mot, car il vaut tout un livre.
Jouis. Je le ferai. Mais quand donc ? Dès demain. Eh! mon ami, la mort te peut prendre en che-
Jouis dès aujourd'hui : redoute un fort femblable A celui du Chaffeur & du Loup de ma Fable. Le premier, de fon arc avoit mis bas un Daim. Un Fan de Biche paffe, & le voilà foudain Compagnon du défunt; tous deux gifent fur l'herbe. La proie étoit honnête, un Daim avec un Fan: Tout modefte Chaffeur en eût été content: Cependant un Sanglier, monstre énorme & fuperbe, Tente encor notre Archer, friand de tels morceaux. Autre habitant du Styx: la Parque & fes ciseaux Avec peine y mordoient: (1) la Déeffe infernale Reprit à plufieurs fois l'heure au monftre fatale. De la force du coup pourtant il s'abattit.
C'étoit affez de biens, mais quoi? Rien ne remplit Les vaftes appétits d'un faifeur de conquêtes. Dans le temps que le Porc revient à foi, l'Archer Voit le long du fillon une Perdrix marcher, Surcroît chétif aux autres têtes.
De fon arc toutefois il bande les refforts.
Le Sanglier rappellant les reftes de sa vie, Vient à lui, le (a) décoût, meurt vengé fur fon
(1) Le Sanglier conferva quelque temps un refte de vie, quoique fa bleffure fût mortelle.
(a) Le déchire avec fes défenfes.
Et la Perdrix le remercie.
Cette part du récit s'adresse aux convoiteux. L'avare aura pour lui le reste de l'exemple.
Un Loup vit en paffant ce fpectacle piteux. O Fortune! dit-il, je te promets un temple. Quatre corps étendus! Que de biens! Mais pourtant Il faut les ménager, ces rencontres font rares. (Ainfi s'excufent les avares)
J'en aurai, dit le Loup, pour un mois, pour autant. Un, deux, trois, quatre corps, ce font quatre femaines,
Si je fais compter, toutes pleines. Commençons dans deux jours; & mangeons cependant
La corde de cet arc: il faut que l'on l'ait faite De vrai boyau, l'odeur me le témoigne assez. En difant ces mots il fe jette
Sur l'arç qui fe détend, & fait de la (2) fajette Un nouveau mort, mon Loup a les boyaux percés. Je reviens à mon texte : il faut que l'on jouiffe, Témoin ces deux gloutons punis d'un fort commun: La convoitife perdit l'un,
L'autre périt par
(2) La fléche dreffée fur l'Arc. Sagette, vieux mot, formé de Sagitta, qui veut dire fléche. Sagette étoit encore en ufage du temps de Regnier, témoin ces vers qui méritent d'être rete
Ainfi les actions aux langues font Sujettes:
Mais ces divers rapports font de foibles fagettes, Qui bleffent feulement ceux qui fant mal armez.
LIVRE NEUVIÉ ME.
FABLE PREMIERE.
Le Dépofitaire infidéle. GRace aux Filles de mémoire,
J'ai chanté des Animaux : Peut-être d'autres Héros M'auroient acquis moins de gloire. Le Loup, en langue des Dieux, Parle au Chien dans mes ouvrages. Les Bêtes, à qui mieux mieux, Y font divers perfonnages: Les uns fous, les autres fages: De telle forte pourtant Que les fous vont l'emportant: La mefure en eft plus pleine. Je mets auffi fur la Scéne Des Trompeurs, des Scélérats, Des Tyrans & des Ingrats, Mainte imprudente pécore, Force Sots, force Flateurs. Je pourrois y joindre encore Des légions de Menteurs. Tout homme ment, dit le Sage. S'il n'y mettoit feulement Que les gens du bas étage, On pourroit aucunement
Souffrir ce défaut aux hommes:
Mais que tous tant que nous fommes, Nous mentions, grand & petit, Si quelqu'autre l'avoit dit,
Je foutiendrois le contraire. Et même qui mentiroit
Comme Efope, & comme Homere, Un vrai menteur ne feroit.
Le doux charme de maint fonge Par leur bel art inventé,
Sous les habits du menfonge Nous offre la vérité.
L'un & l'autre a fait un livre Que je tiens digne de vivre. Sans fin, & plus s'il fe peut: Comme eux ne ment pas qui veut. Mais mentir comme fut faire Un certain Dépofitaire
Payé par fon propre mot,
Et d'un méchant, & d'un fot. Voici le fait. Un Trafiquant de Perfe Chez fon voifin s'en allant en commerce, Mit en dépôt un cent de fer un jour. Mon fer, dit-il, quand il fut de retour. Votre fer? Il n'eft plus : j'ai regret de vous dire, Qu'un Rat l'a mangé tout entier.
J'en ai grondé mes gens : mais qu'y faire? Un grenier A toujours quelque trou. Le trafiquant admire Un tel prodige, & feint de le croire pourtant. Au bout de quelques jours il détourne l'enfant Du perfide voifin, puis à fouper convie
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