Je t'attraperai bien, dit-il. Et voici comme. Auffi-tôt fait que dit, le fidéle émoucheur Vous empoigne un pavé, le lancé avec roideur, Caffe la tête à l'homme en écrafant la mouche, Et non moins bon archer que mauvais raisonneur, Roide mort étendu fur la place il le couche.
Rien n'eft fi dangereux qu'un ignorant ami : Mieux vaudroit un fage ennemi.
Deux vrais amis vivoient au (1) Monomotapa:
L'un ne poffédoit rien qui n'appartint à l'autre : Les amis de ce pays-là
Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
Une nuit que chacun s'occupoit au fommeil, Et mettoit à profit l'abfence du Soleil, Un de nos deux amis fort du lit en alarme : Il court chez fon intime, éveille les valets : (a) Morphée avoit touché le feuil de ce palais. L'ami couché s'étonne, il prend fa bourfe, il s'arme, Vient trouver l'autre, & dit : Il vous arrive peu De courir quand on dort : vous me paroiffiez homme
(1) Pays au Sud-eft de l'Afri
(a) Le Dieu du fommeil,c'eft à-dire, Tout le monde dormois dans ce Palais.
A mieux user du temps destiné pour le fomme: N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu? En voici: s'il vous eft venu quelque querelle, J'ai mon épée, allons: Vous ennuyez-vous point De coucher toujours feul ? Une esclave affez belle Etoit à mes côtés, voulez-vous qu'on l'appelle? Non, dit l'ami, ce n'eft ni l'un ni l'autre point: Je vous rens grace de ce zéle.
Vous m'étes, en dormant, un peu triste apparu : J'ai craint qu'il ne fùt vrai, je fuis vite accouru. Ce maudit fonge en est la cause.
Qui d'eux aimoit le mieux, que t'en semble, Lecteur? Cette difficulté vaut bien qu'on la propose.
Qu'un ami véritable eft une douce chofe! Il cherche vos befoins au fond de votre cœur: Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un fonge, un rien, tout lui fait peur Quand il s'agit de ce qu'il aime.
Le Cochon, la Chévre, & le Mouton.
U Ne Chévre, un Mouton, avec un Cochon gras,
Montés fur même char, s'en alloient à la Foire: Leur divertiffement ne les y portoit pas ;
On s'en alloit les vendre, à ce que dit l'Histoire: Le Charton n'avoit pas deffein
De les mener voir (a) Tabarin.
Dom Pourceau crioit en chemin,
Comme s'il avoit eu cent Bouchers à fes trouffes: C'étoit une clameur à rendre les gens fourds. Les autres animaux, créatures plus douces, Bonnes gens, s'étonnoient qu'il criât au fecours: Ils ne voyoient nul mal à craindre.
Le Charton dit au Porc: Qu'as-tu tant à te plaindre? Tu nous étourdis tous, que ne te tiens-tu coi? Ces deux perfonnes-ci, plus honnêtes que toi, Devroient t'apprendre à vivre, ou du moins à te taire, Regarde ce Mouton : a-t-il dit un feul mot? Il eft fage. Il est un fot,
Repartit le Cochon : s'il favoit fon affaire, Il crieroit comme moi du haut de fon gofier; Et cette autre perfonne honnête, Crieroit tout du haut de fa tête.
Ils penfent qu'on les veut feulement décharger, La Chévre de fon lait, le Mouton de fa laine. Je ne fai pas s'ils ont raison, Mais quant à moi qui ne fuis bon Qu'à manger, ma mort est certaine. Adieu mon toit & ma maison..
Dom Pourceau raifonnoit en fubtil perfonnage: Mais que lui fervoit-il? Quand le mal eft certain, La plainte ni la peur ne changent le destin; Et le moins prévoyant cit toujours le plus fage. (a) Nom d'un Farceur, pour toute la Troupe.
Veut revoir fur le Parnaffe
Des Fables de ma façon;
Or d'aller lui dire, Non, Sans quelque valable excuse, Ce n'est pas comme on en use Avec des Divinités,
Sur tout quand ce font de celles Que la qualité de Belles Fait Reines des volontés. Car afin que l'on le fache, C'est Sillery qui s'attache A vouloir que de nouveau Sire Loup, Sire Corbeau Chez moi fe parlent en rime. Qui dit Sillery, dit tout : Peu de gens en leur estime Lui refufent le haut bout. Comment le pourroit-on faire?
(1) Ecrivain célébre, qui en Profe Italienne, admirée des connoiffeurs, a compofé des
Contes, dont plufieurs ont été agréablement imités en vers par La Fontaine,
Pour venir à notre affaire,
Mes Contes, à fon avis, Sont obfcurs. Les beaux efprits N'entendent pas toute chofe: Faifons donc quelques récits Qu'elle déchifre fans glofe.
Amenons des Bergers, & puis nous rimerons Ce que difent entre eux les Loups & les Moutons.
Tircis difoit un jour à la jeune Amarante, Ah! Si vous connoiffiez comme moi certain mal Qui nous plaît & qui nous enchante! Il n'eft bien fous le Ciel qui vous parût égal. Souffrez qu'on vous le communique: Croyez-moi, n'ayez point de peur.
Voudrois-je vous tromper, vous pour qui je me pique Des plus doux fentimens que puiffe avoir un cœur? Amarante auffi-tôt replique :
Comment l'appellez-vous ce mal? Quel est fon nom? L'amour. Ce mot eft beau: dites-moi quelques
A quoi je le pourrai connoître : que fent-on ? Des peines près de qui le plaifir des Monarques Eft ennuyeux & fade: on s'oublie, on fe plaît Toute feule en une forêt.
Se mire-t-on près d'un rivage?
Ce n'eft pas foi qu'on voit, on ne voit qu'une image Qui fans ceffe revient, & qui fuit en tous lieux : Pour tout le refte on eft fans yeux.
Il est un Berger du village
Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir:
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