L'enfeigne fait la chalandise.
J'ai vu dans le Palais une robe mal mife
Gagner gros: les gens l'avoient prife Pour Maître tel, qui traînoit après foi Force écoutans: Demandez-moi pourquoi.
FABLE X V I.
Le Chat, la Belette, & le petit Lapin.
DU palais d'un jeune Lapin
Dame Belette, un beau matin, S'empara c'est une rufée.
Le Maître étant abfent, ce lui fut chofe aifée. Elle porta chez lui fes Pénates un jour Qu'il étoit allé faire à l'Aurore fa cour, Parmi le thim & la rofée.
Après qu'il eut brouté, troté, fait tous les tours Janot Lapin retourne aux foûterrains féjours. La Belette avoit mis le nez à la fenêtre. O Dieux hofpitaliers, que vois-je ici paroître ? Dit l'animal chassé du paternel logis: Holà, Madame la Belette,
Que l'on déloge fans trompette,
Ou je vais avertir tous les Rats du pays. La Dame au nez pointu répondit que la terre Etoit au premier occupant.
C'étoit un beau fujet de guerre
Qu'un logis où lui-même il n'entroit qu'en ram
Et quand ce feroit un Royaume, Je voudrois bien favoir, dit-elle, quelle loi En a pour toujours fait l'octroi
A Jean fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume, Plûtôt qu'à Paul, plûtôt qu'à moi.
Jean Lapin allégua la coutume & l'usage. Ce font, dit-il, leurs loix qui m'ont de ce logis Rendu maître & Seigneur ; & qui de pere en fils L'ont de Pierre à Simon, puis à moi Jean transmis, Le premier occupant eft-ce une loi plus fage? Or bien fans crier davantage,,
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. C'étoit un Chat vivant comme un dévot hermite, Un Chat faifant la chatemite,
Un faint homme de Chat, bien fourré, gros & gras, Arbitre expert fur tous les cas.
Jean Lapin pour Juge l'agrée. Les voilà tous deux arrivés Devant fa Majesté fourrée.
Grippeminaud leur dit : Mes enfans, approchez, Approchez: je fuis fourd, les ans en font la caufe. L'un & l'autre approcha, ne craignant nulle chose. Auffi-tôt qu'à portée il vit les contestans, Grippeminaud le bon apôtre
Jettant des deux côtés la griffe en même temps, Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un & l'autre
Ceci reffemble fort aux débats qu'ont parfois Les petits Souverains fe rapportans aux Rois.
(1) La tête & la queue du Serpent.
LE Serpent a deux parties Du genre humain ennemies, Tête & queue; & toutes deux Ont acquis un nom fameux Auprès des Parques cruelles, Si bien qu'autrefois, entre elles, Il furvint de grands débats Pour le pas.
La tête avoit toujours marché devant la La queue au Ciel fe plaignit,
Je fais mainte & mainte lieue, Comme il plaît à celle-ci.
Croit-elle que toujours j'en veuille user ainsi?
Je fuis fon humble fervante.
On m'a faite, Dieu merci, Sa fœur, & non fa fuivante. Toutes deux de même fang, Traitez-nous de même forte: Auffi-bien qu'elle, je porte Un poison prompt & puissant. Enfin, voilà ma requête :
(r) Cette Fable fe trouve dans la Vie d'Agis O Cléomenes, ch. 1. par PLUTARQUE, qui en fait une très-belle application à ceux qui dans le Gouver
nement fe livrent inconfiderément aux fantaifies du Peuple; & c'eft apparemment de là que La Fontaine l'a tirée.
C'eft à vous de commander Qu'on me laiffe précéder A mon tour ma fœur la tête. Je la conduirai fi bien,
Qu'on ne fe plaindra de rien.
Le Ciel eut pour fes vœux une bonté cruelle. Souvent fa complaisance a de méchans effets. Il devroit être fourd aux aveugles fouhaits. Il ne le fut pas lors : & la guide nouvelle, Qui ne voyoit au grand jour,
Pas plus clair que dans un four, Donnoit tantôt contre un marbre,
Contre un paffant, contre un arbre: Droit aux ombres du Styx elle mena fa fœur. Malheureux les Etats tombés dans fon erreur.
Un Animal dans la Lune.
Pendant qu'un Philofophe affure,
Que toujours par leurs fens les hommes font dupés, Un autre Philofophe-jure
Qu'ils ne nous ont jamais trompés,
Tous les deux ont raifon ; & la Philofophie Dit vrai, quand elle dit, que les fens tromperont Tant que fur leur rapport les hommes jugeront. Mais auffi fi l'on rectifie
L'image de l'objet fur fon éloignement,
Sur le milieu qui l'environne, Sur l'organe & fur l'instrument, Les fens ne tromperont perfonne. La Nature ordonna ces chofes fagement : J'en dirai quelque jour les raisons amplement. J'apperçois le Soleil, quelle en eft la figure? Ici-bas ce grand Corps n'a que trois piéds de tour: Mais fi je le voyois là-haut dans fon féjour, Que feroit-ce à mes yeux que (1) l'œil de la Nature? Sa distance me fait juger de fa grandeur : Sur l'angle & les côtés ma main la détermine. L'ignorant le croit plat, j'épaiffis fa rondeur: Je le rens immobile; & la Terre chemine. Bref, je déments mes yeux en toute sa machine. Ce fens ne me nuit point par fon illufion. Mon ame, en toute occafion,
Développe le vrai caché fous l'apparence. Je ne fuis point d'intelligence
Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts; Ni mon oreille lente à m'apporter les fons. Quand (a) l'eau courbe un bâton, ma raison le re- dreffe:
La raifon décide en maitreffe.
Mes yeux, moyennant ce secours,
Ne me trompent jamais en me mentant toujours. Si je crois leur rapport, erreur affez commune, Une tête de femme eft au corps de la Lune.
(1) Il n'eft pas fort néceflaire, ce me femble, d'expliquer comment le Soleil eft l'œil de la Nature, à ceux qui croyent l'entendre ; & je me joins à ceux
qui demandent cette explication, parce que je ne faurois la
(a) Parce qu'il paroît courbé dans l'eau.
« PreviousContinue » |