FABLE V I. Le Cerf malade. EN pays plein de Cerfs un Cerf tomba malade. Incontinent maint camarade Accourt à fon grabat le voir, le fecourir, La Parque m'expédie, & finiffez vos pleurs. De ce trifte devoir tout au long s'acquitterent: Ce ne fut pas fans boire un coup; D'un mal il tomba dans un pire; Il en coûte à qui vous réclame, FABLE VII. La Chauve-Souris, le Buiffon & le Canard. I LE Buiffon, le Canard & la Chauve-Souris, Ils faifoient petite fortune, Vont trafiquer au loin, & font bourse commune. Des Registres exacts de mife & de recette. Tout alloit bien, quand leur emplette, Alla toute emballée au fond des magasins, Notre Trio pouffa maint regret inutile, Le plus petit Marchand eft favant fur ce point: Les voilà fans crédit, fans argent, fans ressource, Et le fort principal, & les gros intérêts, (1) C'eft-à-dire, au fond des caux. Tartare, l'un des noms dont les Poëtes fe fervent pour déligner les Enfers. (2) Qu'autrefois les Banqueroutiers étoient obligés de porter. Et les Sergens, & les Procès, N'occupoient le Trio qu'à chercher maint détour, Que certains gouffres nous ont prises. Le Plongeon, fous les eaux s'en alloit les chercher. L'Oifeau Chauve-Souris n'ofoit plus approcher, Pendant le jour, nulle demeure: Suivi des Sergens à toute heure, En des trous il s'alloit cacher. Je connois maint detteur, qui n'eft ni Souris-Chauve, Ni Buiffon, ni Canard, ni dans tel cas tombé, Mais fimple grand Seigneur, qui tous les jours fe fauve Par un efcalier dérobé. FABLE VIII. La querelle des Chiens & des Chats, & celle des Chats & des Souris. LA Difcorde a toujours régné dans l'Univers ; Notre monde en fournit mille exemples divers. Commençons par les Elemens : Vous ferez étonnés de voir qu'à tous momens Autrefois un logis plein de Chiens & de Chats, Vit terminer tous leurs débats. Le Maître ayant reglé leurs emplois, leurs repas, Et menacé du fouet quiconque auroit querelle, Ces animaux vivoient entr'eux comme coufins. Cette union fi douce, & prefque fraternelle Edifioit tous les voifins. Enfin elle ceffa. Quelque plat de potage, Quelque os, par préférence, à quelqu'un d'eux donné, Fit que l'autre parti s'en vint tout forcené Représenter un tel outrage. J'ai vu des Croniqueurs attribuer le cas Aux paffe-droits qu'avoit une Chienne en géfine: Quoi qu'il en foit, cet altercas Mit en combustion la fale & la cuisine. Chacun fe déclara pour fon Chat, pour fon Chien. On fit un Réglement dont les Chats fe plaignirent Et tout le quartier étourdirent. Leur Avocat difoit, qu'il falloit bel & bien Recourir aux Arrêts. En vain ils les chercherent. Dans un coin où d'abord leurs Agens les cacherent, Les Souris enfin les mangerent. Autre Procès nouveau : le peuple Souriquois Les guetta, les prit, fit main baffe. Le Maître du logis ne s'en trouva que mieux. J'en reviens à mon dire. On ne voit fous les Cieux Qui n'ait fon oppofé: c'est la loi de Nature. Ce que je fais, c'est qu'aux groffes paroles On en vient, fur un rien, plus des trois quarts du temps. Humains, il vous faudroit encore à foixante ans (1) Renvoyer chez les Barbacoles. (1) Comme de petits enfans, qui, toujours prêts à s'emporter à fe quereller fort férieufement pour de pures bagatelles, doivent être corrigés de cette humeur riotense par leurs Maîtres, que La Fontaine nomme Barbacoles terme plaifant & burlefque, emprunté des Italiens, qui l'ont inventé pour défigner un Maître d'Ecole qui, pour fe rendre plus vénérable à fes Ecoliers, porte une longue barbe, Barbam colit. FABLE IX. Le Loup & le Renard. (1) D'Où vient que perfonne en la vie (1) Légere imitation du commencement de la premiere Satire d'Horace. Qui fit Marenas, ut nemo quam fibi fortem, |