Ces Anes, non contens de s'être ainfi gratés, S'en allerent dans les Cités L'un l'autre fe prôner. Chacun d'eux croyoit faire En prifant fes pareils, une fort bonne affaire, Prétendant que l'honneur en reviendroit fur lui. J'en connois beaucoup aujourd'hui, Non parmi les Baudets, mais parmi les Puiffances Que le Ciel voulut mettre en de plus hauts degrés, Qui (3) changeroient entr'eux les fimples Excellences, S'ils ofoient, en des Majeftés. J'en dis peut-être plus qu'il ne faut ; & suppose L'amour propre, Elle avoit fouhaité d'apprendre quelque trait (3) Se donneroient des titres d'honneur fuperieurs à ceux qui appartiennent à leur rang, com me les Princes qui affecteroient d'être traités en Rois. M FABLE V I. Le Loup & le Renard. Ais d'où vient qu'au Renard Efope accorde un C'est d'exceller en tours pleins de matoiferie. N'en fait-il pas autant que lui? Je crois qu'il en fait plus, & j'oferois peut-être Deux fceaux alternativement' Notre Renard pressé par une faim (1) canine, Voilà l'animal defcendu, Tiré d'erreur, mais fort en peine; Car comment remonter, fi quelqu'autre affamé, (a) La forme ronde de la Lune dans l'eau. (1) Très-grande faim, à la quelle font fujets les Chiens, & bien d'autres animaux. Et fuccedant à fa mifére Par le même chemin ne le tiroit d'affaire? Deux jours s'étoient paffés fans qu'aucun vînt au puits: Le temps qui toujours marche, avoit, pendant deux nuits, Echancré, felon l'ordinaire, (b) De l'aftre au front d'argent la face circulaire. Sire Renard étoit défefpéré. Compere Loup, le gosier altéré, Reprendroit l'appétit en tâtant d'un tel mets. Le refte vous fera fuffifante pâture.. Ne nous en moquons point: nous nous laiffons fé duire Sur auffi peu de fondement; (b) Vers très-figuré, qui fignifie que la Lune commençant à dé croître, ne paroiffoit plus ronde (c) Dieu des Troupeaux. FABLE VII. Le Payfan du Danube. Il ne faut point juger des gens fur l'apparence. L Le confeil en eft bon, mais il n'est pas nouveau. Jadis, l'erreur du (1) Souriceau Me fervit à prouver le difcours que j'avance. Le bon (2) Socrate, Efope, & certain Payfan Nous fait un portrait fort fidéle. On connoît les premiers : quant à l'autre, voici Son menton nourriffoit une barbe touffue, Repréfentoit un Ours, mais un Ours mal lèché. Cet homme, ainfi bâti, fut député des Villes (1) Qui charmé de l'air doucereux du Chat, fut fur le point de s'aller livrer entre fes pattes. Liv. VI. Fab. V. (2) Le plus fage des Philofophes, & le plus moral, mais d'un extérieur à peu près auffi difgracié que celui qu'on donne communément à Esope. (a) Grand fleuve d'Allemagne. (b) Sage Empereur Romain du fecond fiécle. (c) Sorte d'habit groffier, Où l'avarice des Romains Ne pénétrât alors, & ne portât les mains. Je fupplie, avant tout, les Dieux de m'affister : Sans leur aide il ne peut entrer dans les efprits, Faute d'y recourir on viole leurs loix, Témoin nous que punit la Romaine avarice. Craignez, Romains, craignez, que le Ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs & la mifére, Nos efclaves à votre tour. Et pourquoi fommes-nous les vôtres ? Qu'on me die En quoi vous valez mieux que cent peuples divers? Quel droit vous a rendus maîtres de l'Univers? Pourquoi venir troubler une innocente vie? Nous cultivions en paix d'heureux champs; & nos mains Etoient propres aux Arts, ainsi qu'au labourage : Qu'avez-vous appris aux (d) Germains? S'ils avoient eu l'avidité, (d) Les Allemans. Comme |