FABLE XIII. MEre La Lionne & l'Ours. Ere Lionne avoit perdu fon Fan: Un Chaffeur l'avoit pris. La pauvre infortunée Que toute la Forêt étoit importunée. Son filence & fes autres charmes, De la Reine des Bois n'arrêtoit les vacarmes. L'Ours enfin lui dit : Ma commere, Ils en avoient. S'il eft ainfi, Et qu'aucun, de leur mort n'ait nos têtes rompues, Si tant de meres fe font tues, Que ne vous taifez-vous auffi? Moi me taire ? Moi malheureuse! Ah, j'ai perdu mon fils! Il me faudra traîner Une vieilleffe douloureufe. Dites-moi, qui vous force à vous y condamner? Hélas! C'eft le Deftin qui me hait. Ces paroles Ont été de tout temps en la bouche de tous. Miférables humains, ceci s'adreffe à vous. Qu'il confidére (1) Hécube, il rendra grace aux Dieux. (1) Femme du Roi Priam, réduite en efclavage après avoir vu mettre à mort fon mari, & la plûpart de fes enfans, &c. Les deux Aventuriers & le Talifman. A Ucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire. J'en vois peu dans la Fable, encor moins dans l'Hif toire. En voici pourtant un, que de vieux (1) Talismans Son camarade & lui trouverent un poteau, Seigneur Aventurier, s'il te prend quelque envie Puis prenant dans tes bras un Eléphant de pierre, (1) Certaines figures gravées ou taillées fur quelque pierre ou métal avec plufieurs vaines obfervations fur les caractéres & les difpofitions des Corps céleftes auxquelles figures les, Charlatans attribuent des vertus merveilleufes. (2) Hiftoires de pure invenII. Partie. tion, dont la plupart font compofées de faits arrivés dans des lieux tout auffi chimériques que ces faits. Telle eft l'aventure qui fait le fujet de cette Fable. (3) Qui court de contrée en contrée pour chercher des aven tures. Que tu verras couché par terre, Le porter d'une haleine au fommet de ce mont Dit-il, & fuppofé qu'on la puisse passer, Le fage l'aura fait par tel art & de guise, Propre à mettre au bout d'un bâton : Ne purent l'arrêter; & felon l'écriteau Le peuple auffi-tôt fort en armes. Tout autre Aventurier, au bruit de ces alarmes, pas Le proclamer Monarque au lieu de fon Roi mort. (a) Sixte en difoit autant quand on le fit faint Pere, (Seroit-ce bien une mifére Que d'être Pape, ou d'être Roi ?) On reconnut bientôt fon peu de bonne foi. Fortune aveugle fuit aveugle hardieffe. FABLE X V. Les Lapins. DISCOURS A M. LE DUC DE LA ROCHEFOUCAULT. JE me fuis fouvent dit, voyant de quelle forte L'homme agit, & qu'il se comporte En mille occafions comme les animaux, A mis dans chaque créature Quelque grain d'une masse où puisent les efprits, A l'heure de l'affut, foit lorfque la lumiére Et Un Lapin qui n'y pensoit guére. Je vois fuir auffi-tôt toute la nation Des Lapins, qui fur la bruyere, L'œil éveillé, l'oreille au guet, S'égayoient, & de thim parfumoient leur banquet. Le bruit du coup fait que la bande S'en va chercher fa fûreté Dans la foûterraine cité : Mais le danger s'oublie ; & cette peur fi grande A peine ils touchent le port, Sous les mains de la fortune. Joignons à cet exemple une chofe commune. Quand des Chiens étrangers paffent par quelque endroit Qui n'eft pas de leur détroit, Je laiffe à penfer quelle fête. |