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Par fa propre & pure folie,

Il le lança dedans. Ce fut mal raisonné:
Ce Cierge ne favoit grain de Philosophie.
Tout en tout eft divers : ôtez-vous de l'efprit
Qu'aucun être ait été compofé fur le vôtre.
L'Empedocle de cire au brafier se fondit :
Il n'étoit pas plus fou que l'autre.

FABLE XIII.

Jupiter & le Paffager.

O Combien le péril enrichiroit les Dieux, •

Si nous nous fouvenions des vœux qu'il nous fait faire!
Mais le péril paffé, l'on ne fe fouvient guére
De ce qu'on a promis aux Cieux :

On compte feulement ce qu'on doit à la terre.
Jupiter, dit l'impie, eft un bon créancier :
Il ne fe fert jamais d'Huiffier.
Eh qu'eft-ce donc que le tonnerre,

Comment appellez-vous ces avertissemens?

Un paffager pendant l'orage
Avoit voué cent boeufs au vainqueur des Titans,
Il n'en avoit pas un : voiier cent Eléphans
N'auroit pas coûté davantage.

Il brûla quelques os quand il fut au rivage.
Au nez de Jupiter la fumée en monta.
Sire Jupin, dit-il, pren mon vou, le voilà :
C'eft un parfum de Boeuf que ta grandeur refpire.

La fumée eft ta part: je ne te dois plus rien.
Jupiter fit femblant de rire :

Mais après quelques jours le Dieu l'attrappa bien, Envoyant un fonge lui dire

Qu'un tel tréfor étoit en tel lieu. L'homme au vœu
Courut au tréfor comme au feu.

Il trouva des voleurs ; & n'ayant dans sa bourse
Qu'un écu pour toute ressource,

Il leur promit cent talens d'or,
Bien comptés & d'un tel tréfor:
On l'avoit enterré dedans telle Bourgade.
L'endroit parut fufpect aux voleurs, de façon
Qu'à notre prometteur l'un dit : Mon camarade,
Tu te moques de nous, meurs ; & va chez Pluton
Porter tes cent talens en don.

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LE Chat & le Renard, comme beaux petits Saints,

S'en alloient en pélerinage.

C'étoient deux vrais (a) Tartufs, deux (a) Archipatelins,

Deux francs Pate-pelus, qui des frais du voyage,
Croquant mainte volaille, efcroquant maint fromage,
S'indemnifoient à qui mieux mieux.

Le chemin étant long, & partant ennuyeux,
Pour l'accourcir ils difputerent.

La difpute eft d'un grand fecours:

(a) De francs hypocrites.

Sans elle on dormiroit toujours.
Nos Pélerins s'égofillerent.

Ayant bien difputé l'on parla du prochain.
Le Renard au Chat dit enfin :

Tu prétens être fort habile,

En fais-tu tant que moi ? J'ai cent rufes au fac.
Non, dit l'autre, je n'ai qu'un tour dans mon biffac,
Mais je foutiens qu'il en vaut mille.

Eux de recommencer la difpute à l'envi.
Sur le que-fi que-non, tous deux étant ainsi,
Une meute appaifa la noise.

Le Chat dit au Renard : Fouille en ton fac, ami:
Cherche en ta cervelle matoise

Un ftratagême fûr : Pour moi, voici le mien.
A ces mots, fur un arbre il grimpa bel & bien.
L'autre fit cent tours inutiles,

Entra dans cent Terriers, mit cent fois en (1) défaut
Tous les confreres de Brifaut.
Partout il tenta des afyles;

Et ce fut partout fans fuccès;

(b) La fumée y pourvut ainfi que les (c) Baffets. Au fortir d'un Terrier deux Chiens aux piéds agiles L'étranglerent du premier bond.

Le trop d'expédiens peut gâter une affaire: On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire:

N'en ayons qu'un, mais qu'il foit bon.

(1) Leur donna le change les dérouta en cent maniéres différentes.

(b) Quand un Renard eft dans

un terrier, on l'enfume pou l'obliger d'en fortir.

(c) Certains petits Chiens qui entrent fous terre.

FABLE X V.

Le Mari, la Femme, & le Voleur.

UN mari fort amoureux,

Fort amoureux de fa femme,

Bien qu'il fût jouiffant, se croyoit malheureux.
Jamais œillade de la Dame,
Propos flatteur & gracieux,
Mot d'amitié, ni doux foûrire,
Déifiant le pauvre Sire,

N'avoient fait foupçonner qu'il fût vraiment chéri.
Je le crois, c'étoit un mari.
Il ne tint point à l'hymenée
Que, content de fa deftinée,
Il n'en remerciât les Dieux.
Mais quoi? Si l'amour n'assaisonne
Les plaifirs que l'hymen nous donne,
Je ne vois pas qu'on en foit mieux.
Notre époufe étant donc de la forte bâtie,
Et n'ayant careffé son mari de sa vie,
Il en faifoit fa plainte une nuit. Un voleur
Interrompit la doléance.

La pauvre femme eut fi grand peur,
Qu'elle chercha quelque affurance
Entre les bras de fon époux.

Ami voleur, dit-il, fans toi ce bien fi doux
Me feroit inconnu. Pren donc en récompenfe
Tout ce qui peut chez nous être à ta bieniéance,
Pren le logis auffi. Les voleurs ne font pas

Gens honteux, ni fort délicats:

Celui-ci fit fa main. J'infére de ce conte
Que la plus forte paffion,

C'est la peur : elle fait vaincre l'aversion;
Et l'amour quelquefois : quelquefois (1) il la domte:
J'en ai pour preuve cet amant,

Qui brula fa maison pour embraffer fa Dame,
L'emportant à travers la flamme.
J'aime affez cet emportement :
Le conte m'en a plû toujours infiniment :
Il est bien d'une ame Espagnole,
Et plus grande encore que folle.

(1) Et quelquefois c'eft l'amour qui domte la peur, té

maifon pour emporter fa Maî treffe au travers des flammes.

moin cet amant qui brûla fa

FABLE X V I.

Le Tréfor & les deux Hommes.

UN homme n'ayant plus ni crédit, ni ressource,

Et logeant le diable en fa bourse,
C'est-à-dire, n'y logeant rien,
S'imagina qu'il feroit bien

De fe pendre, & finir lui-même sa misere,
Puifqu'auffi-bien fans lui la faim le viendroit faire :
Genre de mort qui ne duit pas

A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille mafure
Fut la fcéne où devoit fe paffer l'aventure:

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