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Qui, tout couverts de pouffiére,
Soutinrent affez long-temps
Les efforts des combattans,
Leur résistance fut vaine.
Il fallut céder au fort:
Chacun s'enfuit au plus fort,
Tant foldat, que capitaine.
Les Princes périrent tous.
La racaille dans des trous
Trouvant fa retraite prête,
Se fauva fans grand travail.
Mais les Seigneurs fur leur tête
Ayant chacun un plumail,
Des cornes ou des aigrettes,
Soit comme marques d'honneur,
Soit afin que les Belettes
En conçuffent plus de peur,
Cela caufa leur malheur.

Trou, ni fente, ni crevaffe

Ne fut large affez pour eux:

Au lieu que la populace

Entroit dans les moindres creux.

La principale jonchée

Fut donc des principaux Rats.

Une tête empanachée

N'est pas petit embarras.
Le trop fuperbe équipage
Peut fouvent en un passage
Caufer du retardement.
Les petits en toute affaire

Efquivent fort aisément :

Les grands ne le peuvent faire.

FABLE VII.

Le Singe & le Dauphin.
C'Etoit chez les Grecs un usage
Que fur la mer tous voyageurs
Menoient avec eux en voyage
Singes & Chiens de bâteleurs.
Un navire en cet équipage
Non loin d'Athenes fit naufrage.
Sans les Dauphins tout eût péri.
Cet animal eft fort ami

De notre efpece : En fon histoire
Pline le dit, il le faut croire.
Il fauva donc tout ce qu'il put.
Même un Singe en cette occurrence,
Profitant de la reffemblance,

Lui penfa devoir fon falut.

Un Dauphin le prit pour un homme,
Et fur fon dos le fit affeoir
Si gravement qu'on eût crû voir
Ce (1) chanteur que tant on renomme.
Le Dauphin l'alloit mettre à bord,
Quand, par hazard il lui demande :
Etes-vous d'Athenes la grande?

(1) C'est Arion, fauvé d'un naufrage par un Dauphin. Sur ce Fait merveilleux, voyez Herodote, Liv. I.

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Oui, dit l'autre, on m'y connoît fort:
S'il vous y furvient quelque affaire,
Employez-moi, car mes parens
Y tiennent tous les premiers rangs:
Un mien cousin est Juge-Maire.
Le Dauphin dit bien grand merci;
Et le (2) Pirée a part auffi

A l'honneur de votre présence?
Vous le voyez fouvent, je pense?
Tous les jours : il est mon ami,
C'est une vieille connoiffance.
Notre Magot prit pour ce coup
Le nom d'un port pour un nom d'homme.

De telles gens il est beaucoup,

Qui prendroient(3) Vaugirard pour(4)Rome;
Et qui, caquetans au plus dru,

Parlent de tout, & n'ont rien vû.

Le Dauphin rit, tourne la tête;
Et le magot confideré,

Il s'apperçoit qu'il n'a tiré

Du fond des eaux rien qu'une bête.
Il l'y replonge ; & va trouver
Quelque homme afin de le fauver.

(2) Fameux Port d'Athenes.
(3) Village près de Paris.
(4) La Capitale de l'Etat Ec-

clefiaftique, & la plus grande ville d'Italie.

FABLE VIII.

L'Homme & l'Idole de bois.

Certain Payen chez lui gardoit un Dieu de bois,

De ces Dieux qui font fourds, bien qu'ayant des oreilles.

Le Payen cependant s'en promettoit merveilles.
Il lui coûtoit autant que trois.

Ce n'étoit que vœux & qu'offrandes,

Sacrifices de Bœufs couronnés de guirlandes.
Jamais Idole, quel qu'il fût,

Sans

N'avoit eu cuisine si graffe,

que pour tout ce culte à fon hôté il échût Succeffion, tréfor, gain au jeu, nulle grace.

Bien plus, fi pour un fol d'orage en quelque endroit
S'amaffoit d'une ou d'autre forte,

L'homme en avoit fa part, & fa bourse en fouffroit.
La pitance du Dieu n'en étoit pas moins forte.
A la fin fe fachant de n'en obtenir rien,
Il vous prend un lévier, met en piéce l'Idole,
Le trouve rempli d'or. Quand je t'ai fait du bien,
M'as-tu valu, dit-il, feulement une obole?
Va, fors de mon logis, cherche d'autres autels.
Tu reffembies aux naturels

Malheureux, groffiers & ftupides:

On n'en peut rien tirer qu'avecque le bâton.
Plus je te rempliffois, plus mes mains étoient vuides;
J'ai bien fait de changer de ton.

FABLE IX.

Le Geai paré des plumes du Paon.
UN Paon muoit: un Geai prit fon plumage:

Puis après fe l'accommoda:
Puis, parmi d'autres Paons tout fier fe panada,
Croyant être un beau personnage.

Quelqu'un le reconnut: il fe vit bafoué,
Berné, fifflé, moqué, joué;

Et, par Meffieurs les Paons, plumé d'étrange forte
Même vers fes pareils s'étant réfugié,

Il fut par eux mis à la porte.

Il eft affez de Geais à deux piéds comme lui,
Qui fe parent fouvent des dépouilles d'autrui,
Et que l'on nomme Plagiaires.

Je m'en tais; & ne veux leur caufer nul ennui :
Ce ne font pas là mes affaires.

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Le Chameau & les Bâtons flottans.

LE premier qui vit un (1) Chameau,

S'enfuit à cet objet nouveau.

Le fecond approcha : le troifiéme ofa faire

(1) Animal propre à porter de gros fardeaux,

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