LIVRE DEUXIÈME. FABLE PREMIERE. Contre ceux qui ont le goût difficile. Quand j'aurois en naiffant reçû de Calliope Les dons qu'à fes Amans cette Muse a promis, On peut donner du luftre à leurs inventions: Cenfeurs, en voulez-vous qui foient plus autentiques D'un rare & nouvel artifice, Dans fes énormes flancs reçut le fage (1) Ulyffe, Le vaillant (1) Dioméde, (1) Ajax l'impétueux, Que ce Coloffe monstrueux Avec leurs efcadrons devoit porter dans Troye, Livrant à leur fureur fes Dieux mêmes en proie : Stratagême inoui, qui des Fabricateurs Paya la conftance & la peine. C'eft affez, me dira quelqu'un de nos Auteurs, Vos Héros avec leurs Phalanges, Ce font des contes plus étranges, Qu'un Renard qui cajole un Corbeau fur fa voix. De les porter à fon amant. Remettez, pour le mieux, ces deux vers à la fonte. Ne faurois-je achever mon conte? (1) Princes, Héros Grecs. Confeil tenu par les Rats. Faifoit de Rats telle déconfiture, Que l'on n'en voyoit presque plus, Tant il en avoit mis dedans la fépulture. Non pour un Chat, mais pour un diable. Le galant alla chercher femme, Pendant tout le fabbat qu'il fit avec fa Dame, Le demeurant des Rats tint Chapitre en un coin Sur la néceffité préfente. Dès l'abord, leur Doyen, personne très-prudente Opina qu'il falloit, & plûtôt que plus tard, Attacher un grelot au cou de Rodilard, Qu'ainfi, quand il iroit en guerre, De fa marche avertis ils s'enfuiroient fous terre : Chacun fut de l'avis de Monfieur le Doyen. La difficulté fut d'attacher le grelot. Ne faut-il que déliberer? La Cour en Confeillers foifonne. L'on ne rencontre plus perfonne. (1) Voire, eft un vieux mot, mais fi bien placé dans cet endroit, que les Dames qui lifent cette Fable ne s'apperçoivent pas de fon ancienneté. D'où je Tuis tenté de conclure qu'on pourroit employer avec fuccès bien des mots furannés qu'on a Laiffé perdre fans en mettre d'au tres à la place, & qui employés à propos, plairoient comme dans La Fontaine ; ce qu'on ne peut pas dire de cette foule de mots nouveaux qu'on fubftitue tous les jours à d'autres trèsufités, qui par là font en danger de fe perdre. FABLE I I I. Le Loup plaidant contre le Renard pardevant le Singe. UN Loup difoit que l'on l'avoit volé. Un Renard, fon voisin, d'affez mauvaise vie, Devant le Singe il fut plaidé, Non point par Avocats, mais par chaque Partie, Thémis n'avoit point travaillé De mémoire de Singe à Fait plus embrouillé. Le Juge inftruit de leur malice, Leur dit : Je vous connois de long-temps, mes amis; Quelques perfonnes de bon fens ont cru que l'impoffibilité &la contradiction qui eft dans le Jugement de ce Singe, étoit une chofe à cenfurer, mais je ne m'en fuis fervi qu'après Phédre. C'est en cela que confifte le bon mot, felon mon avis. FABLE IV. Les deux Taureaux & une Grenouille: Deux Taureaux combattoient à qui poffèderoit Une Géniffe avec l'Empire. |