FABLE X X. La Difcorde. LA Déeffe Difcorde ayant brouillé les Dieux, Elle, (1) & Que-fi-que-non fon frere, Elle nous fit l'honneur en ce bas Univers A celui des (2) mortels qui nous font oppofés, Et qui fe mariant fans Prêtre & fans Notaire, (a) La Pomme d'or prétendue par Junon, Pallas & Vénus; & qui fut donnée à la derniere Par Paris. (1) Que fi, que non termes que répetent inceffamment ceux qui font en difpute, l'un pour affirmer ce que l'autre nie. Les uns difent que fi, & les autres que non. Scarron, Pief. (2) Nous les nommons nos Antipodes; & nous fommes leurs Antipodes à leur égard étant oppofés à eux comme ils le font à nous. Que l'on ne lui trouvoit jamais Bien fouvent l'on perdoit à la chercher sa peine. Comme il n'étoit alors aucun Couvent de Filles, L'Auberge enfin de l'Hymenée FABLE X X I. La jeune Veuve. LA perte d'un Epoux ne va point fans foupirs. On fait beaucoup de bruit, & puis on fe confole. Entre la veuve d'une année, La différence eft grande. On ne croiroit jamais L'une fait fuir les gens, & l'autre a mille attraits: Aux foupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne: C'est toujours même note, & pareil entretien : On dit qu'on eft inconsolable: On le dit, mais il n'en eft rien, Comme on verra par cette Fable, L'Epoux d'une jeune beauté Partoit pour l'autre monde. A fes côtés fa femme La Belle avoit un pere, homme prudent & fage ; A la fin, pour la confoler, Ma fille, lui dit-il, c'eft trop verfer de larmes : Qu'a befoin le défunt que vous noyiez vos charmes? Puifqu'il eft des vivans, ne fongez plus aux morts. Je ne dis pas que tout à l'heure Une condition meilleure Change en des nôces ces transports : Mais après certain temps, fouffrez qu'on vous propofe Un Epoux beau, bien fait, jeune, & tout autre chofe Que le défunt. Ah! dit-elle auffi-tốt, Un Cloître eft l'Epoux qu'il me faut. Le pere lui laiffa digérer fa difgrace. Un mois de la forte fe paffe. L'autre mois, on l'emploie à changer tous les jours Revient au (1) colombier : les jeux, les ris, la danfe Ont auffi leur tour à la fin. Dans la (2) fontaine de Jouvence. Le pere ne craint plus ce défunt tant chéri: Que vous m'avez promis? dit-elle. (1) Les Amours rentrent en foule dans le cœur de la Veuve, leur véritable domaine, leur féjour naturel & ordinaire: ce que La Fontaine a pris plaifir d'appeller Revenir au Colombier, expreffion proverbiale, qui a été introduite dans la Langue, par allufion à ce que font les Pigeons, qui tranfportez bien loin de chez eux, reviennent toujours au Colombier, où ils ont reçû leur premiere nourriture. (2) Dans les plaisirs dont la Jeuneffe aime à faire fon unique amufement. Par la Fontaine de Jouvence (fiction Romanesque) on entend une eau qui a la propriété de rajeunir ceux qui en boivent. Grand dommage eft que ceci foit fornettes: Filles connois qui ne font pas jeu nettes, A qui cette Eau de Jouvence viendroit Bien à propos. Plaifante conclufion d'un ancien Rondeau, qu'on peut voir à la fin du XIve. Chapitre des Caractères de ce fiècle. (1) EPILOGUE. Bornons ici cette carriére. (2) Retournons à Pfyché : Damon, vous m'exhortez A peindre fes malheurs & fes félicitez. J'y confens peut-être ma veine En fa faveur s'échauffera. Heureux fi ce travail eft la derniere peine (2) Ici La Fontaine veut parler d'un petit Ouvrage en Profe & en Vers, où il a raconté trèsagréablement les Aventures de Pyché, mais qu'il n'avoit pas encore achevé quand il dit, Retournens à Pfyché. Quoique le fond de cet Ouvrage foit tiré d'Apulée, Auteur Latin, La Fontaine a trouvé le fecret de l'enrichir de plufieurs beaux Tableaux de fon invention, qui, felon l'opinion la plus générale, mettent l'Ouvrage François au deffus de l'original Latin. Fin du fixiéme Livre, & de la premiere Partie |