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permit de demander tout le temps qu'il voudroit. Thémistocle demanda un an; et dans ce temps-là, ayant suffisamment appris la langue des Perses, il parla au roi sans truchement.

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On crut d'abord que Thémistocle n'avoit entretenu le roi que des affaires de la Grèce; mais les changemens qui survinrent à la cour à cette époque, le rendirent suspect aux grands seigneurs, qui crurent qu'il avoit eu l'audace de parler librement au roi sur leur compte. Aussi les honneurs le roi faisoit aux autres étrangers n'approchoient pas de ceux qu'il faisoit à Thémistocle. Il le menoit à la chasse, le mettoit de tous ses plaisirs, et s'entretenoit familièrement avec lui. Il le présenta même à la reine sa mère, qui l'honora de son affection et lui donna les entrées chez elle. Il voulut aussi qu'il apprit la magie, qui étoit alors la philosophie des Perses.

La plupart des auteurs assurent que le roi lui donna trois villes pour son pain, pour son vin et pour sa viande, savoir: Magnésie, Lampsaque et Myonte. Percore et Palaescepsis, pour ses meubles et pour ses habits.

Pendant que Thémistocle jouissoit paisiblement des bienfaits de Xercès, on apprit que l'Egypte assistée des Athéniens, s'étoit révoltée ; que les vaisseaux des Grecs s'étoient avancés jusqu'à l'isle de Cypre et des côtes de Cilicie, et que Cimon étoit maître de la mer. A cette nouvelle, Xercès ordonna qu'on levât par tout des troupes, et fit partir des couriers vers Thémistocle qui étoit alors à Magnésie, pour l'engager à prendre en main la conduite de cette guerre contre les Grecs, et d'accomplir les promesses qu'il avoit faites.

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Thémistocle ne put être tenté de se mettre à la tête de cette expédition, ni par le ressentiment qu'il conservoit contre sa pairie, ni par la gloire de se voir élevé à ce haut point de puissance et d'autorité. Il craignit surtout de voir déshonorer ses grandes actions et ses anciens trophées, par cette lâcheté. Pour se mettre donc à couvert de ce malheur, il prit la généreuse résolution de terminer sa vie par une fin digne de lui. Il fit un sacrifice solemnel auquel il appela ses amis; et après les avoir embrassés et leur avoir fait les derniers adieux, il but du sang de taureau, ou, selon d'autres, il avala un poison fort prompt, et mourut ainsi à Magnésie, âgé de soixante-cinq ans, dont il avoit passé la plus grande partie dans le gouvernement de la république et dans le commandement des armées. Le roi, ayant appris la cause et la manière de sa mort, l'estima et l'admira encore d'avantage, et continua de traiter favorablement ses amis et ses domestiques.

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L A maison des Furiens n'avoit pas encore joui d'un grand éclat dans la république de Rome, il fut le premier de sa race qui acquit beaucoup de réputation; quoique jeune, il se signala dans la grande bataille contre les AEques et les Volsques, où il étoit simple cavalier, celui dont nous écrivons la vie; car, poussant son cheval entre les deux armées, il commença la charge, et malgré qu'il eût reçu d'abord un coup de javeline à la cuisse, il ne se retira point, mais après avoir arraché lui-même le fer de sa plaie, il s'attacha aux plus vaillans des ennemis, les renverså et les mit en fuite. Cette action lui acquit, outre tous les autres prix d'honneur, la charge de censeur, qui étoit alors très-considérable, et qui donnoit une très-grande autorité.

Dans cette charge, il fit deux choses remarquables : l'une, fort belle et fort honnête, qui fut d'obliger par ses remontrances et par ses amendes ceux qui n'étoient pas mariés, à épouser les veuves, qui étoient en fort grand ▾ nombre, à cause des guerres précédentes; et l'autre fort nécessaire; ce fut de mettre à la taille les orphelins, qui, jusqu'alors, avoient été exempts de toutes charges; on fut forcé d'en venir là par les dépenses excessives qu'entraînoient la guerre, et surtout le siége de Veïes, qui duroit déjà depuis sept ans.

Dans la dixième année de ce siége, le sénat ayant déposé tous les autres magistrats, créa dictateur Furius Camillus (1), qui nomma pour général de la cavalerie,

(1) Camillus étoit un surnom qu'on donnoit aux enfans des familles Patriciennes, qni servoient dans un temple, Furius fut le premier qui conserva ce surnom.

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