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NOTICE

SUR BEAUMARCHAIS.

BEAUMA

EAUMARCHAIS (Pierre-Augustin CARON DE) naquit à Paris le 24 janvier 1732. Son père était horloger, et le destinait à la même profession. Les premiers essais du jeune Caron pouvaient faire espérer qu'il serait un jour un artiste fort distingué. Néanmoins ses penchans, et la direction naturelle de son esprit, l'entraînèrent dans une autre carrière, et ce ne fut pas une des moindres bizarreries de sa destinée, que d'avoir été conduit à la fortune par la musique. Épris d'un goût très-vif pour cet art, il s'appliqua à l'étude de la harpe, et fit en peu de temps des progrès assez rapides pour devenir maître à son tour. Il étudia particulièrement les moyens de rendre la mécanique des pédales plus parfaite, et y réussit assez bien pour faire parler de lui. Mesdames Adélaïde et Victoire, filles de Louis XV, désiraient alors prendre des leçons de cet instrument on fit devant elles l'éloge de l'esprit et des talens de Beaumarchais; elles désirèrent le connaître, et se le firent présenter. Son esprit

1. Théâtre.

a

ne leur plut pas moins que ses talens; elles commencèrent par l'admettre à leurs concerts, et peu a peu à dans leur société la plus intime. Cette époque fut celle de sa faveur et de sa fortune. Beaumarchais se lia étroitement avec Pâris Duverney, banquier de la cour; et dès lors, appuyé sur des relations puissantes, il n'eut que le choix des entreprises de finances, dans lesquelles on cherchait à l'intéresser, et parvint en peu de temps à une grande opulence. Il était à cette époque âgé de trente-cinq ans, et il jugea, d'après le monde où il vivait, que n'ayant eu jusque-là qu'une existence équivoque, il devait chercher les moyens d'honorer ses richesses. Ces moyens étaient en lui-même, et peu d'hommes en avaient été plus abondamment pourvus par la nature. Il composa, et fit représenter en 1767, le drame d'Eugénie, pièce remplie du plus attachant intérêt, et qui mérite de tenir un rang particulier dans les lettres. Trois ans après, l'auteur fut moins heureux dans le nouveau drame des Deux Amis, ou le Négociant de Lyon.

Mais ce fut dans le procès qu'il eut à soutenir contre MM. de la Blache et le conseiller Goëzman, que le talent de Beaumarchais brilla de tout son éclat. Obligé de se défendre lui-même, il composa ces Mémoires célèbres qui ont occupé Paris et la France entière. Le génie dont ils portent

l'empreinte, l'originalité du style qui les distingue, les formes dramatiques qu'on y voit succéder inopinément à des mouvemens oratoires, y tiennent l'attention toujours active; tandis que la logique, la clarté, l'art de présenter les faits accompagnés de preuves frappantes et satisfaisantes, s'emparent du cœur, le pénètrent et l'intéressent vivement. Ces mémoires sont peutêtre, avec les Lettres Provinciales de Pascal, les seuls ouvrages modernes qui, dénués de tout intérêt de circonstance, piquent encore et soutiennent au plus haut point la curiosité des lecteurs, par le seul mérite littéraire et le ton de la bonne plaisanterie. Ils placèrent leur auteur dans une situation tellement avantageuse à l'égard du public, qui pardonne tout hors l'ennui qu'on lui cause, que désormais la célébrité des chutes de Beaumarchais devait contribuer à sa renommée, presque autant que celle de ses succès. Il eut lieu de s'en apercevoir pour le Barbier de Séville, représenté et tombé, comme il le dit fort plaisamment lui-même, en 1775, sur le Théâtre de la Comédie française; pièce toute d'intrigue, et que Beaumarchais a vraiment composée avec l'esprit qui lui était propre. A cette production amusante il en succéda une nouvelle quelques années après la Folle Journée, ou le Mariage de Figaro, qui est toujours au courant du réper

toire, et qui rapporta dans l'origine 200,000 fr. à son auteur.

L'attention publique sembla n'abandonner quelque temps Beaumarchais au théâtre, que pour se reporter vers lui au Palais, avec une curiosité nouvelle. Le procès qu'il soutint contre M. Kornmann était, par son objet et par les incidens qui s'y rattachèrent, d'une toute autre importance que celui dans lequel il s'était trouvé engagé avec MM. Goëzman et de la Blache. La nature de la discussion exigeait un tout autre ton que celui dont il avait fait un si heureux usage dans ses premiers mémoires. Beaumarchais avait à sé défendre contre un adversaire également redoutable par une haute réputation et de rares talens. Il se défendit encore lui-même, et se montra plus profondément, plus véritablement éloquent que son provocateur Bergasse, qui fut flétri du nom de calomniateur.

Délivré des soins du Palais, Beaumarchais retourna aux travaux du théâtre, et certes jamais il n'eut plus de grâces à rendre à sa destinée, qui semblait avoir attaché un succès à tout ce qui sortait de sa plume; car son plus médiocre ouvrage, l'opéra de Tarare, obtint en 1787, sur le théâtre de l'Opéra, une vogue beaucoup plus extraordinaire que celle du Mariage de Figaro sur le Théâtre - Français. Enfin Beaumarchais

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