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ACTE PREMIER.

SCÈNE PREMIÈRE.

LE BARON HARTLEY, MADAME MURER, EUGÉNIE, BETSY.

Le théâtre représente un salon à la française, du meilleur goût. Des malles et des paquets indiquent qu'on vient d'arriver. Dans un des coins est une table chargée d'un cabaret à thé. Les dames sont assises auprès. Madame Murer lit un papier anglais près de la bougie. Eugénie tient un ouvrage de broderie. Le baron est assis derrière la table. Betsy est debout à côté de lui, tenant d'une main un plateau avec un petit verre dessus ; de l'autre une bouteille de marasquin empaillée : elle verse un verre au baron, et regarde après de côté et d'autre.

BETSY.

COMME tout ceci est beau! Mais c'est la chambre de ma maîtresse qu'il faut voir.

LE BARON, après avoir bu, remettant son verre sur le

Celle-ci à droite?

plateau.

BETSY.

Oui, monsieur; l'autre est un passage par où l'on monte chez madame.

LE BARON.

J'entends: ici dessus.

MADAME MURER.

Vous ne sortez pas, monsieur? il est six heures.

LE BARON.

J'attends un carrosse... Eh bien, Eugénie, tu ne dis mot! est-ce que tu me boudes? Je ne te trouve plus si gaie qu'autrefois.

EUGÉNIE.

Je suis un peu fatiguée du voyage, mon père.

LE BARON.

Tu as pourtant couru le jardin toute l'aprèsmidi avec ta tante.

EUGÉNIE.

Cette maison est si recherchée...

MADAME MURER.

Il est vrai qu'elle est d'un goût... comme tout ce que le comte fait faire. On ne trouve rien à désirer ici.

EUGÉNIE à part.

Que celui à qui elle appartient. (Betsy sort.)

SCÈNE II.

EUGÉNIE, LE BARON, MADAME MURER,

ROBERT.

ROBERT.

Monsieur, une voiture...

LE BARON à Robert en se levant.

Mon chapeau, ma canne.....

MADAME MURER.

Robert, il faudra vider ces malles et remettre un peu d'ordre ici.

ROBERT.

On n'a pas encore eu le temps de se reconnaître.

LE BARON à Robert.

Où dis-tu que loge le capitaine?

ROBERT.

Dans Suffolk-Street, tout auprès du Bagno.

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(Le ton de madame Murer, dans toute cette scène, est un peu dédaigneux.)

J'espère que vous n'oublierez pas de vous faire écrire chez le lord comte de Clarendon, quoiqu'il soit à Windsor; c'est un jeune seigneur fort de mes amis, qui nous prête cette maison pendant notre séjour à Londres, et vous sentez que ce sont là de ces devoirs....

LE BARON la contrefaisant.

Le lord comte un tel, un grand seigneur fort mon ami... comme tout cela remplit la bouche d'une femme vaine!

1. Théâtre.

4

MADAME MURER.

Ne voulez-vous pas y aller, monsieur ?

LE BARON.

Pardonnez-moi, ma soeur; voila trois fois que vous le dites : j'irai en sortant de chez le capitaine Cowerly.

MADAME MURER.

Comme il vous plaira pour celui-là; je ne m'y intéresse ni ne veux le voir ici.

LE BARON.

Comment! le frère d'un homme qui va épouser

ma fille !

MADAME MURER.

Ce n'est pas une affaire faite.

LE BARON.

C'est comme si elle l'était.

MADAME MURER..

Je n'en crois rien. La belle idée de marier votre fille à ce vieux Cowerly qui n'a pas cinq cents livres sterling de revenu, et qui est encore plus ridicule que son son frère le capitaine!

LE BARO N..

Ma sœur, je ne souffrirai jamais qu'on avilisse en ma présence un brave officier, mon ancien ami.

MADAME MURER.

Fort bien:mais je n'attaque ni sa bravoure ni son ancienneté : je dis seulement qu'il faut à votre fille un mari qu'elle puisse aimer.

LE BARON.

De la manière dont les hommes d'aujourd'hui sont faits, c'est assez difficile.

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Ma foi, presque toujours. Enfin j'ai donné ma parole à Cowerly.

MADAME MURER.

Il aura la bonté de vous la rendre.

LE BARON.

Quelle femme! Puisqu'il faut vous dire tout, ma sœur, il y a entre nous un dédit de deux mille guinées: croyez-vous qu'on ait aussi la bonté de me le rendre ?

MADAME MURER.

Vous comptiez bien sur mon opposition quand' vous avez fait ce bel arrangement; il pourra vous coûter quelque chose, mais je ne changerai rien au mien. Je suis veuve et riche; ma nièce est sous ma conduite, elle attend tout dé moi; et depuis la mort de sa mère, le soin de l'établir me regarde seule. Voilà ce que je vous ai dit cent fois; mais vous n'entendez rien.

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