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ACTE II.

(Le théâtre représente l'appartement de Rosine. La croisée dans le fond du théâtre est fermée par une jalousie grillée.)

SCÈNE PREMIÈRE.

ROSINE seule, un bougeoir à la main. Elle prend du papier sur la table et se met à écrire.

MARCELINE est malade; tous les gens sont occupés; et personne ne me voit écrire. Je ne sais si ces murs ont des yeux et des oreilles, ou si mon argus a un génie malfaisant qui l'instruit à point nommé ; mais je ne puis dire un mot ni faire un pas dont il ne devine sur-le-champ l'intention...... Ah! Lindor! (Elle cachète la lettre.) Fermons toujours ma lettre, quoique j'ignore quand et comment je pourrai la lui faire tenir. Je l'ai vu à travers ma jalousie parler long-temps au barbier Figaro. C'est un bon homme qui m'a montré quelquefois de la pitié ; si je pouvais l'entretenir un moment!

SCÈNE II.

ROSINE, FIGARO.

ROSINE surprise.

Ah! monsieur Figaro, que je suis aise de vous

voir!

FIGARO.

Votre santé, madame?

ROSINE.

Pas trop bonne, monsieur Figaro: l'ennur me

tue.

FIGARO.

Je le crois, il n'engraisse que les sots.

ROSINE.

Avec qui parliez-vous donc là-bas si vivement? je n'entendais pas : mais....

FIGARO.

Avec un jeune bachelier de mes parens, de la plus grande espérance; plein d'esprit, de sentimens, de talens, et d'une figure fort revenante.

ROSINE.

Oh! tout-à-fait bien, je vous assure! il se nomme?....

FIGARO.

Lindor. Il n'a rien : mais s'il n'eût pas quitté brusquement Madrid, il pouvait y trouver quelque bonne place.

ROSINE étourdiment.

Il en trouvera, monsieur Figaro, il en trouvera. Un jeune homme tel que vous le dépeignez fait pour rester inconnu,

n'est pas

FIGARO à part.

Fort bien. (Haut.) Mais il a un grand défaut, qui nuira toujours à son avancement.

ROSINE.

Un défaut, monsieur Figaro! Un défaut! en êtes-vous bien sûr?

Il est amoureux.

FIGARO.

ROSINE.

Il est amoureux! et vous appelez cela un défaut ?

FIGARO.

A la vérité, ce n'en est un que relativement à sa mauvaise fortune.

ROSINE.

Ah! que le sort est injuste! Et nomme-t-il la personne qu'il aime? Je suis d'une curiosité....

FIGARO.

Vous êtes la dernière, madame, à qui je voudrais faire une confidence de cette nature.

ROSINE vivement.

Pourquoi, monsieur Figaro? je suis discrète; ce jeune homme vous appartient, il m'intéresse infiniment.... dites donc.

FIGARO la regardant finement.

Figurez-vous la plus jolie petite mignonne, douce, tendre, accorte et fraîche, agaçant l'appétit, pied furtif, taille adroite, élancée, bras dodus, bouche rosée, et des mains! des joues! des dents! des yeux!....

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Ah! que c'est charmant.... pour monsieur votre parent. Et cette personne est?....

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C'est la seule chose que vous ayez oubliée, monsieur Figaro. Dites donc, dites donc vite; si l'on rentrait je ne pourrais plus savoir.....

FIGARO.

Vous le voulez absolument, madame? Eh bien! cette personne est.... la pupille de votre

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FIGARO.

Du docteur Bartholo: oui, madame.

ROSINE avec émotion.

Ah! monsieur Figaro.... je ne vous crois pas, je

vous assure.

FIGARO.

Et c'est ce qu'il brûle de venir vous persuader lui-même.

ROSINE.

Vous me faites trembler, monsieur Figaro.

FIGARO.

Fi donc, trembler! mauvais calcul, madame; quand on cède à la peur du mal, on ressent déjà le mal de la peur. D'ailleurs, je viens de vous débarrasser de tous vos surveillans jusqu'à demain.

ROSINE.

S'il m'aime, il doit me le prouver en restant absolument tranquille.

FIGARO.

Eh! madame, amour et repos peuvent-ils habiter en même cœur? La pauvre jeunesse est si malheureuse aujourd'hui, qu'elle n'a que ce terrible choix amour sans repos, ou repos sans

amour.

ROSINE baissant les yeux.

Repos sans amour.... paraît....

FIGARO.

Ah! bien languissant. Il semble, en effet,

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