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pez point..... Je rends grâces à la générosité de milord duc..... je vous crois même sincère en ce moment..... mais l'état humiliant dans lequel vous n'avez pas craint de me plonger..... l'opprobre dont vous avez couvert celle que vous deviez chérir, ont rompu tous les liens.....

LE COMTE vivement.

N'achevez pas. Je puis vous être odieux; mais vous m'appartenez; mes forfaits nous ont tellement unis l'un à l'autre.....

EUGENIE douloureusement.

Malheureux!.... qu'osez-vous rappeler?

LE COMTE avec feu.

J'oserai tout pour vous obtenir. Au défaut d'autres droits, je rappellerai mes crimes pour m'en faire des titres. Oui, vous êtes à moi. Mon amour, les outrages dont vous vous plaignez, mon repentir, tout vous enchaîne et vous ôte la liberté de refuser ma main; vous n'avez plus le choix de votre place, elle est fixée au milieu de ma famille : interrogez l'honneur; consultez vos parens; ayez la noble fierté de sentir ce que vous vous devez.

LE BARON au comte.

Ce qu'elle se doit est de refuser l'offre que vous lui faites; je ne suis pas insensible à votre procédé, mais j'aime mieux la consoler toute ma vie du malheur de vous avoir connu, que de la

:

livrer à celui qui a pu la tromper une fois. Sa fermeté lui rend toute mon estime.

LE COMTE pénétré.

Laissez-vous toucher, Eugénie ; je ne survivrais

pas à des refus obstinés.

EUGÉNIE veut se lever pour sortir, sa faiblesse la fait
retomber assise.

Cessez de me tourmenter par de vaines instances; le parti que j'ai pris est inébranlable ; j'ai le monde en horreur.

LE COMTE, regardant autour de lui, s'adresse enfin à madame Murer.

Madame, je n'espère plus qu'en vous.

MADAME MURER fièrement.

Je consens qu'elle vous pardonne, si vous pouvez vous pardonner à vous-même.

LE COMTE d'une voix forte et d'un ton de dignité. Vous avez raison; celui qui s'est rendu si criminel est à jamais indigne de partager son sort. Vous n'ajouterez rien dont je ne sois pénétré d'avance.... ( A Eugénie avec plus de chaleur.) Mais, cruelle! quand le ciel et la terre déposent contre mon indignité, aucun murmure ne se fait-il entendre dans ton sein, et l'être infortuné qui te devra bientôt le jour n'a-t-il pas des droits plus sacrés que ta résolution? C'est pour lui que j'élève une voix coupable; lui raviras-tu par une double

cruauté l'état qui lui est dû? et l'amour outragé ne cédera-t-il pas au cri de la nature? (En s'adressant à tous.) Barbares! si vous ne vous rendez pas à ces raisons, vous êtes tous, s'il se peut, plus inhumains, plus féroces que le monstre qui a pu outrager sa vertu, et qui meurt de douleur à vos pieds. (Il tombe aux pieds du baron.) Mon père! LE BARON le relevant, lui serre les mains, et après un moment de silence:

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Rendons-nous, ma fille; celui qui se repent de bonne foi est plus loin du mal que celui qui ne le connut jamais.

(Eugénie regarde son père, laisse tomber sa main dans celle

du comte, et va parler. Le comte lui coupe la parole.)

LE COMTE par exclamation.

Elle me pardonne!

EUGENIE après un soupir.

Va! tu mérites de vaincre; ta grâce est dans mon sein, et le père d'un enfant si désiré ne peut jamais m'être odieux. Ah! mon frère, ah! ma tante, la vue du contentement que je fais naître en vous me remplit de joie à mon tour. (Madame Murer l'embrasse avec joie.)

LE COMTE transporté.

Eugénie me pardonne, ah! la mienne est ex

trême; cet événement va nous rendre tous aussi heureux que vous êtes dignes de l'ètre, et que mérité de le devenir.

j'ai peu

SIR CHARLES au comte.

Généreux ami! que d'éloges nous vous devons!

LE COMTE.

Je rougirais de moi si je n'avais aspiré qu'à les obtenir le bonheur avec Eugénie, la paix avec moi-même, et l'estime des honnêtes gens, voilà le seul but auquel j'ose prétendre.

LE BARON avec joie.

Mes enfans, chacun de vous a fait son devoir aujourd'hui vous en recevez la récompense. N'oubliez donc jamais qu'il n'y a de vrais biens sur la terre que dans l'exercice de la vertu.

LE COMTE baisant la main d'Eugénie avec enthousiasme. O ma chère Eugénie!....

(Tous se rassemblent autour d'elle, et la toile tombe.)

FIN DU CINQUIÈME ET DERNIER ACTE.

LES DEUX AMIS,

ου

LE NEGOCIANT DE LYON,

DRAME

EN CINQ ACTES ET EN PROSE,

Représenté, pour la première fois, sur le Théâtre de la Comédie Française, à Paris, le 13 janvier 1770.

Qu'opposerez-vous aux faux jugemens, à l'injure,

aux clameurs?

Rien.

LES DEUX AMIS, acte IV, scène VII.

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