Page images
PDF
EPUB

la conjuration de Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, surnommé Égalité, dont les étranges assertions semblent un de ces mots d'ordre destinés à fausser l'histoire et à faire oublier l'explication écrite à Londres par le duc d'Orléans sur son attitude pendant la révolution de France'. « J'ai toujours cru, dit alors le duc d'Orléans, et je crois encore que ma conduite dans la révolution présente a été aussi simple et naturelle que mes motifs étaient rai– sonnables et justes... Les démocrates outrés ont pensé que je voulais faire de la France une république..., les méchants m'ont prêté les projets les plus criminels..., les patriotes les plus zélés ont eu aussi leur erreur... En observant mieux, ils auraient bientôt reconnu que mon caractère, mes opinions, mes goûts étaient tels que mon bonheur personnel et particulier se trouvait nécessairement lié au bonheur public, en ce qu'il ne pouvait venir que de la même source, je veux dire de la liberté... J'ai lu quelque part... que chaque homme naît avec un goût dominant... Ce goût dominant a de tout temps été chez moi le goût de la liberté... Mon goût pour la liberté m'avait depuis longtemps engagé à me ré

'Montjoie accuse notamment le duc d'Orléans d'avoir acheté la plus grande partie des grains de France pour les transporter en Angleterre et affirme qu'au moment où Louis XVI prévoyant les désastres qu'allait causer la famine, fit négocier l'acquisition de grains dans la Grande-Bretagne, Pitt s'y opposa pour complaire au duc d'Orléans. « Ainsi, dit-il, l'Angleterre, gorgée de nos grains, refusa impitoyablement au malheureux Louis XVI une légère portion de la subsistance qu'on avait volé à son peuple. >> Nous nous contenterons de cette citation, qui suffit pour juger l'œuvre. (Histoire de la conjuration de Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, par l'auteur de la Conjuration de Maximilien Robespierre. In-8°. Paris, 1796, t. III, p. 25 et suiv.)

[ocr errors]

pandre à Paris dans les différentes classes de la société... Le même motif m'avait porté à voyager chez les nations voisines... J'avais été plusieurs fois en Angleterre, cette terre nationale de la liberté..., et mon goût dominant s'était fortifié de tout ce que j'avais acquis d'expérience... »

L'instinct public l'avait deviné; pour les Français qui tenaient à conserver leur roi, ce prince était l'usurpateur désigné du souverain qu'ils chérissaient et encourait par ce fait même leurs haines les plus ardentes, pour ceux au contraire qui rêvaient un gouvernement à l'anglaise et désespéraient de l'obtenir avec Louis XVI, il représentait un membre de la famille royale appelé à rétablir dans des circonstances qu'on pouvait prévoir la loi monarchique de l'hérédité, joignant à cette condition précieuse pour eux un caractère que sa molle ambition et presque son indifférence rendaient étranger à l'âpre soif de domination qui détruit chez un chef le respect d'un ordre légal et la sécurité des peuples'.

Mémoires et correspondances de Lafayette. In-8, 1838, tome II, p. 355 et suiv. Mémoires du comte Alexandre de Tilly, tome III, p. 323; ils reproduisent l'écrit de Garat de 1797, sur la conspiration d'Orléans. — Annales françaises, par Guy-Marie Sallier, ancien conseiller au Parlement de Paris. In-8, 1813, pages 34 et suiv., 38 et suiv., 78, 81, 88, 90. Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la république des lettres, tomes VII, p. 13, 79; XIV, p. 32; XIX, p. 283; XX, p. 27; XXII, p. 41, 148, 304; XXV, p. 201; XXVI, p. 78, 219; XXXIV, p. 90; XXXV, p. 15, 90; XXXVI, p. 219, 248. Mémoires du marquis de Bouillé. Collection Berville et Barrière. In-8, 1821, p. 102. — Histoire de la conjuration de Louis-PhilippeJoseph d'Orléans surnommé Égalité, par l'auteur de l'Histoire de la conjuration de Maximilien Robespierre. Trois volumes in-8°. Paris, 1790.

[ocr errors]

Mémoires du marquis de Ferrières. Collection Berville et Barrière. Tome I, p. 479. Exposé de la conduite de M. le duc d'Orléans dans la révolution; rédigé par lui-même, à Londres. Correspondance de MarieThérèse et du comte de Mercy, tome II, p. 329; tome III, p. 334.

L'orléanisme

est devenu la désignation d'une

spéculative.

Pour tout esprit impartial, le mérite du duc d'Orléans sera d'avoir loyalement partagé l'opinion de ses concitoyens et compris les aspirations de son temps. opinion politique Il a légué à sa patrie dans la personne de son fils le moyen d'opérer la transition d'une royauté absolue à une république en remplaçant le droit divin par le droit populaire. Ce fils groupant autour de lui la clientèle honorable et puissante que dirigeait une pensée commune plutôt que son attache à une famille, dédaigna d'affermir son pouvoir personnel par un plébiscite, procédé employé en Suisse et aux États-Unis pour l'approbation de quelques lois générales et constitutionnelles, mais appliqué plusieurs fois en France sous la forme de l'acte odieux d'un brigand exigeant d'un voyageur blessé et désarmé son consentement à l'effet de s'emparer du reste de ses dépouilles. Ce fils n'a pas froissé les croyances de son pays en imposant un catéchisme uniforme à tous les diocèses de France pour y insérer un chapitre érigeant en article de foi la soumission du peuple à l'empereur Napoléon et aux membres de sa famille '.

'L'Eglise romaine et le Premier Empire, par le comte d'Haussonville, in-8, Paris, 1868, tome II, p. 262 et suiv., et le Catéchisme Impérial. A la citation de cet ouvrage, qui montre le but poursuivi par le restaurateur de l'Église en France, nous croyons devoir ajouter quelques extraits de lettres adressées à Gouverneur Morris, envoyé des États-Unis en France, par des amis de Morris, soit par le duc d'Orléans, qui fut le roi LouisPhilippe, et des passages des mémoires de Lucien Bonaparte sur son frère, qui nous mettent à même d'apprécier, à une date fort rapprochée, les caractères et les sentiments de deux jeunes gens, séparés seulement par quatre années d'âge, qui occupèrent le trône de France.

soit

Le prince Lucien Bonaparte, parlant de son frère, écrit, en se reportant à 1793: «Quant au capitaine Napoléon, alors bien éloigné de rêver la probabilité de devenir le puissant empereur qu'il est aujourd'hui, il n'aspirait qu'à une augmentation de grade en quelque armée que ce fût. ››

Le Parlement

ne désirait pas
plus que
les ministres

L'implacable division qui avait creusé un abîme entre le Parlement et le ministère ne peut en toute

la convocation justice être attribuée qu'à l'aveuglement des deux Etats généraux. partis. Terrifié à la vue du gouffre béant en face

des

duquel le combat est engagé, chacun des adversaires cherche à se concilier la foule qui les environne. Loménie, après avoir promulgué une loi en faveur des protestants, obtint de Louis XVI la suppression de cent soixante-dix charges de gentilshommes servants, de portiers, de hâteurs, de maîtres-queux tant dans sa maison que dans celle de la reine. Il fit décider la vente des châteaux de la Muette, de Madrid, de Vincennes, de Blois, montrant la fermeté de sa résolution par l'annonce que, faute d'acquéreurs pour

Puis il raconte, en rapportant une conversation de famille : « Au dessert, on commença à reparler de la situation où nous plaçaient les projets de Paoli, de la préférence qu'il avait toujours donnée à l'Angleterre sur toutes les autres nations, et finalement de la prépondérance de cette puissance dans l'Inde... Je n'ai jamais oublié qu'il dit que c'était là un pays à faire fortune, et que, s'il n'était pas promu ainsi qu'on le lui avait fait espérer, il ne serait pas éloigné à y prendre du service. Voilà ce qui m'a fait douter qu'au fond il fut dans le temps aussi attaché à la France... qu'il se l'est montré depuis... Maman dit qu'elle était fâchée que Napoléon parlât si vivement de ce peuple de l'Inde, parce qu'il était capable de l'exécuter dans un moment d'humeur contre le gouvernement si on ne l'avançait pas bientôt en grade... » Quatorze années après ces révélations qui dénotent une absence complète de patriotisme dans le cœur du chef accepté par la France au sein de sa détresse, nous trouvons les sentiments de famille chez Napoléon aussi affaiblis que ceux du citoyen: il menace son frère de le faire pourrir dans une prison s'il ne consent pas à divorcer avec Alexandrine de Bleschamp, ce qui provoque Lucien à s'écrier: «Oh! mes enfants, oui, vous serez dignes de moi, de votre mère, lorsque parvenus à l'âge et à la raison d'hommes heureux et libres citoyens américains accoutumés à juger et à mépriser les tyrans..., vous jugerez comme moi que l'orgueilleux despote de la France avilie au milieu des lauriers militaires de son empereur par l'esclavage où il la retient, n'insistait sur la condition de vous légitimer dynastiquement... que parce qu'il savait que Lucien n'y souscrirait jamais. » (Lucien Bonaparte et ses mémoires d'après les papiers déposés aux Archives étrangères, in-8, Paris, 1883, tome 11,

ces demeures princières, leurs matériaux et leurs emplacements seraient livrés à qui voudrait les payer. Le nombre des gardes du corps fut diminué, les gardes de la Porte de la maison du roi et l'école militaire de Paris cessèrent d'exister. Tentatives inutiles pour convaincre une nation qui n'attachait pas plus d'importance à la parole des ministres qu'à celle des magistrats.

L'empressement mis à rassurer le public et à satisfaire ses désirs semblait plutôt accroître les défiances que les détruire et les ressorts de l'administration se brisaient à la suite les uns des autres. La création d'un conseil de guerre chargé de régler ce qui concernait les marchés et fournitures, de disposer des emplois,

p. 51, 74 et suiv.; tome III, p. 102 et suiv.). — « J'ai vu en Suisse le jeune
duc d'Orléans, écrivait la comtesse de Flahaut, le 27 juin 1795, à Gou-
verneur Morris... Lorsqu'il arriva à l'armée autrichienne avec Du-
mouriez, l'archiduc et le prince de Cobourg le pressèrent avec instance
d'entrer au service de l'empereur. Il aurait conservé son rang et ses
appointements de lieutenant général. Quoique sans argent et ignorant
ce qu'il deviendrait, il refusa, disant qu'il ne voulait pas exposer à la
mort sa mère et ses frères et que d'ailleurs il ne servirait jamais contre
son pays... Se trouvant persécuté en Suisse par les exaltés aristocrates et
jacobins... et suivi d'un seul serviteur qui abandonna son cheval à Du-
mouriez...,
i erra à pied dans les montagnes, ne dépensant que trente
sous par jour pour sa nourriture, son gite et autres besoins... Ne possé-
dant plus dans le monde que trente francs, il revint trouver M. de Mon-
lesquiou à Richenau qui lui donna des secours et lui procura une place de
professeur dans un collège....... Lorsque je lui parlai de cet humble emploi,
il me répondit qu'il aurait volontiers donné sa vie pour sa mère et ses
frères, que par conséquent plus sa profession le dérobait à ses ennemis,
plus ces êtres chéris seraient en sûreté. » Quand Morris envoye au duc
d'Orléans une lettre de change destinée à faciliter son départ pour l'Amé-
rique, ce prince le remercie en lui disant, dans sa lettre du 24 février 1795:
« Je suis tout disposé à travailler pour me rendre indépendant. J'entrais à
peine dans la vie, lorsque les plus grands malheurs m'ont assailli. Mais,
Dieu merci! ils ne m'ont pas découragé. Trop heureux dans mes revers,
que ma jeunesse ne m'ait pas donné le temps de m'attacher trop à ma po-
sition, ou de contracter des habitudes difficiles à rompre, et que j'aie été

Le comte de Brienne ministre de la guerre, et le comte de la Luzerne ministre de la marine 24 septembre, 23 décembre

1787.

« PreviousContinue »